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N° 254 - SEMAINE DU 8 AU 14 AVRIL 2021
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En avril, nous avons vite compris que ce serait compliqué de vous parler de la culture en train de se faire. Alors on a senti une envie émerger, celle de partager avec vous des textes qui ne soient pas reliés directement avec l’actualité du moment.
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En 2016, fut donnée, au CDDB-Théâtre de Lorient, Notre Faust, une série théâtrale de Robert Cantarella, suivie avec beaucoup d’enthousiasme par le public. Dans le rôle-titre, Nicolas Maury, propulsé dans le cercle des acteurs désirables par son personnage d’Hervé, dans la série Dix pour cent, mais aussi réalisateur prometteur avec son film sorti-non sorti l’an dernier, Garçon chiffon. Le processus d’écriture, réunissant plusieurs auteurs, m'avait fascinée, et j’avais eu envie de rebondir sur cette histoire par le biais d’une forme hybride, un exercice de style, un portrait à la manière de Télérama où je me suis amusée à extrapoler une suite, d'après des éléments du spectacle, inventant un futur – et un passé - au héros, comme une sorte de previously à une possible saison 2.
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Voici comment Cantarella résumait sa version contemporaine du mythe de Faust : "Henri Faust est kinésithérapeute. Les clients défilent dans son cabinet et certains dégagent de mauvaises vibrations. Sa femme préfère un autre destin, son fils est un adolescent en pleine crise d’identité, sa belle-mère tolère les exigences, son père est absent et sa séduisante sœur multiplie les conquêtes. Faust cache un passé trouble qui resurgit et l’oblige à agir. Il veut une reconnaissance sociale. Ses désirs inassouvis le mènent alors à pactiser. Son besoin de satisfaction devient impossible à rassasier".
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Pour ceux qui n’ont pas vu le spectacle, et pour rafraîchir la mémoire des autres, nous vous proposerons donc, pendant cinq semaines, les captations des cinq épisodes, sur Viméo, accompagnées de notre "article", découpé en cinq parties.
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Le spectacle s'ouvre sur une scène à part, les dialogues de Taxi Driver, de Scorsese, mis bout à bout, où Nicolas Maury joue - le texte dans une oreillette - le rôle de Travis Bickle, dans une interprétation mimétique stupéfiante de Robert De Niro, tout autant que singulière, dans son jeu si particulier, empreint d'une langueur inquiétante.
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Kinécitta
Il a rendu la kiné désirable, moderne, et surtout très hype. Thé matcha, fauteuils Pierre Paulin, bar à eau, dans la salle d’attente du Docteur Faust, ce n’est pas Paris-Match qu’on feuillette, mais les catalogues de Miami Art Basel. Tout le gratin du cinéma français est passé entre ses mains, les plus grandes stars parlant de renaissance, de découverte du corps et de supplément d’âme. Mécanicien des corps, gourou des âmes, auteur de best-sellers sur le Postural Pilates, portrait du kiné du ciné, Henri Faust. Isabelle Nivet
JASMIN, FIGUIER, MUGUET… On reconnaît L’air de Colette dès la porte à double-battant poussée. Les huiles essentielles de ses confrères ont dû paraître trop ordinaires à Henri Faust pour accueillir une clientèle qui s’est faite de plus en plus haut de gamme avec le temps. Pas question de recevoir Nathalie Baye, Cécile de France, Line Renaud ou Françoise Fabian dans un cabinet standard. Parquet à chevrons, meubles de designers, catalogues d’art et sound design sur mesure, la patte de Rebecca Meyer qui, pour Henri, a mixé les références à Faust. « Rebecca est une très vieille amie, je remets ses omoplates en place depuis l’époque de son premier album, quand elle passait son temps dans l’Eurostar, avec sa guitare sur l’épaule… Deux anses, mais une seule épaule ! » commente l’auteur de Bien dans ma tête, bien dans mon dos, best-seller du bien-être postural, vendu à 350000 exemplaires.
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« Je ne voulais personne d’autre pour mon identité sonore. On est partis sur une forme de refrain avec les grandes interprétations de Faust, chez Gounod, Berlioz, Schumann, mixées avec une partition minimaliste, un peu de Satie, Reich, Glass, Cage, des classiques qui font partie de mon univers. Et un peu de Japanese Pop, parce que j’adore le petit côté iconoclaste. Il faut bien bousculer un peu les oreilles de ma clientèle ».
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Dans ce cabinet idéal, aux volumes parfaits et aux cheminées XXL, on ne parle pas de salle d’attente – d’ailleurs il est « très rare que l’on attende chez Henri, il se débrouille sans doute pour placer ses rendez-vous dans des créneaux très larges », explique l’acteur Nicolas Cage, qui vient spécialement à Paris pour le voir - mais plusieurs salons de couleurs différentes, dans lesquels le ton est donné par les œuvres accrochées. Lorsque l’on évoque ses goûts en matière d’art, Faust avoue ne pas trop savoir ce qui se trouve sur ses murs, ayant remis dès ses débuts les clefs au galeriste Daniel Templon, l’homme qui a fait découvrir Warhol, Serra, Boltanski, Basquiat, ou encore Buren… Pour Templon : « On vous dira que c’est moi qui décide quoi mettre où. En réalité c’est faux : Henri est un intuitif qui sait juger d’un seul coup d’œil de la qualité d’une œuvre. Jamais il ne s’est trompé dans ses choix. Il sait très bien ce qu’il veut et ce qu'il ne veut pas. Il cherche le signifiant, les liens. Ça fait des années que je lui propose du Garouste et qu’il refuse, prétextant que la symbolique est trop forte, qu’il ne pourrait pas vivre avec ça. L’art est tout sauf de la déco, pour lui. Le sens caché compte beaucoup ».
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Toujours « bousculer un peu » la clientèle, même si en l‘occurrence il s’agit plutôt de la caresser dans le sens du poil, avec des artistes dont la provoc est aujourd’hui institutionnalisée. Templon y a placé les plus célèbres : « Il adore les photos, il commence à avoir une jolie collection. Il aime le glossy, le kitsch, le porno chic. Richard Kern, David La Chapelle, Helmut Newton bien sûr… Il n’a qu’une seule photo de lui, qui l’aide à se concentrer (rires). Son dernier coup de cœur s’est fait sur un peintre américain, Will Cotton, qui travaille comme un photographe, hyperréaliste, et dont les sujets favoris sont les femmes et les bonbons, guimauve, mousses… Depuis, Will a été engagé comme directeur artistique sur un clip de Katy Perry, imaginez l’envol de la cote ! Henri sent ces choses là. Même si ce tableau « Cotton candy clouds » est avant tout pour lui une métaphore du plaisir et de l’orgasme… »
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De sa « vraie » collection, celle où Templon a conseillé les émergents, les spéculations possibles, les très pointus, on ne sait rien, sauf que c’est au domicile de Faust qu’elle est conservée. Une adresse gardée aussi secrète que celles des stars qu’il remet sur les rails. L’hiver dernier, Faust s’est laissé tenter par un Pierre et Gilles un brin provoc, un Prométhée nu – très très nu -, tatoué et très très bodybuildé, dont le prix reste confidentiel. Une arrivée dont se souvient très bien l’assistante de Faust, Anastasia : « Monsieur Faust est sorti du salon brun un matin alors que j’enlevais mon manteau, avec du papier bulle froissé à la main. Il venait d’installer le tableau lui même, et il avait un petit sourire aux lèvres comme on lui en voit trop rarement. Il a tellement l’air triste… ». Triste, le qualificatif qui revient le plus souvent dans la bouche de ceux qui le côtoient au quotidien. Les commerçants du coin, le traiteur italien, chez qui il vient régulièrement s’approvisionner en aubergines alla parmigiana - son péché mignon - et le pâtissier marocain chez qui il commande ses cornes de gazelle - une réminiscence de ses débuts de carrière dans le 18e, quand il passait prendre son café tous les matins à La rivière d’Alger. Ses rares amis, comme l’auteure Sabine Macher - une fidèle de toujours - le décrivent comme : « dépressif ou pas, mais dans tout les cas au moins mélancolique, comme s'il portait en lui des souvenirs, des regrets, ou des secrets trop lourds pour lui ».
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A la Dame Blanche, café-librairie de Port-Louis, la partie librairie reste ouverte et expose les dessins à l'encre et au fil de Liz Hascoët sur l’Antarctique. L'occasion de découvrir un travail délicat, entre vision d'artiste et documentaire.
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> Tous les jours du mardi au samedi de 10h à 12h et de 15h à 19h, jusqu'au 9 mai.
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A l'Hermine, Sarzeau, la partie médiathèque étant ouverte, on peut en profiter pour découvrir une nouvelle série d'une artiste qu'on aime beaucoup, Nathalie Douillard, qui en dit ceci :
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"2020 fut une année qui nous a tous entravés dans nos trajectoires. La liberté de mouvement et le voyage sont devenus de lointains souvenirs éveillant en chacun le désir de fluidité, de légèreté. L'art devenant futile et non essentiel face à la crise sanitaire il n'en est pas moins un moyen de s'évader. Plus que jamais il me semble que nous devons nous interroger sur le voyage et ce que nous emportons. Voyager engendre une circulation d'êtres vivants et des objets. Les voyageurs et leurs déplacements modifient le paysage par leur incessants passages et échanges. La nature en garde l'empreinte se confondant avec les méandres de l'histoire de nos vies."
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> A voir tout le mois d'avril
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A la Galerie La Rotonde, dans l'Hôtel de ville de Lanester, on peut aussi profiter de l'accès aux lieux pour découvrir l'exposition de Jean-Pierre Noury, "Les oubliées de la route". Cabossage, rouille et toiles d'araignées n'entachent pourtant pas le charme de ces voitures d'un autre temps, oubliées dans la nature. Nostalgie et poésie...
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A l'atelier Oooooh, il faudra se contenter des images et surprises publiées chaque jour sur leur page Facebook pour découvrir les nouvelles séries d'Yves Grouazel et Catherine Pouplain. Le premier a délaissé ses jaunes d'or et ses verts olive pour passer sur une gamme de bleus qui racontent les soirs d'été au bord de l'eau (un gros coup de coeur pour cette langueur et ce calme de l'heure délicieuse). La seconde a musclé son poignet pour densifier son dessin au crayon de couleur, créant une matière très tonique, aux couleurs fortes, qui booste l'effet graphique, dans des histoires de jardins, de chemins et de fleurs, entre pop et poésie. On adore.
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L'excellente émission "Le grand BaZH.art", coréalisée par France 3 et KuB, consacre un numéro spécial à Douarnenez, dans les pas d'un de ses enfants les plus célèbres, Yann Kersalé. L'homme des lumières nous entraîne sur les lieux de son enfance, ses plus belles réalisations, mais nous présente aussi les artistes qu'il aime, notamment Youenn Kergoat et ses BD, Yuna Le Braz et ses mixes, et surtout notre grand chouchou, le vidéaste Thierry Salvert, qui a beaucoup collaboré avec la chorégraphe Cécile Borne...
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> Le lien ayant du mal a atterrir directement sur la vidéo, il faut choisir l'émission du 31 mars
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Le théâtre de Lorient occupé fait appel à tous les musicien·nes, chanteur·ses du pays de Lorient et au-delà pour participer à une action collective - Le bourdon de la colère - en soutien à leurs revendications : la mise en place d’un plan de relance de la culture et le retrait de la réforme d’assurance chômage.
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> Ce jeudi 8 avril à 13h, sur le parvis du théâtre. Inscription par sms : 06 72 97 47 00
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