ESSAI bandeau mag 2023

N° 376 - 26 octobre 2023

les salles momes

Les salles mĂŽmes

Un programme concocté par TRIO...S, le Théùtre à la Coque et le Cinéma Le Vulcain en compagnie du Strapontin à Pont-Scorff et du festival Les Indisciplinés. De la marionnette, du cirque, du théùtre, de la musique, des films d'animation, une programmation à découvrir entre amis, en famille.
8 spectacles
🟡 Suzanne aux oiseaux - ThĂ©Ăątre et marionnettes - DĂšs 8 ans 🟡 Gourmandise - ThĂ©Ăątre et marionnettes - DĂšs 6 ans 🟡 Mentir lo minimo - Cirque - DĂšs 6 ans 🟡 Chemin des mĂ©taphores - Marionnettes - DĂšs 5 ans 🟡 Nos petits penchants - Marionnettes - DĂšs 7 ans 🟡 Click ! - ThĂ©Ăątre visuel - DĂšs 3 ans 🟡 Mojurzikong - ThĂ©Ăątre musical - DĂšs 6 ans 🟡 Petites traces - Spectacle pour les tout-petits de 6 mois Ă  6 ans
4 films
🟡 Les grandes vacances de Cowboy et Indien - Dùs 6 ans 🟡 Ollie & Compagnie - Dùs 3 ans 🟡 Valentina - Dùs 5 ans 🟡 Les aventures de Ricky - Dùs 7 ans
> Rendez-vous du 1er au 13 novembre
adé

Adé

Mais si vous la connaissez ! D'abord, Ă©coutez CECI, (et regardez, parce que le clip est vraiment chouette) vous l'avez entendu. Et si vous ne l'avez pas entendu, vous connaissez ThĂ©rapie Taxi, dont elle Ă©tait la voix (rappelez-vous CECI). L’aventure terminĂ©e, AdĂ© s’est envolĂ©e Ă  cheval entre pop luxuriante et country futuriste, c'est acidulĂ© comme il faut, avec des mĂ©lodies qui restent en tĂȘte...
> Jeudi 2 nov, 20h30, Les Arcs, Quéven
manoukian

André Manoukian

Le pianiste de jazz AndrĂ© Manoukian, notamment connu pour ses participations en tant que jurĂ© Ă  la « Nouvelle Star », pour ses chroniques sur France Inter ou pour « La vie secrĂšte des chansons » sur France TV, n’a jamais arrĂȘtĂ© la musique. Dans “Anouch”, projet personnel, il se reconnecte avec ses racines armĂ©niennes, orientales, en rendant hommage Ă  sa grand-mĂšre dĂ©portĂ©e au lendemain du dĂ©clenchement du gĂ©nocide armĂ©nien. Conçu comme des photographies des Ă©tapes de la vie de sa grand-mĂšre, “Anouch” est un disque pudique et sans pathos, au son d'une fusion jazz world plutĂŽt rĂ©ussie. En piano-solo. Regarder ICI.
> Jeudi 2 novembre, 20h30, Océanis, Ploemeur
coups coeur semaine
PERIE

Murayama::Périé

Oh dis donc ! VoilĂ  un projet qui sort un peu du ronron. Avec un nouveau venu dans le paysage morbihannais, Fred PĂ©riĂ©, qu’on a rencontrĂ© il y a peu, en fourrant notre nez dans l’atelier Catpied, lors des Ateliers ouverts. Catpied, on vous reparlera, c’est une styliste engagĂ©e aux lunettes rondes (tiens, tiens
) qui vient de s’installer Ă  Lorient. En attendant, faisons focus sur son amoureux, qui propose la semaine prochaine une performance son-image, en compagnie de Seijiro Murayama, une pointure de l’improvisation.

InstallĂ© Ă  Lorient depuis deux ans et demi, Fred PĂ©riĂ© vient du monde de la simulation numĂ©rique, duquel il a glissĂ© pour s’ouvrir vers une activitĂ© artistique : « Et puis j’ai Ă©tĂ© rattrapĂ© par le numĂ©rique, au moment oĂč j’ai commencĂ© Ă  travailler Ă  partir de films en Super 8 qu’il a fallu les scanner, j’ai fabriquĂ© un appareil de numĂ©risation, et Ă  jouer avec ça, sur les changements de rythme. Et de lĂ , ça m’a embarquĂ© sur les installations vidĂ©o, puis Ă  la performance, notamment avec Seijiro Murayama. Il se trouve que Seijiro fait un workshop d’improvisation Ă  Douarnenez (NDLR : avec l’association Mi-FĂȘtes Mi-Affaires, ce week-end) et je lui ai proposĂ© de faire une chose improvisĂ©e, avec une musique qui se crĂ©e en direct. On va utiliser des matĂ©riaux familiers : une caisse claire, un ordinateur, des bruits de bouche, des chants, des cris
 Le tout produit quelque chose qui ressemble Ă  de l’électro. De mon cĂŽtĂ©, je vais utiliser le phĂ©nomĂšne de rĂ©troaction : la lumiĂšre produite par l’écran, qui modifie la scĂšne, est filmĂ©e et projetĂ©e en direct par-dessus. »

InstallĂ©s au milieu du public, les deux artistes seront dans une proposition entre « le bidouillage et la performance ». Fred PĂ©riĂ© pourra « intervenir avec des rĂ©flecteurs, des gĂ©latines colorĂ©es, des surfaces opaques, rĂ©flĂ©chissantes, des objets qui renvoient la lumiĂšre et les images, mais qui sont aussi des supports sur lesquels je projette. C’est un phĂ©nomĂšne de « loop », l’image filmĂ©e et reprojetĂ©e. En filmant les reflets, ça devient complĂštement abstrait. L’idĂ©e, c’est d’ĂȘtre dans le prĂ©sent, d’interagir avec ce qui se passe. J’utilise mon corps, la danse, le monde de l’image et du rĂ©el, autour d’une rĂ©flexion : Qu’est-ce qu’on voit ? Qu’est-ce qu’on regarde ? Qu’est-ce qu’une image ? »
> Jeu 2 nov, 20h, Le City, 3 rue R. Salengro, Lorient. RĂ©sas s.ici.prod@gmail.com ou 06 11 51 27 76

Ce que dit la bio de Seijiro Murayama
Percussionniste, Seijiro Murayama travaille en France depuis 1999, aprĂšs 20 ans de parcours musical dans la musique improvisĂ©e. Son travail est focalisĂ© sur la collaboration entre la musique et d’autres mĂ©diums : danse (Catherine DiverrĂšs), vidĂ©o (Olivier Gallon), peintures (François Bidault), photo, littĂ©rature, philosophie (Jean-Luc Nancy, Ray Brassier), performance (Diego Chamy).

Ce que dit la bio de Fred Périé
Il s’intĂ©resse aux comportements mĂ©caniques des matĂ©riaux, notamment les phĂ©nomĂšnes d'instabilitĂ©. Ses oeuvres invoquent une image Ă©phĂ©mĂšre qui reflĂšte le public, son corps ou ses regards. Ses travaux ont Ă©tĂ© montrĂ©s dans des centres d'art numĂ©rique en France, au Computer Art Congress au 104 Ă  Paris, au Festival Bouillants, et nominĂ© au Festival FILE, au BrĂ©sil.
SUZANNE
On vous propose, cette semaine, trois rendez-vous Ă  prendre en famille...

Suzanne aux oiseaux
Le nouveau spectacle des foufous de Scopitone & cie. Chaque semaine, une vieille dame se rend dans un jardin public et s’assoit sur « son » banc. Un jour, elle y trouve installĂ© un jeune homme perdu. Lui, vient de loin et ne parle pas la langue du pays. Elle, habite lĂ  depuis longtemps et n’a pas la sienne dans sa poche. Chacun est seul au monde ; ils vont s’apprivoiser. Cette libre adaptation par Emma Lloyd, comĂ©dienne et marionnettiste, de l’album jeunesse de Marie Tibi et CĂ©lina GuinĂ©, est nĂ©e d’un vĂ©ritable coup de cƓur pour ce rĂ©cit empreint d’humanitĂ©. (photo)
> Mer 1er nov, 15h, au Théùtre du Blavet, Inzinzac-Lochrist. DÚs 8 ans

Wallace et Gromit, Le mystÚre du lapin Garou (cinéma)
Alors que la commune de Tottington Hall se prĂ©pare Ă  son grand concours annuel de lĂ©gumes gĂ©ants, Wallace et son fidĂšle compagnon Gromit gĂšrent une entreprise visant Ă  capturer des lapins envahisseurs qui dĂ©vorent les cultures du quartier. Pour endiguer cette invasion, Wallace, l’inventeur fou, met au point une machine qui lave le cerveau des lapins afin qu'ils ne touchent plus un lĂ©gume. Mais l'expĂ©rience tourne mal et un mystĂ©rieux lapin-garou sĂšme la terreur dans la communautĂ©. TrĂ©pidantes et hilarantes, leurs aventures sont un rĂ©gal de trouvailles.
> Mer 1er nov, 17h, Le Strapontin, Pont-Scorff. DĂšs 6 ans

Mamie Jotax
Mais c’est qui Mamie ? Et bien c'est Carmen (Lefrançois), et c'est aussi Camille (Maussion) : flĂ»te et pipeau, saxos et voix, entre impros et crĂ©ations originales ou inspirĂ©es de thĂšmes traditionnels, mĂȘlĂ©es d’onomatopĂ©es. Mamie chante, Mamie crie, Mamie conte, et nous entrons dans son jardin Ă©trange, baroque et colorĂ©. Mais Mamie est un peu « jotax »... et c’est ça qu’on aime. Car ses idĂ©es mijotent, et sa musique rĂ©chauffe.
> Dim 29 oct, 17h, L'Estran, Guidel. DĂšs petit.
Et pour les plus grands...
Une rencontre avec FalmarĂšs.
NĂ© en 2001 Ă  Conakry, FalmarĂšs poursuit aujourd’hui des Ă©tudes Ă  Nantes. En 2016, il quitte la GuinĂ©e aprĂšs la terrible disparition de sa mĂšre. ArrivĂ© en Italie dans un camp pour migrants, il Ă©crit ses premiers vers en français. Fin 2018, il publie son premier recueil de poĂšmes, Soulagements, que Joseph Ponthus repĂšre et salue haut et fort. Suivront Soulagements 2 et Lettres griotiques. En 2020, il reçoit le «Prix LycĂ©e» de poĂ©sie de l’UNICEF. En 2021, il est membre du jury et auteur invitĂ© par le festival Étonnants Voyageurs. Trouver la beautĂ© dans ce « voyage infernal », mettre en scĂšne la migration et l’exil, voilĂ  ce qu'offre la poĂ©sie de FalmarĂšs.
> Ven 27 oct, 19h, Librairie Ă  la ligne, Lorient
jenna jeremie

La fabrique artistique

En dĂ©but d’étĂ©, on vous avait parlĂ© d’un appel Ă  projet de l’association « L’art s’emporte », Ă  Lanester, Ă  la recherche d’artistes susceptibles de travailler en rĂ©sidence immersive chez des habitants ou des structures sociales du Pays de Lorient. Quelques mois plus tard, les rĂ©sidences ont eu lieu, et les trois artistes retenus exposent leur travail. Margaux Daniel, Jenna JĂ©rĂ©mie et Axel Moreau sont les trois candidats retenus, parmi seize dossiers reçus.

🟹 « Les mots contents », de Margaux Daniel est un travail autour des objets, et plutĂŽt le vintage breton, comme un Ă©cho de la maison de ses grands-parents. Elle a travaillĂ© Ă  la rĂ©sidence senior des Hermines de Lanester autour d’objets confiĂ©s par les rĂ©sidents, et de phrases Ă©crites par eux, qu’elle a peinte ou gravĂ©e 🟹 « Chez Marie-Madeleine », de Jenna JĂ©rĂ©mie, est une sĂ©rie de photographies repeintes, Ă  partir des souvenirs et des photos de Marie-Madeleine, qui habite un appartement de Lanester depuis trente ans, chez qui Jenna s’est installĂ©e. (Photo) 🟹 Axel Moreau a travaillĂ© sur une installation sonore issue des ateliers qu’il a animĂ©s aux Grands Larges en expĂ©riences croisĂ©es, entre performance scĂ©nographique et sonore et musique Ă©lectronique expĂ©rimentale. Un rĂ©cit qui Ă©voque les lĂ©gendes Arthuriennes, Ă©crit par Brandon, jeune rĂ©sident, passionnĂ© de jeux vidĂ©o, sur lequel Axel Moreau a composĂ© une bande son.
> Jusqu’au 27 oct, Agora Grands Larges, 25, avenue GĂ©nĂ©ral-de-Gaulle, Ă  Lorient.
agenda
article isa
nathalie van de walle

Chaos indonĂ©sien, xylographie, 120 × 560 cm, 2016

Morsure est une exposition conçue par Sabine Delahaut, autour de la gravure contemporaine. Douze artistes aux univers différents, pour des images engagées. L'Archipel m'a confié la tùche d'écrire les douze textes du catalogue, et avec leur accord, j'ai décidé d'en publier un extrait chaque semaine jusqu'au 25 novembre, date de la fin de l'exposition.

Cette semaine, le texte intégral sur Nathalie van de Walle, que j'ai titré "Le sublime du chaos"

« C’est pas la technique, qui compte ». C’est ce que je pensais. Pour moi, la gravure, c’était une maniĂšre de crĂ©er des multiples, de dĂ©sacraliser l’unicitĂ© d’un dessin. Et puis Sabine Delahaut, commissaire d’exposition de Morsure, elle m’a dit tout doucement que non, c’est pas que ça. La technique c’est aussi ce qui t’emmĂšne quelque part. Ce n’est pas dissociable du dessin, de l’histoire racontĂ©e, du propos. J’ai pensĂ© : j’ai appris ça il n’y a pas longtemps, c’est l’outil qui crĂ©e ton monde graphique, avant ta main. Dans la gravure, il y a le ressenti de l’effort, de la taille, du creux et du plein, du risque, du dĂ©licieux non repentir, Ă  savoir j’accepte l’erreur, le trop, parce que c’est fait, c’est lĂ , c’est dit, et qu’est-ce que je fais de ce trait, cette piste, je la prends et je la garde parce que cet « accident » c’est aussi moi.
Il se dit que le monde de la gravure serait plein de psychopathes qui scrutent chaque tirage avec une loupe pour en discerner les moindres dĂ©tails, mais quand on voit le travail de Nathalie van de Walle, on se dit que le dĂ©tail, ça peut transporter. Je n’aurais jamais cru que le simple fait de regarder trĂšs attentivement des bouts de bois qui se croisent me plongerait un jour dans des dĂ©lices de Oh et de Ah. Et pourtant. Me plonger dans le travail de Nathalie van de Walle m’embarque dans un voyage oĂč les aspects graphiques, techniques, esthĂ©tiques et signifiants s’associent pour une croisiĂšre au pays des merveilles. Et c’est bien sur une fresque racontant destruction et chaos aprĂšs le passage d’un tsunami en IndonĂ©sie, que je me penche. Et le chaos est beau ! Et riche. Riche de milliers de dĂ©tails, de morceaux de bois, de feuilles, de planches, de palmes, de bouts de maisons, de poteaux tĂ©lĂ©graphiques, d’écorces, d’échardes, qui s’empilent, se superposent, dans une accumulation improbable. La prouesse – mĂȘme s’il y a sĂ»rement des erreurs – c’est que dans ces lignes qui se croisent, jamais les blancs, les plans, ne souffrent d’une incohĂ©rence. Sens dessus dessous, tout se tisse, le dessus, le dessous, et c’est magnifique. Le chaos recrĂ©erait-il une forme d’équilibre dans cette construction anarchique et explosĂ©e, ce jeu de KAPLA ruinĂ© par un enfant colĂ©rique ? Comme si le « bon » ordre Ă©tait impulsĂ© par ce souffle, envoyant en l’air l’habitat, qui retomberait alors sous la forme d’une entitĂ© fragile et improbable, un chaos sublime.
eric courtet

Eric Courtet. "à-cÎtés"

Hop la. J’ai croisĂ© Eric Courtet au vernissage des Rencontres Photographiques, j’ai sautĂ© sur l’occase, on a pris rendez-vous en tenant un verre de vin blanc bio dans une main et une tartine de tarama dans l’autre, on s’est retrouvĂ©s Ă  la Galerie du FaouĂ«dic, on a parlĂ© de sa sĂ©rie « Ă -cĂŽtĂ©s », qui comporte 120 photos, dont 40 sont exposĂ©es Ă  l’étage de la galerie, et hop la, je lui ai proposĂ© de m’en « raconter » cinq. Et voila t’y pas qu’au moment oĂč je m’apprĂȘte Ă  noter fidĂšlement ses paroles, je ne sais si c’est par paresse ou pour changer un peu, je lui dit : « Ah non attends attends je vais te filmer ». Alors voilĂ  trois vidĂ©os trĂšs courtes, pour faire la visite avec l’artiste, de ce rĂ©cit qui court le long de la D769, surnommĂ©e la « Glasgow-Madrid », qui part de Caudan, Ă  la sortie de Lorient, pour rejoindre Morlaix, Roscoff, puis l’Angleterre


Regarder

🟹 Un homme dans les douches du stade
🟹 Un homme dans la lande
🟹 Une femme dans les fougùres

Eric y a passĂ© du temps, sur cette route et celles qui se perdent dans le Centre-Bretagne : Rostrenen, Monts d’ArrĂ©e, Langonnet
 Il a commencĂ© en 2017, un chouette projet qui dessinait plutĂŽt les contours d’un territoire un peu absent : « J’ai dĂ©couvert des villages, une certaine dĂ©sertification : des vitrines vides, des lieux dĂ©saffectĂ©s. L’exode vers le littoral. Je me suis renseignĂ©, j’ai pris beaucoup de photos, comme des prĂ©lĂšvements ».

Et puis il y a eu la sĂ©rie « PĂšres et fils », dont Eric m’avait parlĂ© devant la camĂ©ra de KuB : « PĂšre et fils, c’était pour moi une urgence. Et aprĂšs cette sĂ©rie – Ă  laquelle je ne sais pas si je mettrai un point final un jour – deux choses avaient changĂ© ; ça avait bousculĂ© mon regard et ça avait amenĂ© de l’humain dans mon travail. Et ça s’est retrouvĂ© dans mon approche de cette sĂ©rie. J’ai dĂ©cidĂ© d’aller Ă  la rencontre des nouveaux arrivants, ceux qui ont quittĂ© les villes aprĂšs la crise du Covid, et plus gĂ©nĂ©ralement Ă  la rencontre des gens, qui m’ont racontĂ© leur histoire. L’aspect documentaire a basculĂ© dans le rĂ©cit photographique, avec quelque chose de l’anthropologie, la sociologie. Mon Ă©criture photographique s’est trouvĂ©e renforcĂ©e. Il y a plusieurs narrations possibles dans les failles que j’ai laissĂ©es. »

Eric a laissĂ© le hasard des rencontres se faire, mais a aussi donnĂ© un coup de pouce. Avec des tirages de ses photos, dĂ©posĂ©s dans les boĂźtes aux lettres des maisons qui l’intriguaient, provoquant la rencontre : « On a beaucoup parlĂ©, autour des questions que je me posais sur ce territoire. J’arrivais en disant que je n’avais pas la rĂ©ponse, et on avançait comme ça, avec mes propres hĂ©sitations, et eux racontaient leur rapport au territoire, aux autres habitants. Ça s’est passĂ© dans l’échange, la confiance, en prenant le temps de les Ă©couter. Et aprĂšs j’ai pris des photos ».

AccompagnĂ©es par le tout petit livre de Mathieu Riboulet « Nous campons sur les rives », littĂ©ralement clouĂ© au mur, les images d’Eric se dĂ©roulent calmement, comme un long ruban de bitume entre les rives de la D769, brumeuses et un peu flottantes, racontant un rĂ©cit Ă©crit assez blanc, elliptique et plein de pudeur, comme toujours. Effectivement trĂšs littĂ©raire, on s’y installe comme dans un livre, en appuyant notre imaginaire sur ses images-mots, et en « dĂ©crochant » du rĂ©el. On sursauterait presque en entendant le bruit d’une mobylette.
> Jusqu’au 10 dĂ©cembre, Galerie du FaouĂ«dic, Lorient. Du mercredi au dimanche de 14h Ă  19h.
la vie secrete des arbres

La vie secrĂšte des arbres

Peter Wohlleben, Fred Bernard et Benjamin Flao

Autour de moi mais sĂ»rement proche de vous Ă©galement, les artistes dessinent et peignent des arbres. Fabrice en fait ses sujets, QQ s’expose au milieu d’eux, Catherine s’en fait corps, quand Gaele se love dans leurs branches sous forme de cabanes. A croire que les arbres soufflent secrĂštement sur les Ăąmes sensibles que sont les artistes. Ils se voient ainsi traversĂ©s par ce terreau jusqu’au bout d’un crayon ou d’un pinceau. Ils se recentrent autour de la terre.

« Comme l’art, les arbres parlent Ă  ce qu’il y a de plus profond en nous. Ils attisent notre imagination et modifient notre rapport au temps »

Puits de sciences, passionnĂ©, amoureux du vivant, observateur, chercheur-cueilleur, pĂšre de terre, dĂ©fenseur du droit des arbres : Peter Wohllenben Ă©tait un enfant prĂ©-occupĂ© par la forĂȘt. Ainsi enveloppĂ©, il s’est laissĂ© mener par elle, au grĂ© des hĂȘtres, au vent cyprĂšs. Il l’étudie, il la scrute, il l’ausculte, il la sent, il la vibre, il la vit. Dans cet ouvrage il nous la livre, nous la dĂ©crit, de toute son expertise. Cela fourmille de prĂ©cisions. Palpitant sous la plume de Fred Bernard, c’est feuille aprĂšs feuille que la forĂȘt se dĂ©fait de quelques-uns de ses secrets : la dĂ©fense contre tous ses flĂ©aux, la magie du mouvement de l’eau, la maniĂšre d’échanger sans un mot
 Benjamin Flao maĂźtrise parfaitement ce langage silencieux et ses traits prĂ©cis soulignent toute cette poĂ©sie. Soumis au kairos (1), il s’accroche aux branches et planche. Le boulot prend un an. Parfois, il ressent le regret de ne pouvoir davantage se poser pour croquer lentement ces ents (2). A l’ombre des centenaires, il se laisserait aisĂ©ment inviter Ă  une douce rĂȘverie. Ses gestes surentraĂźnĂ©s prennent forme au son d’une plume qui glisse sur l’encre, Ă  l’empreinte dĂ©licatement tactile d’un IPad, au roulis parfait du stylo. Un univers se dessine. II l’emplira de couleurs aquarelles pour se relier aux arbres par la fraĂźcheur de l’eau. Fred Bernard le seconde dans cette urgence Ă  crĂ©er. Il lui propose les story-boards, une Ɠuvre Ă  quatre mains se dessine Ă  l’unisson. Il n’est pourtant pas si simple de s’équilibrer ainsi, de trouver ses appuis.

Il s’agit d’une commande d’un Ă©diteur allemand Ă  un Ă©diteur français - cela prend quand mĂȘme quatre ans - pour trouver le Flao qu’il leur faut. C’est Benjamin qui a recrĂ©Ă© le duo. La BD devrait ĂȘtre traduite dans 20 langues. Au bas mot, on pourrait le nommer, en toute subjectivitĂ© bien sĂ»r, le meilleur dessinateur de BD de la galaxie. Le livre La vie secrĂšte des arbres de Peter Wohllenben, aux Ă©ditions Multimondes, a Ă©tĂ© vendu Ă  un million d’exemplaires. L’auteur reste semble-t-il un homme simple et un excellent pĂ©dagogue. Il aurait trĂšs bien accueilli l’Ɠuvre et paraĂźtrait mĂȘme assez satisfait de voir sa vie en bulles.

Les Bernard/Flao avaient produit « Essence » chez Futuropolis en 2018, petit concentrĂ© d’élixir aux arĂŽmes essentiels. « La vie secrĂšte des arbres » les aurait peut-ĂȘtre convaincus de finir un autre projet : « L’homme bonsaĂŻ » 
 Mais je ne vous ai rien dit, ok ?
> Aux Ă©ditions Les arĂšnes BD, 238 pages. 29,90 €

NDLR
(1) Le kairos, qui prend sa source dans la culture grecque ancienne, dĂ©signe le bon moment, l’instant T ou l’opportunitĂ© Ă  saisir.
(2) Les Ents sont des créatures à l'apparence d'arbres qui sont le peuple le plus ancien de la Terre du Milieu, dans le Seigneur des anneaux, de Tolkien.
dame blanche