N° 343 ❤️ 8 FEVRIER 2023

Î d’îles. Concert illustré

Sans même être déserte, l’île a toujours eu un pouvoir fascinant. Nous la fantasmons à l’écart de la folie de notre monde. On lui donne des airs de nouveau départ, mais c’est également une exploration intime : « Quels livres, disques, films prendriez-vous sur une île déserte ? ». L’île symbolise l’essentiel. Le compositeur Ferdinand Doumerc (saxophone, flûte et métallophone) a souhaité transposer sur une scène ces îles fantastiques et fantasmées. Il a réuni un trio de musicien.ne.s (Rébecca Féron, Csaba Palotaï), une dessinatrice (Audrey Spiry dont les romans graphiques sont publiés chez Casterman et ses illustrations régulièrement aperçues dans Télérama et Le Monde) et une auteure et dramaturge (Marjolaine Karlin). Le teaser est à regarder ICI.
> Ven 10 fév, 20h30, L’Estran, Guidel. Dès 8 ans.

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❤️ Î d'îles est un spectacle coup de cœur SDS pour la patte graphique formidable d’Audrey Spiry, qu'on vous propose de découvrir ICI.

Les fourberies de Scapin

La scène se passe à Naples, sur le port. Pendant l’absence de leurs pères respectifs, Octave s’est marié en secret avec Hyacinthe, une jeune fille pauvre au passé mystérieux et Léandre est tombé amoureux de Zerbinette, une égyptienne. Mais voici que les pères, Argante et Géronte rentrent de voyage avec des projets de mariage pour leurs enfants. Les fils se croient perdus et ne savent plus que faire. Scapin, le valet de Léandre se propose de tout arranger. Il imagine de soutirer aux deux pères l’argent nécessaire pour faire triompher l’amour et la jeunesse. Entreprise apparemment impossible, mais que Scapin arrivera à mener à bien, grâce à des rebondissements inattendus. Un grand classique de Molière, par la Compagnie Colette Roumanoff.

> Ven 10 fév, 20h30, Océanis, Ploemeur

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Souvent la poésie m'emmerde

On vous en a parlé vingt fois, de cette simplissime et pourtant très immersive forme, imaginée par la Jo Coop Cie il y a déjà bien longtemps. Le procédé ne vieillit pas, ne se démode pas, et fonctionne toujours formidablement bien. Jean Quiclet, comédien, lit sur une tablette des poèmes, avec juste ce qu'il faut d'émotion, et Stéphane Le Tallec, guitariste, joue une bande son à la Ry Cooder, atmosphérique, un brin planante, qui favorise un voyage presqu'onirique, dans une lumière feutrée et une ambiance intime.

> Le spectacle est joué à 21 h au Rade'n Roll, chouette bar de Locmiquélic, c'est l'occasion de passer la fin d'après-midi et la soirée outre-rade, avec une balade dans les marais de Pen-Mané, et puis un grignotage dans un des bars ou restos du coin, on vous laisse choisir....

> Sam 11 fév, 21h, Rade'n roll, Locmiquélic

Expo Emma Burr

On vous en reparlera plus tard, bien sûr, de notre illustratrice "maison", Emma Burr, mais on vous signale le démarrage de son expo chez Baam, à Lorient, le 10 février. Et c'est jusqu'au 25 mars, donc vous avez le temps...

> Baam, 26 rue du Général Dubail, Lorient

Les feux de l'amour

Comme chaque année, le retour de ce chouette rendez-vous avec J’ai vu un documentaire, dans la salle des mariages de la mairie de Port-Louis, histoire de poser ses fesses sur leurs fauteuils sans avoir besoin de passer devant Monsieur le Maire… Au programme trois films d’amouuuuuuur !

Cœur de tigre - Doc de Caroline Champetier (France / 2009 / 19 min). Un 1er décembre, Caroline Champetier est en Inde. Quelques jours après, elle reçoit un mail de rupture de l’homme qu’elle aime comme elle n’a jamais aimé. Entre journal et lettre filmée, Caroline Champetier parle de la passion amoureuse, de ses difficultés, sans détour et sans fard, tout en considérant l’Inde, qu’elle découvre.

Cyclistes - Film d'animation de Veljko Popovic (Croatie / 2018 / 7 min). En Croatie, dans une petite ville du bord de mer, la saison des compétitions cyclistes bat son plein. Les deux leaders s’affrontent pour remporter la victoire, mais également pour conquérir une femme. C’est sans compter sur l’arrivée au port du plus grand navire de croisière et de son mystérieux capitaine.

Aptenodytes Forsteri - Doc de Mario Marret (France / 1955 / 15 min). Le rassemblement des manchots empereurs regardé comme une société avec ses lois, ses rites et ses habitudes. Et chez les manchots comme chez toutes les espèces : on fait des bébés.

... et d’autres courts métrages surprises.

> Mar 14 fév, Mairie de Port-Louis (Réservation fortement conseillée au 06.70.50.74.64)

Expo Stéphane Mahé

Je suis passée à la Galerie Le Lieu samedi dernier pour découvrir le travail de Stéphane Mahé lors d’une visite commentée par lui-même. En écoutant l’artiste, je me suis faite happer par ses images, pour lâcher sa voix et entrer dans ses photos, au grain si marqué qu’on croirait presque du pointillisme. Comme si l’encre des photos avait été absorbée par un papier particulièrement poreux, la matité créée des ambiances légèrement cotonneuses, mais surtout un rendu quasi pictural, dans des tirages où les couleurs sourdes – brun, prune, gris – laissent place à des pointes de couleur sur les détails. Jaunes acides, framboise, mandarine, citron vert, rouge tomate, viennent révéler des fenêtres éclairées dans la nuit, à la Magritte, des silhouettes à la Sarah Moon, des parfums à la Tran Anh Hung (si vous n’avez jamais vu « A la verticale de l’été » - tourné sept ans après « L’odeur de la papaye verte, jetez un œil ICI, c’est une merveille)

Les scènes, qui paraîtraient simples dans un tirage standard, prennent un tour onirique, flottant, poétique, et les cadrages racontent des histoires comme des mini-films de quelques secondes, qu’il est plaisant de se faire en se posant devant ces photos qui méritent largement le déplacement. Une jolie découverte d’un univers esthétique, cinématographique, avec un pouvoir évocateur très puissant et un parfum d'Asie caché derrière des prises de vue pourtant très bretonnes...

> Jusqu'au 12 mars, Galerie Le Lieu, Lorient

Stéphane Mahé. Repères

Au fil des années, Stéphane Mahé s’oriente vers une photographie personnelle qui donne naissance à une première collaboration avec Arnaud Le Gouëfflec (Musicien et auteur brestois qu'on adore) pour le livre Terminus Saint-Malo. En 2018, il présente la série Somewhere et un livre éponyme est publié aux Editions de Juillet. La série est exposée à Saint-Malo, aux Promenades Photographiques de Vendôme, à l’Imagerie à Lannion, à l’Entrée des Artistes à Paris, à La Chambre Claire à Douarnenez, au festival Incadaqués... En 2023, la série Mood est présentée au Lieu de la Photographie à Lorient et le livre éponyme publié aux Editions de Juillet sortira en mars 2023.

La playlist Love

Le 14 février, c'est la Saint-Valentin. La fête de l'amour et des amoureux. Qu'est-ce que ça vient faire dans les colonnes d'un magazine culturel comme le nôtre ? Bon, ben oui, on aime l'amour, parce que c'est quand même le grand moteur de nos vies. Et c'est aussi le sujet numéro 1 des romans fleuve, des films qui nous font pleurer, des chansons qui nous font tourbillonner... Alors on a fait un sondage auprès de nos lecteurices, ami·e·s, collaborateurices, et voilà ce qui sort, tous styles confondus. Avec les liens, vous allez pouvoir vous faire une soirée thématique, y a du lourd.

CINEMA

In the mood for love (2) / Alabama Monroe (2) / Sur la route de Madison (4) / Eternal sunshine of the spotless mind (5) / Titanic / Out of Africa (5) / Call me by your name (3) / Drive / La La Land / Mommy (2) / La Boum /Autant en emporte le vent (3) / Dirty dancing / Hôtel de la plage / La nouvelle Eve / Les tricheurs / Grand Budapest Hotel / The Holiday (2) / Queen and slim / Sur mes lèvres (2) / Casablanca (2) /Brokeback Moutain (2) / Nos étoiles contraires / Love actually / The curious case of Benjamin Button / Les moissons du ciel / The apartment / L'amour flou / Laurence Anyways / Sailor et Lula (3) / La belle époque

LITTERATURE

L'écume des jours (4) / Gatsby le magnifique (2) / L'art de la joie (2) / L'insoutenable légereté de l'être / Le songe d'une nuit d'été / Le garçon / Orgueil et préjugés (2) / La nuit des temps / En attendant Bojangles / Laudate si / Terre des oublis / Correspondance 1944-1959 Albert Camus & Maria Casares / Là où chantent les écrevisses / Belle du seigneur (4) / Autant en emporte le vent (2) / Un jour (2) / Amour retenu / La trace / La plage d'Ostende / Sambre d'Yslaire / Lettre d'une inconnue / Fragments du discours amoureux (2) / The Rosie effect / Crave / La bicyclette bleue / Mr / The time traveler's wife

MUSIQUE

Bang Bang, Dalida / Piensa en mi, Luz Casal / Où sont tous mes amants, Fréhel / Choses nouvelles, Bertrand Belin / Aucun express, Bashung / Seras tu là, Véronique Samson / Rasperry berret, Prince / Joker, Clarika / Romeo and Juliet, Dire Straits / Because the night, Patti Smith / I'll stand by you, The Pretenders / In my life, The Beatles / It must be love, Madness / Just like heaven, The Cure / Fields of joy, Lenny Kravitz / A toi, Joe Dassin / Angie, The Rolling Stones / Je l'aime à mourir, Cabrel / My one desire, Willy DeVille / Stand by me, Ben E. King / Your song, Elton John / Hymne à l'amour, Piaf / Ouverture, Etienne Daho / Indian summer, The Doors / The real sugar, dEUS / Lovesong, Cure / Je veux être un homme heureux, Sheller / Cry Baby, Janis Joplin / Ma déclaration, France Gall / I'm not in love, 10 CC / Wicked game, Chris Isaak / Brandt Rhapsodie, Benjamin Biolay / Ne me quitte pas, Brel / Barbara, Reggiani / Love me tender, Elvis Presley / Slave to love, Brian Ferry / Love will keep us together, Captain and Tennille/ Kangaroo, This Mortal Coil / Heroes, David Bowie / Crazy in love, Beyonce

> L'illustration est de Malika Favre, une graphiste qu'on aime beaucoup...

Souvenirs. Marie Rameau

Mois de septembre, Rad’art, on ouvre notre maison à une photographe dont le travail devrait me plaire, paraît-il… Je vois arriver les œuvres avant l’artiste, elles habillent et habitent mon salon. De très petits formats argentiques, sur fond de feuilles d’or blanc ou jaune donnant des teintes moirées selon l’heure du jour. Il faut s’approcher de l’œuvre pour se laisser toucher par le délicat. Au contact de la douceur de l’intime, on se surprend à murmurer. Il me tardait de rencontrer la réalisatrice de ces récits d’images, clichés dorés, une lumière écrite et collée contre mes murs.

Une tendresse pétillante émane de l’intérieur de sa robe bleue flottante, loin de l’évanescence de ses clichés, Marie est là, bien ancrée près de la bouilloire ; je lui propose un thé. Meilleure qu’une promesse, Marie nous laisse à son départ, un goût de trop peu. Alors elle laisse infuser ses œuvres après le week-end, je lis son livre, "Des femmes en résistance". D’une pudeur bouleversante, aussi bien dans les mots que dans les portraits, ce livre témoigne à la fois de la force de vie inouïe qu’il a fallu à ces femmes, que de l’humilité de l’auteure devant ce qu’elles ont accompli.

Les souvenirs des femmes

En dehors d’un monde, au dedans d’un camp, des femmes défient quiconque de les anéantir. Ici, la lutte intime doit se façonner, se dissimuler dans l’infime. Quand créer devient une nécessité, c’est ce que Marie Rameau a photographié, ce qu’elle a retracé.

Denise, Violette, Annette, Odette

Petit carnet en toile de jute fabriqué à Ravensbrück, il y est brodé : « La vie est belle, belle toujours ». Ce carnet retient des poèmes, des croquis. Là où les uns s’évadent, les autres témoignent. Cadeau de Denise Vernay à son amie Violette Maurice, en ce Noël 1944, l’amitié et la poésie y sont posés ici en actes de résistance. L’une se lève chaque matin à 3 h, porte des bidons pour seconder les plus faibles, l’autre à la même heure et à -30° et colle entre sa peau décharnée et sa robe rayée, un pull volé par les nazis, pour l’offrir aux démunis. Une robe de bleu striée, deux mouchoirs brodés, un soutien-gorge taillé, une culotte rapiécée. Annette Chalut en rentrant des camps devait porter deux couches de vêtements pour donner de l’épaisseur à sa maigreur, Odette Elina pesait 22 kg à son retour d’Auschwitz.

Michelle, Marie-Antoinette, Denise, Lou

Ériger l’humour en garde-fou, rire et ne pas mourir, Michelle Simon et Marie-Antoinette Pappé ne l’avaient que trop compris. Un drapeau, de légèreté dressé, crie comme un hymne à la liberté : une respiration face à l’oppression. Le protège-livre : « Le plus beau cadeau de Noël », « Il est beau de l’horreur de tout le reste », de l’impensable et de l’odeur. L’art concentrationnaire, ce sont des objets accumulés dans un musée à Besançon. « Ne pas témoigner serait trahir » atteste Denise Lorach. Lou Blazer organise le ménage, fait des napperons en papier, brode, dessine des jeux de société. Tracer le plus près de la réalité, il fallait dissimuler les dessins, mais on ne peut cacher la réalité.

Jeannine, Jeannette, Christiane, Marie, Madeleine

Jeannine Lejard ne dort plus le 15 avril 1945, elle n’a pas 18 ans. Jeannette L’Herminier : 150 croquis sans visage, ou dessiner pour conserver le vivant. Pour Christiane Rème, la survie elle la doit à la chance et à la fraternité, qui dans ce cas serait plus une sororité. Mère Marie, que son nom soit sanctifié, va se sacrifier, quand Madeleine Jegouzo résiste encore dans son corps vivant de 91 ans.

Lise, Lise, Germaine

Ballet, chorale, danse, en cette fin d’année 44, les gaines de fils électriques se métamorphosent en bijoux pour l’occasion. A la tombola, Lise London remportera des boucles d’oreilles et un médaillon. Rideau de caoutchouc grimé en éléphant, ou bout de laine changé en Milou. Lise Lesèvre, torturée par Klaus Barbie, lutte pour que leur jeunesse ne disparaisse pas complètement sous le poids des camps, elle baptise les activités culturelles de leur bloc « Le ministère des loisirs derrière les barbelés » : une dizaine de femmes y crée un journal. Germaine Tillion dissimule le nom des bourreaux dans des recettes de cuisine, elle écrit une opérette au sein même de l’enfermement de Ravensbrück pour relever le moral des troupes. Survivre, toujours survivre.

Simone, Michèle, Françoise

Simone Gournay vit la vie au camp comme une somme de « petites résistances » : soutenir les autres et saboter son travail. Un chien en fourrure d’écouteurs pour le front russe, une dentelle brodée, des parents encadrés, un trèfle à quatre feuilles. Michèle Agniel s’est murée, Michèle Agniel a tout brûlé, mais quand sa mère, des thèses révisionnistes lui a montré, Michèle Agniel a témoigné. Lettre sur tissu sous épaulette dissimulée, petit carnet polonais. « Les vivants étaient à peine plus vivants que les morts qu’ils transportaient et certains tombaient avec eux, lorsqu’ils les jetaient dans la fosse… » : ces mots sont de Françoise Robin.

A l’issue de cette lecture je me demande finalement si le travail en format si réduit de Marie ne fait pas écho à ces grands trésors de petits objets que ces femmes ont dû protéger pour sauvegarder quelque chose de leur intégrité, de leur intimité… Alors non seulement je vous invite à cette lecture mais aussi à venir rencontrer l’auteure et ses bijoux photographiques ; une rencontre aura lieu à la Dame Blanche le 18 mars prochain.

MORGANE THOMAS

> Aux éditions La ville brûle, 221 pages, 30€.

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