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Joueurs, le nouveau spectacle des Maladroits

Par Isabelle Nivet. Mars 2022

Joueurs Maladroits Sorties de secours

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Un entretien avec la compagnie Les Maladroits, qu’on adore, et qu’on avait rencontrée au Théâtre de Lorient cet automne.

Les Maladroits, pour mémoire, font un théâtre documentaire à base d’objets et de récit, qu’ils prennent en charge en tant que narrateurs concernés. Concernés, oui, puisqu’il s’agit toujours, dans leurs spectacles, de parler de mémoire collective à travers leur héritage personnel :

« Dans Frères, on parlait de nos grands-parents, dans Camarades, de nos parents, dans Joueurs, de nous. Le personnage principal est confronté à son héritage familial, son père, son grand-père. Il est toujours question d’utopies, d’engagement et d’héritage ». Dans chaque spectacle des Maladroits, les objets font tout autant sens que les mots : « On s’étale et on sort les choses des malles, et on essaye de voir comment ça parle ».

L’histoire de Joueurs, c’est celle de « Youssef, franco-palestinien, qui reçoit un appel de son grand-père qui est malade et qui veut le voir. Il va alors partir, en compagnie de Thomas, un ami, qui le pousse à faire ce voyage. Ni l’un ni l’autre ne connait rien de la Palestine. Le père de Youssef ne lui a pas transmis cet héritage-là. A l’arrivée, Youssef ne peut pas passer la douane, mais Thomas, lui, passe. Il va devenir les yeux et les jambes de Youssef, qui est resté en France et qui a dû s’installer dans son atelier parce qu’il a loué son appartement »

Il n’est pas dit à quoi sert cet atelier « On ne sait pas s’il est artiste, artisan. L’espace de l’atelier va devenir notre terrain de jeu pour créer des images : Youssef va se créer son voyage en y construisant des cartes, des maquettes, des personnages, au fur à mesure de ses visios, ses mails et ses appels avec Thomas. Construction / déconstruction, on fait un parallèle avec la situation en Palestine. On a choisi de prendre un léger recul sur l’histoire : on est en 2015. Thomas et Youssef ont une vingtaine d’années, c’est un âge où tout est possible, où il y a moins de contraintes. C’est là où les engagements naissent »

Ce sont les échanges entre Thomas et Youssef, écrits de manière un peu plus littéraires, qui introduisent les différentes scènes et racontent les rencontres de Thomas. « On s’est inspirés de ce que Hugo (Hugo Vercelletto est l’un des membres de la compagnie, ndlr) a vécu, là-bas, quand il y est allé : dans sa colloc, il y avait un Palestinien avec lequel il est devenu ami et qui l’a invité chez lui, et à l’arrivée, a vécu cette même histoire, où il a pris pas mal de claques ».

Sur le plateau, il y a un élément essentiel, un échiquier et des pièces, dans différentes tailles : « Les échecs sont beaucoup joués en Palestine, et on a utilisé le jeu comme une métaphore : deux adversaires s’affrontent ; le territoire est fractionné ; dans les deux camps il y a des fous ; les blancs ont un coup d’avance ; c’est souvent les pions qui trinquent en premier, et même si ton adversaire est plus fort, tu peux toujours rejouer la partie en espérant gagner la prochaine. »

Le grand-père de Youssef lui avait envoyé un jeu d’échecs avec ces mots « La Palestine, c’est comme les échecs »

MISE A JOUR 25 mai 2022

On a vu le spectacle au Théâtre du Blavet fin mars, et voilà l’illustration de ce qu’est le travail d’une compagnie : plus grand chose ne ressemble à ce que nous avaient raconté Les Maladroits au moment de cet article ! A commencer par le jeu d’échecs, qui devait constituer l’axe fort du spectacle, abandonné. Reste la notion de construction/déconstruction, fortement marquée par l’utilisation de briques et de marteaux, qui font voler une poussière orangée en scène. Une idée force, et forte, qui fait écho à la situation en Palestine, mais peut-être un poil surexploitée à notre goût.

Dans ce nouveau spectacle, dont nous avons vu une des premières représentations – et qui peut donc avoir bougé depuis – les Maladroits ont choisi de quitter leurs postures de récitants, de commentateurs, pour incarner des personnages, ce qui, selon nous, leur va moins bien. Le récit est long, parfois fait de redites et de redondances, peut-être se resserrera-t-il avec le temps, mais le spectacle vaut néanmoins la peine du déplacement, ne serait-ce que par le sujet, qui, même s’il est traité de manière parfois un brin naïve et sans doute un peu survolé, reste fort, émotionnellement, et touchant dans certaines scènes. Peut-être parce que, contrairement aux précédents spectacles de la compagnie, qui traitaient d’évènements passés, cette fois, la situation des territoires occupés de la Palestine laisse moins de place à la distance ?

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