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N° 244 - SEMAINE DU 28 JANVIER AU 3 FEVRIER 2021

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Depuis le 1er novembre et le reconfinement, parce que les virus sont teeeeeerriblement plus virulents dans un musée que dans un supermarché, et booooocoup plus actifs dans un théâtre que dans un bus, la culture s'est arrêtée net en France. C'est la raison pour laquelle les annonceurs n'ayant plus rien à annoncer, ils ont cessé d'apparaître dans ce magazine.

Ces encarts sont notre seule source de revenus, pourtant, nous avons fait le choix de continuer à produire chaque semaine du contenu pour nos lecteurs, parce que, vous nous le dites, on vous rend curieux, on vous titille, on vous agace parfois, mais on vous garde en lien avec la culture. Vivants.

Merci de nous lire, de nous écrire, de nous envoyer des infos, des adresses, des liens.
Merci de contribuer à nous garder le coeur battant.
DARRIS KUB

un doc coréalisé par KuB et Sorties de secours

Cette semaine, sort sur KuB un documentaire que nous leur avons proposé de coréaliser cet été, parce qu’on n’aime rien tant que les rencontres qui se croisent et se recroisent : en 2019, Sorties de secours était sélectionné pour rejoindre un incubateur de médias innovants à Nantes, NM Cube. Assez naturellement, on s’y était rapprochées des "incubés" qui venaient de la presse écrite, et notamment de William Mauxion, qui a fondé la très belle revue Bouts du monde, où il publie des carnets de voyage autour du monde.

Par ailleurs, nous accueillons les dessins de Gérard Darris, croqueur lorientais, membre des Urban Sketchers. Ce dernier nous signale, il y a déjà presqu’un an, que Bouts du Monde va publier un reportage qu’il a conçu, un carnet de voyage au plus près, dans sa ville de Lorient.

La boîte à idées se met à ouvrir ses tiroirs dans ma tête et je pense faire une interview de Darris. Et puis je lis son texte, m’aperçois qu’il y raconte son fonctionnement, les lieux qu’il aime, et me dis qu’une interview n’apportera rien de plus. J'ouvre d’autres tiroirs, pense à un podcast, avec sons du port et cris des mouettes, et puis décidément, non, il va y avoir redondance encore.

C’est dans le dernier tiroir que je trouve l’idée, profitant d’un déjeuner à Vannes avec Serge Steyer, de KuB : filmer les lieux que Darris a dessiné, mettre image et dessins en miroir, laisser Serge poser son regard bien spécifique, empreint de lenteur, d’épure, sur cette zone portuaire qui aura, le jour du tournage, la délicatesse de se voiler de brume et d’un léger crachin, fixant un filtre grisé sur une eau parfaitement immobile. Darris est équipé d’un micro HF, Kilian Jarno, au son, nous suit avec une perche, mais nous ne sommes pas certains que ma voix va exister. Comme il s’agit d’une conversation et pas d’une interview classique, ce serait dommage.

Alors j’appelle Jean-Louis Le Vallégant, qui, depuis Confidences sonores, un spectacle mêlant témoignages et musique, dispose d’un bon matos d’enregistrement. Je lui propose de créer une bande son. On reprend le texte de Darris, on le découpe, le recoupe, le recoud, jusqu’à son arête centrale, l’essentiel. Ce texte, on l’enregistre chacun, on se le met dans les oreilles, et on improvise sur la voix de l’autre : répétitions, accélérations, hauts, bas, doux, speed. On s’amuse. On l'envoie à Serge, qui va le plaquer non pas sur le documentaire, qui finalement a pu exploiter le son, mais sur un diaporama des dessins de Darris. On aura donc deux docs pour le prix d'un. C'est chouette.
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Le juste prix. Les soldes vues par Géraldine Berry

"Hum, ce fameux moment de ce janvier ! La petite pointe d’excitation qui monte, les pourcentages qui clignotent, les newsletters qui tombent dans les boîtes mail, les encarts publicitaires à droite, à gauche, en haut, en bas de l’écran, les textos, les imprimés dans la boîte aux lettres (comment vous n’avez pas de Stop Pub ?)… Etant donné la situation sanitaire, on parle peut-être moins de ruée dans les magasins, mais le shopping se fait très bien sur canapé. Bon, vous avez bien compris de quoi je veux parler… Les soldes, quoi, le grand rendez-vous semestriel de la consommation."
Une chronique sponsorisée par la Biocoop Les 7 épis.
LIBRES

libres !

C’est le titre d'un livre qui alterne des planches de BD de Diglee et des textes d'Ovidie. Des planches qui renvoient à des situations que nous avons tou·te·s vécues, et permettent de s’identifier au propos, en lien avec le corps en général, et la sexualité en particulier.

Un livre qu’on a offert à nos ami·e·s, parce qu’il pose des questions, auxquelles il donne une seule réponse : tu fais ce que tu veux ! L’idée, démonter les ressorts des injonctions qui nous sont données par les autres - et par nous-mêmes - les idées toutes faites liées au corps et à la sexualité. Panorama assez complet, Libres ! renvoie les donneurs de leçons dans leurs buts. On peut tout faire, mais seulement si on en a envie, vraiment envie, et surtout pas parce que « tout le monde le fait ». De la sodomie à l’éjac’ faciale, de l’épilation intégrale aux normes de poids et de formes, des règles aux performances sexuelles, la règle, c’est qu’il n’y a pas de règle.

Et le 27 janvier, au moment où nous écrivons ce numéro, sort sur arte l’adaptation du livre dans une websérie d’animation, qui est aussi bien que le bouquin, mais en version animée.
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Après Vernon Subutex 1, 2 et 3 chez Grasset, trilogie hésitant entre le roman et la tribune, le trip d’acide et le Stilnox, bien barrée dans des délires mystico-pêtés, bourrée de digressions politico-sociales et de longueurs.

Après Vernon Subutex, chez Canal, série transformant l'original psyché en panorama bobo, lissé, désinfecté, devenu road movie parisien, au casting policé, avec Romain Duris - icône Klapischienne de la génération Erasmus, non-sens complet en Vernon - Calypso Valois - en Lydia Bazooka, rock’n roll attitude légitimée par sa seule hérédité (c'est la fille d’Elli et Jacno) -le génial Philippe Rebot - contre-sens travestissant littéralement le personnage de Xavier – la magnifique Céline Sallette - mignonnisant La Hyène, jusqu'aux SDF qui se devaient d’être jolis. Pour preuve, le tome 3 du livre, le plus barré, fut mis de côté par la production, qui le jugeait trop sombre. Faut pas choquer, on est sur Canal +

Luz, lui, n’a pas ce problème. Le dessin a tous les droits. Il n’a pas à choisir des acteurs bankables, il n’a pas à couper des scènes jugées trop hard, il n’a pas de producteurs aux impératifs de rentabilité. Le dessin est libre. Une magnifique, sauvage, et ardente liberté, dans laquelle Luz se roule, se baigne, comme un enfant dans une rivière d’été, faisant jaillir les éclaboussures d’eau et de rires.

On bouillonne d’enthousiasme à la lecture de ce qui n’est pas une adaptation mais une réécriture à deux mains, deux écritures, l’une graphique, l’autre textuelle. Les deux auteurs se sont mêlés, mixés, fondus, pour faire exister une forme où rien n’est de trop, tout se complète. Contrairement au bouquin, jamais on ne souffle – malgré notre adoration de Despentes, sa pensée, son écriture, sa personnalité – en se disant « Pfoooou, elle pouvait pas le garder pour elle, tout ça, et en faire autre chose ? ». Non, ici tout a le juste dosage, les délires de chaque personnage – où Despentes a insufflé ses préoccupations « politiques » - sont à leur place, ont du sens, font exister les personnages grâce à la forme graphique, là où la forme textuelle ralentissait la narration. C’est comme si les mots de Despentes n’avaient attendu que la rencontre avec le dessin de Luz pour couper, condenser. Tout d’un coup le propos devient clair, les personnages justes, les digressions justifiées, les délires évidents.

Les personnages sont graphiquement vraisemblables, digérés par la culture et la patte de Luz, qui les fait vivre, les invente, à la différence du cinéma, qui plaquait des acteurs sur des personnages fictionnels. Ce n’est pas tant que les personnages dessinés soient fidèles ou pas à l’idée qu’on en a en lisant le livre, mais ils sont œuvre d’artiste, œuvre d’une pensée, pas d’un système. A commencer par Vernon, dont Luz a su capter la médiocrité sympathique, son humanité, ses paradoxes, pour en faire non plus un personnage, mais une personne. Pas un dessin ne cède à la tentation de créer des héros, mais toutes les âmes sont là, toutes les essences, portant à la fois l’esprit Despentes et l’esprit Luz.

Le bouquin est un pavé – d’ailleurs ce n’est plus un livre, mais une plongée dans un imaginaire - et pas une page ne ressemble à la précédente, magnifiquement colorisée, l’espace occupé différemment, dans toutes les formes de compositions possibles, cherchant à faire autrement, à inventer une narration graphique, qui prend toute sa dimension dans les passages de pensées délirantes, de plongées dans le crâne de Vernon, dans les souvenirs, dans le plaisir, l’amour, la drogue… Impossible de ne pas être touché par cette scène où les corps de Vernon et Marcia se rencontrent, jusqu’à exploser en gerbes de couleur sur fond noir.

Impossible de ne pas avoir les larmes aux yeux en voyant comment un homme peut transcrire des émotions, comment cet homme, ce Luz touché par la grâce, envoie aux oubliettes les plus belles scènes de cinéma, les plus beaux passages de littérature, pour nous montrer comment il voit l’amour, et nous entraîner avec lui, nous qui ressassons en boucle « oui c’est ça, c’est exactement ça ».

Bien sûr, on partait avec des a priori favorables : Luz, la sexytude, l’intelligence, l’anticonformisme, la rock’n roll attitude et Despentes, la féministe, l’autrice, la libre pensée et la prose combative. On ne sait pas comment ils ont travaillé, ces deux là, et on ne veut pas le savoir, on n’a rien lu sur ce bouquin, on voulait garder nos certitudes, notre admiration, la sensation d’être en face d’un chef d’oeuvre.
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le dahlia noir

Parallèlement, on a lu une autre adaptation littéraire, celle d’un dessinateur qu’on aime beaucoup et dont on vous a déjà parlé, lorsqu’il avait exposé à Quimperlé, Myles Hyman, et son adaptation du Dalhia Noir, d’Ellroy, avec Matz et David Fincher (oui oui). Un pari encore plus audacieux. L’intrigue y est complexe, tordue, des boîtes qui s’emboîtent les unes dans les autres, des fausses pistes, des retournements de situation, des personnages qui ne sont pas ce qu’ils semblent être, un gros sac de nœuds. La langue est brute, fruit d’une autre époque, et la traduction malaisée en Français. Obsédées par la traduction que nous sommes, disons-le tout de suite, pour nous, ça ne colle pas. Traduire a pour nous la nécessité de réinventer un langage, un univers, une musicalité, pas juste de trouver le mot en Français. Donc de ce point de vue, c’est loupé, d’après nous : l’amertume, le voile noir, le désenchantement, la physicalité des personnages, très bruts, manquent, restent juste des tournures un peu lourdes, un argot qui ne matche pas en Français... Côté dessin, on retrouve néanmoins avec enthousiasme l’univers chromatique de Miles Hyman, ses bruns, ses fauves, ses ambiances légèrement floutées, les courbes de ses personnages féminins. Mais à notre grande surprise ça s’arrête là. Les dessins sont des arrêts sur image, des vignettes figées sans vie et sans mouvement, magnifiques certes, mais donnant l’impression qu’au lieu de parler, ses personnages pensent. Reste une vision graphique de l’Amérique, sublime, mais morte. Quel dommage…
Mum

mum, une série à voir sur arte

C’est reparti pour un tour sur le site d’arte, qu’on essore jusqu’à la dernière goutte. Notre chroniqueuse Catherine Pouplain nous a conseillé d’aller voir Mum, une série britannique, avec Peter Mullan, l’inoubliable interprète de My name is Joe, de Ken Loach, mais aussi, pour les amateurs de séries, celui de James Delos dans Westworld.
Trois saisons, mais six épisodes très courts par saison, on regarde vite Mum, qui pourrait passer pour une comédie comme une autre – par ailleurs souvent très drôle – mais qui soulève, l’air de rien, des sujets de société majeurs, comme le choc de la génération internet avec celle des boomers, et surtout les relations amoureuses comme elles le sont dans la vraie vie, jamais idéales, jamais parfaites, mais merveilleuses dans leur quotidienneté et leur banalité.

Ainsi quatre couples racontent-ils en creux une génération et une relation particulière : une veuve sexagénaire (l’héroïne) et son meilleur ami amoureux d’elle en pas vraiment secret ; deux octogénaires décatis et râleurs mais en compagnonnage de longue durée ; deux millenials mangeurs de chips très rentre-dedans, qui se révèlent pas si creux, au fil du temps, et un couple de quinquagénaires mal assortis mais finalement solide, au gré des concessions et des sacrifices. Des vraies personnalités, avec leurs imperfections et leurs défauts, comme dans la vie, contrastées, et un final comme une ode à la liberté, tendre et réjouissant...
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gâteau coup de coeur

La semaine dernière, nous fêtions l'anniversaire de Marie (coucou Marie) avec un cheese cake de Code Zéro (zéro pour zéro déchet), un café-resto que nous aimons beaucoup.

Le cheese cake, c'est le gâteau préféré de Marie, mais nous, on déteste ça. Et là, surprise, une merveille aérienne comme un nuage aux parfums d'agrumes, posé sur une base croquante au léger arôme de cannelle.

Code zéro fait de la vente à emporter, ou à livrer, et c'est à Lorient, rue de Carnel.
VOEUX 21

le microsabotage, un outil de résistance ?


Andreas Malm est maître de conférences en géographie humaine en Suède et militant pour le climat. Le média Reporterre publie une interview de lui, où il pointe l'efficacité d'actions concrètes et les limites des "petits gestes bienveillants".
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Le collectif La Ronce propose des actions de sabotage tels que dégonfler les pneus des SUV, que leurs propriétaires ont choisi d'acheter en sachant qu'ils sont plus polluants que les autres véhicules, ou le chapardage des bouchons de Roundup dans les rayons, pour les rendre invendables. Leur mantra ? "Une épine seule ne changera jamais la face du monde, mais plusieurs épines dans leur pied peuvent les ralentir, et un buisson de ronce leur fera rebrousser chemin". Leur manifeste, particulièrement bien écrit est à lire dans l'article de Reporterre ci-dessous, et leur graphisme, à regarder sur leur compte Instagram, est aussi beau que parlant