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N° 246 - SEMAINE DU 11 AU 17 FEVRIER 2021

Lanester
BARRIER

sébastien barrier. ceux qui vont mieux

On est allées au Théâtre du Blavet, à Inzinzac-Lochrist, cette semaine. Les artistes continuent à travailler en résidence, et les portes sont parfois ouvertes aux professionnels, en toutes petites jauges. Alors on a vu la nouvelle création de Sébastien Barrier « Ceux qui vont mieux ».

C'est qui, Barrier ?

Pour ceux qui ne connaissent pas Barrier, le définir serait l’enfermer, mais on a envie de tenter le terme « homme de parole ». Barrier parle comme il écrit, en skieur élégant il déroule le fil d’une pensée en arborescence, le propre des bipolaires et des hauts potentiels (on verra plus loin le pourquoi de ce détail). Longtemps comédien de rue avec un personnage qui a beaucoup traîné sur les quais de Bretagne, Barrier a trucidé son double fictionnel, Tablantec, et depuis quelques années il a rejoint les plateaux de théâtre pour créer des spectacles dits « de récit » où se mêlent les références et l’intime dans des formes entre conférence, confession, sermon, harangue, où son flow de prédicateur fait merveille. C’est avec « Savoir enfin qui nous buvons », un spectacle pouvant durer jusqu’à sept heures, autour du vin naturel, que Barrier a littéralement explosé, devenant le chouchou des médias et des centres d’arts pointus, notamment le Cent quatre, à Paris, ou le théâtre le Grand T, à Nantes, avec lesquels il est artiste associé.

Une forme arty et musicale

Cette nouvelle création est à la fois familière, puisqu’on y retrouve la manière de Barrier de s’adresser au public de façon intime, tant dans le ton que dans le fond, mais aussi nouvelle, puisque cette fois Barrier va plus loin dans la déstructuration de la parole, dans l’idée de créer de nouvelles formes. En utilisant un sampler, de la musique et de la vidéo, Barrier hache son propos, en fait des boucles, des répétitions, des refrains, faisant de sa parole un matériau presque musical, et c’est le grand plus du spectacle, qui se transforme ici en performance d’art contemporain, plus qu’en conversation au coin du bar. Oui c’est plus sombre, on rit moins – même s’il y a des choses drôles, notamment quand Barrier parle de son psy, à Hennebont, ou se compare à Carrie Mathison, de Homeland. Et c’est super bien gaulé, ça tient la route, ça a du sens, il y a de la poésie, c’est plutôt beau, plastiquement, dans une atmosphère en noir et blanc, la marque de fabrique de Barrier. Même si, qui dit arty, dit moins de chair, et moins de chaire aussi, même si Barrier parle de célébration, son souffle est plutôt celui d’un pénitent au confessionnal que celui d’un orateur du Speaker’s corner de Hyde Park.

De l'intime à l'extime

Dans « Ceux qui vont mieux », le fait d’avoir vu ou non des spectacles de Barrier, de connaître ou pas son univers, jouera un rôle dans le ressenti du spectateur. Nous, on connait ses spectacles, on a vu (au Cleub, ce merveilleux lieu de jaille du Pouldu) celui qui a donné naissance à « Ceux qui vont mieux », où apparaissent le curé de Morlaix, Georges Perros, Sleaford Mods et le père de Barrier. On a fait un Paris-Rennes avec Wee Wee, son chat, sur les épaules. On a croisé sa compagne, Elisa, à Locmiquélic, où il vit, on a fait des interviews de lui dans son appartement vue sur le port de Sainte-Catherine, on sait que son fils s’appelle Abel, que la fille d’Elisa s’appelle Garbo et qu’elle danse... Donc on comprend. Mais on se dit que les autres risquent ramer. Peut-être pas, au fond ?

Mais ça nous trouble, de lire tant d’intime dans cette histoire, de voir Sébastien, en scène, prendre des (vrais ?) comprimés de lithium pour soigner sa bipolarité, même si, comme il le dit « Mais maman, oui, tu l’as lu sur Facebook, mais tu sais bien que je suis comédien ».

Et avouons-le, dans ce filage de plus de deux heures, on a parfois trouvé le temps long, ce qui nous a étonné, parce qu’on fait partie des adeptes du révérend Barrier. Alors on ne se fait pas trop de souci, parce que le spectacle n’est pas forcément calé, et ne le sera sûrement jamais, puisque Barrier aime prendre les chemins de traverse, en scène. Et que c’est ça aussi qui le rend si attachant, Barrier, c’est qu’il préfère foirer une session plutôt que de ne pas suivre les pistes qu’il pressent sur le moment, quitte à s’égarer. Sans semer de grains de pavot sur les pavés. Quoique.
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MARVIN GAYE

Pour savoir avec quel morceau Catherine Pouplain a associé avec cette oeuvre de Kadir Nelson (indice : ça groove sérieusement) cliquer le bouton ci-dessous "Rock & Painting". Cette semaine un musicien hyper connu dialogue avec un artiste engagé.

CINELOVE
girl

girl

Toujours sur arte, on a vu cette semaine « Girl », un film du Belge Lukas Dhont, qu’on avait très envie de voir à sa sortie, en 2018. « Girl » joue sur deux tableaux : un portrait, celui d’une adolescente, Lara, née garçon, en pleine transition, et un milieu, celui des écoles de danse classique, où Lara tente de devenir une danseuse à pointes et arabesques.

Le premier sujet nous intéresse particulièrement, car il touche à un phénomène de société devenu plus visible ces dernières années, à savoir le désir profond de changer de genre chez les adolescents. Une question sur laquelle on éprouve une vraie curiosité, non pas pour l’aspect physique, mais l’aspect identitaire.

Qu’est-ce que se sentir femme ou homme ? Qu’est-ce qui est attendu dans ce changement chez ceux qui le provoquent ? En quoi la société, ses rituels, ses codes, ses « castes », ses images, ses icônes, joue-t-elle un rôle dans ce désir d’appartenir à – de s’enfermer dans ? - une nouvelle catégorie ?

Le film ne répond pas à ces questions : on ne sait pas pourquoi Victor a besoin de porter des cheveux longs, des robes légères, du rouge à lèvres et de pratiquer la danse classique dans un rôle attribué aux femmes, la grâce, la légereté, les chaussons, les chignons.

Girl n’est pas un documentaire

Mais pourtant, de longs passages sont consacrés au parcours médical de Lara : traitements hormonaux, opération… La seule chose qui est « dite », c’est le dégoût de Lara pour son pénis, et l’importance pour elle d’avoir des seins. Physique, toujours. (Au passage : ce focus mis sur les parties génitales a été très décrié par les associations de défense des droits des personnes trans). Quel « rôle », quelle « place » Victor cherche-t-il en devenant Lara, on ne sait pas. Quelle représentation se fait-il du fait d’être une femme ? La dernière image du film donne une forme de réponse, et c’est une image, encore, celle d’une jeune femme marchant librement dans le métro, le sourire aux lèvres, ressemblant enfin à son idéal.

Le sujet de Girl, finalement, c’est la souffrance

Comme si le réalisateur s’était fait un devoir de nous faire comprendre à quel point ces parcours sont douloureux, aussi bien physiquement que socialement. Une douleur qui vient s’ancrer dans un contexte particulièrement exigeant, celui des classes de danse classique où le travail jusqu’à l’épuisement est la norme. Lara – jouée par l’excellent Victor Polster – n’est que souffrance : souffrance des bandes de sparadrap qui plaquent sa verge entre ses jambes, souffrance de la nourriture qu’elle surveille pour ne pas grossir, pointes inadaptées et pieds en sang, corps devant se plier à des assouplissements plus compliqués pour un homme, rougeur du visage en sueur, regard des autres sur son corps différent. Lara est animée d’une volonté terrible, prête à endurer des presque supplices pour arriver à ses buts, qui se contredisent : pour arriver à danser, Lara s’épuise, et épuisée, elle ne pourra supporter l’opération qu’elle attend si impatiemment.

Un visage comme un paysage

C’est là que se trouve le cœur battant du film, dans ce portrait au plus près, ce visage sur lequel passe les émotions, ces yeux d’une intense expressivité. Victor Polster y est vraiment extraordinaire, lâchant tout, vivant littéralement les émotions, donnant une sensation de vérité exceptionnelle. Et c’est ce qu’on retiendra de ce film, cette émotion, ce cœur qui crie, qui pleure, qui a peur, qui cherche comment se comporter avec les autres, qui cherche sa place, qui cherche à devenir l’être qu’il sent désespérément vivre au fond de lui, et ça, c’est très très beau.
graines étoiles
On vous propose de compléter ce film par le visionnage de "Graines d'étoiles", une très bonne série documentaire sur l'école de danse de l'opéra de Paris, en deux saisons, qui suit plusieurs enfants, puis adolescents, au fil de leur scolarité, avec cinq ans d'écart. Sur le principe du "Que sont-ils devenus", on découvre des personnalités, des parcours, des vocations, des passions, des interrogations, des souffrances. Un bonheur !
boys don't cry
Girl fait écho à un très beau film, très dur, de Kimberly Peirce, avec Hilary Swank et Chloë Sevigny, "Boys don't cry". D'après un fait divers, là aussi, il y est question de cette souffrance si unanimement décrite par ceux qui se sentent autre que leur genre de naissance.
HIT AND MISS
Sur le sujet, plus léger, bien que soulevant des questions sérieuses aussi, avec encore Chloë Sevigny, une mini série, "Hit and miss", qu'on a beaucoup aimée, le portrait d'une tueuse à gages trans, qui hérite d'une famille, d'une ferme et de voisins violents, dans la pampa anglaise. Sévigny y est terrible, jouant avec les codes de genre(s), portée par une volonté de fer et un tempérament de midinette. Réjouissant et décalé.
DESOBEIR
LOVE PLANET

A vos pots de colle

Extinction Rebellion est un mouvement mondial de désobéissance civile contre l’effondrement écologique et le réchauffement climatique lancé en 2018 au Royaume-Uni.

Ils viennent de lancer une action collaborative baptisée #loveplanet avec le collectif Street Art Rébellion, dont l’objectif est d’éveiller les consciences sur la nécessité d’agir vite face aux catastrophes environnementales et à l’extinction de la biodiversité, face à l’inaction politique.

L’action prend la forme d’une campagne de collage participative à partir de visuels inédits mis à la disposition par des street-artistes, associés à des slogans rédigés par des associations environnementales.

Toutes les affiches sont en téléchargement gratuit, et l’association appelle les citoyens à les coller sur les murs et les relayer sur les réseaux sociaux

arrêter d'attendre la culture "comme avant"

À Dole, ils en ont marre d’attendre la réouverture des lieux de culture. Ils en ont marre aussi de rester derrière un écran. « On veut en finir avec la culture Zoom, la culture ne peut pas être que digitale », explique Jean-Philippe Lefèvre, chargé des politiques culturelles à la ville de Dole. Pour sortir de cette attente d’un futur à nouveau normal, qui ne sera sans doute pas possible avant un bon moment, ils se sont demandé comment faire pour jongler entre le covid et le retour de l’art dans la vie des habitants.
baignoire

#whatawonderfulworld

Si le maire de Perpignan a rouvert quatre musées dans la ville,
Et que le préfet des Pyrénées-Orientales a saisi la justice contre cette action,
Sachant que la ministre de la culture parle d'une" initiative politicienne",

Combien de temps la baignoire mettra-t-elle à se remplir ?

On ramasse les copies dans deux heures.