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MĂ©dia culture Made in Bretagne ‱ N° 337 ‱ 22/12/22

ISA WAVE

Cool.

Allez, on fait comme l'annĂ©e derniĂšre, on ne vous prend pas la tĂȘte avec notre phobie de NoĂ«l. On vous souhaite donc des odeurs de sapin et de thĂ© Ă  la cannelle, des clochettes tintinnabulantes, du feu dans la cheminĂ©e, des petites bougies partout, des chants de NoĂ«l - ouais ouais, George Michael et Mariah Carey, allez-y, promis, on ne fera aucune remarque - des tonnes de chocolat et des trucs gras, des cadeaux que vous allez faire semblant d'adorer et... oups, ça y est, on a dĂ©rapĂ©. (Ă©moji dĂ©solĂ© qui fait une drĂŽle de grimace en montrant les dents).

C'est le dernier numéro de l'année, on fait une pause la semaine prochaine et on se retrouve en janvier - mais oui, on fera une carte de voeux, bien sûr (émoji yeux au ciel).
bling bling noel
titre agenda
morgane

Le récit des gouffres. Thomas Vinau

Bon soyons clair, Thomas Vinau est sĂ»rement le genre de mec qui donnerait envie Ă  n’importe quel(le) prof de Français de passer les vacances de NoĂ«l Ă  prĂ©parer des commentaires composĂ©s aux Ă©lĂšves de premiĂšre. Bref, le genre de mec qui te file grave la pression quand il s’agit de rĂ©diger la chronique de son dernier bouquin. J’ai donc lu « entre ses cases* » et c’est trĂšs humblement, ce mois-ci, que je vous propose l’effleurement de ce rĂ©cit poĂ©tique


Ici le goĂ»t de la pierre, le froissement du feu, le crĂ©pitement de l’eau jaillissent comme sorte de genĂšse du monde. Assis sur un mur de pierre sĂšche, le garçon regarde pousser le vivant.

Dans l’enclos, la limite qui cerne l’existence devient poreuse. Sa vie Ă  lui se fond dans des corps voraces de bĂȘtes sauvages.

Le souvenir parfois dĂ©chire, Ă©miette, dissout. Si le chaos rompt les silences de l’ordre, l’absence, elle, rĂ©sonne Ă  en hurler.

Caresser les précipices, éprouver la puissance des vides, se frotter à trop de sens : cela sert à appréhender les néants.

L’enfant pousse au milieu des ronces, il est un saule tortueux. Il semblerait parfois qu’un miroir pourrait lui renvoyer le reflet de celui l’a crĂ©Ă©. Ainsi se confond-il dans l’image d’un pĂšre complĂštement flou. Sa mĂšre se cache dans les pages d’un journal. Elle n’est plus palpable. FrappĂ© par la musique de ses mots, soudain, il s’égare. Le petit se traque au centre de cette jungle. Courant aprĂšs son Ombre, il la renifle, la goĂ»te du bout des lĂšvres pour tenter de l’éprouver. Mais aprĂšs avoir tuĂ© la nuit, il laisse s’échapper la lueur. L’angoisse omniprĂ©sente trĂŽne sur ce monde de gouffres sans fin. AprĂšs avoir cherchĂ© une place dans ce trou noir il va falloir trouver un terme pour s’en extraire, s’envoler, s’en soustraire. Et, s’il ne reste qu’une solution, elle sera crĂ©ation.

Ce livre est empreint de la disparition d’une mĂšre. Il est aussi en proie Ă  un pĂšre tout de failles vĂȘtu. L’ouvrage se confronte Ă  des mots tus, au manque de limites pour les contenir. Il est traversĂ© par une mĂ©lancolie littĂ©raire, il est comme touchĂ© par la beautĂ© de la peine.

> Editions Le Castor Astral, 139 pages, 14€.

MORGANE THOMAS

* « entre les cases » : c’est ainsi que l’auteur dĂ©peint son coup de crayon

thomas vinau
Vous l’aurez devinĂ© Thomas Vinau manie parfaitement les lettres alors je vous propose de le dĂ©crire en chiffres.
Il est donc, à 44 ans, auteur de : 2 oeuvres au rayon jeunesse, 7 nouvelles, 6 romans, 24 recueils de poésie, et pas moins de 9 prix littéraires

dame blanche
bertrand riguidel
Vous l'avez découvert ces derniÚres semaines, désormais, Bertrand Riguidel partage ses coups de coeur sur Vannes et le Golfe du Morbihan dans Sorties de secours...
Vous pouvez retrouver ses podcasts, "Face B", ICI.
louis noir

On se met au parfum*

C'est en se baladant autour de la cathĂ©drale de Vannes qu'on a une chance de tomber dessus
 Ou pas (tellement c'est petit et discret). Bon, pour le coup, je vais devoir jouer au guide touristique... Prenez la rue de la Monnaie, en haut de la Place des Lices, et avancez jusqu'Ă  la cathĂ©drale de Vannes. A gauche, vous avez le MusĂ©e de la Cohue (j'y reviendrai plus tard, mais notez-le), si vous tirez Ă  droite, vous emprunterez la rue Saint-GuĂ©nhaĂ«l. L'une des plus anciennes rues piĂ©tonnes de la ville. Ces maisons bourgeoises Ă  colombages et quasi de guingois sont franchement Ă  l'ombre du vaisseau de la chrĂ©tientĂ©. C'est aussi pour ça que cette rue est commerçante, mais pas tant que ça...

Bref, vous descendez la rue jusqu'Ă  la place BrĂ»lĂ©e (la cathĂ©drale fut dĂ©truite par un incendie en 919) en vous concentrant sur votre droite, visez le magasin de jouets en bois Le Bilboquet et STOP ! Il y a lĂ  un semblant de vitrine, une vitrinette serait plus juste, Ă  peine Ă©clairĂ©e de l'intĂ©rieur. Au travers, on aperçoit des flacons, des choses joliment posĂ©es sur des prĂ©sentoirs en verre. Autant vous le dire, c'est transparent au point que ça disparaĂźt
 Mais c'est maintenant que c'est intĂ©ressant : vous osez entrer


La boutique FHLRLR, nichĂ©e dans un Ă©crin hors d'Ăąge (et de temps) ressemble Ă  son crĂ©ateur : simple et Ă©lĂ©gante. Et surtout, discrĂšte ! Mais vous ne regretterez pas cette dĂ©couverte. Il est vivement conseillĂ© de venir flairer l'une de ses crĂ©ations chics, pour vous-mĂȘme, ou pourquoi pas un cadeau original pour l'ĂȘtre cher : DĂ©mesure, Faste, Immortelle des Dunes, Doux Fleurant. Autant de noms poĂ©tiques pour ces parfums Ă©lĂ©gants qui invitent au voyage (dans le temps)... Lorsque François-Henri Le Rai Le Roy dĂ©cide de reprendre l'activitĂ© de parfumeur de son trisaĂŻeul, Louis Noir, c'est d'abord l'histoire d'une Ă©poque qu'il dĂ©couvre : Louis Noir est le favori des grands de ce monde, Tsars russes, noblesse et bourgeoisie viennent de toute l'Europe se procurer ces parfums exceptionnels. Et patienter de longues heures Place des Vosges, moment idĂ©al pour cancaner et colporter les rumeurs des Cours ... Une fois que l'on sait tout ça, on comprend dĂ©jĂ  mieux le choix de l'Ă©crin : cette petite boutique de parfum est une adresse d'initiĂ©, d'esthĂšte ! Et FH a su de jadis et naguĂšre faire jaillir un bel aujourd'hui : le parfum Faste en est l'un des exemples somptueux, avec ses notes de tĂȘte d'anis et de mandarine rouge. Curieux et toujours Ă  l'Ă©coute pour accorder l'essence idĂ©ale Ă  la personnalitĂ© de ses clients, FH propose une gamme d'une dizaine de parfums, mais aussi des bougies et des parfums d'intĂ©rieur.

[Et les prix de ces prĂ©cieux flacons sont tout Ă  fait abordables pour des crĂ©ations uniques : de 49 € Ă  120 € selon si l’on choisit l’Eau de Parfum ou l’Eau de toilette.]
> FHLRLR Fragrances, 11, rue Saint- Guénhaël, Vannes.

BERTRAND RIGUIDEL


* ChÚre aux vieux films de gangsters et aux romans policiers, l'expression « mettre au parfum » signifie placer quelqu'un dans la confidence, lui donner un renseignement précieux. Le terme parfum fait ici allusion au flair qui permet de suivre une piste. Il s'agit donc d'une information secrÚte.
ISA TYPE

Isabelle Nivet. Une rencontre avec Mastabilo

Quand je suis arrivĂ©e Ă  Lorient je n’y connaissais que trois personnes. Et puis je suis entrĂ©e au TĂ©lĂ©gramme, et j’ai commencĂ© Ă  rencontrer des gens. Beaucoup de gens. TrĂšs vite, quand je croisais dans la rue quelqu’un·e qui m’intriguait, j’ai compris qu’à un moment, je recroiserai forcĂ©ment cette personne dans un bar, une salle de spectacles, une expo, et que je m’assiĂ©rai bientĂŽt en face d’elle avec un carnet de notes et un Bic 4 couleurs pour Ă©couter sa parole.
rimbaud
jean ba
Damjan Petrovic, j’avais vu son visage Ă©merger d’une pile de livres dans le sous-sol de L’Imaginaire, la librairie mythique de Lorient. J’avais vu tourner son nom sur les rĂ©seaux sociaux, quand les lecteurs se sont Ă©mus de la fermeture du lieu. Puis j’ai compris que Mastabilo, ce pseudo qui surgissait comme un diable de l’Instagram box, au pied de papiers collĂ©s sur les murs de la ville, c’était le mĂȘme personnage. Alors j’ai pris mon Bic 4 couleurs et le cahier que m’a offert GĂ©raldine, celui sur lequel le stylo glisse comme sur la glace d’une patinoire olympique, et j’ai rencontrĂ© Damjan sur les banquettes du Bison ravi*

Avant d’ouvrir les guillemets et de faire parler Mastabilo, il faut que je vous dise ce qu’il fait. Du street art, avec des papiers collĂ©s, des portraits dessinĂ©s, et toujours un petit twist qui en fait un peu plus que des portraits. Mon prĂ©fĂ©rĂ©, celui qui Ă©voque Levalet, un de ses premiers collages, un boxeur en garde, assorti d’une punchline qui me cause bien « La culture est un sport de combat ».

- Mastabilo, ça veut dire quelque chose ?
- C’est du Serbe, ma langue paternelle, ça veut dire « peu importe » ou « n’importe quoi ». J’en ai fait mon pseudo et mon cartouche, dans un rond de couleur rouge.

- De libraire à street artist, c’est quoi le parcours ?
- A force de frĂ©quenter le Galion et les graffeurs de la PerriĂšre, ça a fini par me dĂ©manger. Je faisais beaucoup de photo, j’étais passionnĂ© de street-art, et je n’avais aucun parcours d’art, mais j’avais envie d’essayer. Depuis, j’ai fini par prendre un statut d’artiste, parce que je suis sollicitĂ© pour des projets, notamment dans des collĂšges


- Ça fait quoi de bosser dans la rue ?
J’ai commencĂ© il y a trois ans, un pochoir rue du Bout du monde, un portrait de mon grand-pĂšre Georges, en 1936. Sans autorisation, y avait personne dans les rues, mais ça donne quand mĂȘme un petit coup d’adrĂ©naline ! J’aime cette zone grise de libertĂ© oĂč tu peux tester. Je colle le dimanche matin, quand c’est discret et calme : mes enfants trouvent ça cool mais ils ne sont jamais venus me voir faire ! Ils disent ‘ça, c’est Papa
’. Je continue Ă  trouver ça un peu grisant et un peu flippant, de coller dans la rue, quand il y a des passants : ça m’est arrivĂ© une fois de me faire agresser verbalement, mais aussi que quelqu’un reconnaisse mon boulot, que le dialogue s’instaure : ‘ça met de la poĂ©sie’, on m’a dit dit ça une fois.

- Tu dessines pour un lieu, au hasard ?
- Ah non, pas au hasard ! Je cherche l’endroit qui gĂ©nĂšre le dessin, ou, au contraire, je trouve le spot pour le dessin. Et surtout, je ne veux pas dĂ©grader.
- Ta technique, c’est quoi ?
- DĂ©jĂ , faut la trouver tout seul ! Faire des expĂ©riences et des essais avec diffĂ©rents papiers, avec du kraft, pour que ce soit Ă©phĂ©mĂšre, mais que ça dure un peu. Certains dessins tiennent jusqu’à deux ans. J’aime bien l’idĂ©e du temps qui passe dessus. Parfois je projette des photos et je reprends Ă  la bombe, parfois je dessine Ă  l’encre de chine, parfois avec de la peinture, parfois je fais des gravures, parfois des pochoirs, ça dĂ©pend des moments et du sujet. Mais je n’utilise quasiment que du noir et du gris.

- Y’a des messages, dans tes collages ?
- Ce n’est jamais politique ni engagĂ©. J’ai plutĂŽt envie de faire sourire ou penser Ă  autre chose. Je travaille souvent d’aprĂšs des photos anciennes, et je laisse aussi venir les influences du cinĂ©ma, de la chanson. Mes dessins sont parfois comme des devinettes.





* Le Bison ravi, c’est le nouveau (enfin, « nouveau », c’est quand mĂȘme ouvert depuis le printemps dernier
) bar de Jean-Ba, l’ancien taulier du Galion, Ă  la PerriĂšre. Et le nouveau nom de « La Bulle », l’un des bars les plus sympas de Lorient. Tout du moins l’un des plus cosy et chaleureux, avec son comptoir ancien et sa petite terrasse en arriĂšre-cour. La dĂ©co y a Ă©tĂ© refaite Ă  la maniĂšre du Galion, avec des objets chinĂ©s et des souvenirs rock’n roll. Les bulles ont disparu, les murs ont Ă©tĂ© repeints en lavande pĂąle, mais l’esprit demeure. Vous pouvez y (re)venir


Les inspirations de Mastabilo

- Les classiques : Ernest Pignon-Ernest, Banksy, Obey
- Les locaux : Ezra et Kaz, K.liopé, Small axe , Erika Raio, Mélanie Busnel

Petit parcours mastabilien Ă  Lorient

- En face du Galion, rue Florian Laporte, le portrait de Jean-Baptiste Pin

- Rue tour des portes, entrée du Grand théùtre « La culture est un sport de combat »

- Quai du Pourquoi-pas, portrait de Ponthus

- Quartier du PĂ©ristyle, portrait du gardien de la Maison de l’imprimeur et « Sainte-Wifi, rayonne sur nous »

- Port de pĂȘche « Du passĂ© faisons une table basse »

- K2, Arthur Rimbaud en survùt’

- Terrasse du Bison Ravi, « Mireille Ramone » et « We miss Tic you »
mireille
miss tic
zebre
port