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Et si on parlait d’amour ?


Cette semaine, encore, malgré la réouverture de la plupart des salles du Morbihan, c’est le foutoir le plus complet entre les spectacles annulés, reportés, remboursés ou pas. On fera le point en avril pour vous, mais dans l’immédiat, l’investigation nous a paru trop complexe à mener, aussi avons-nous choisi à nouveau un medium spécial confinement, le livre.

L’art, quel que soit sa forme, reflète souvent les préoccupations de la société au moment où il se fait. Certains définissent cela comme un phénomène de mode, mais quoi de plus normal que de se laisser envahir par les questionnements que nous partageons ? Ainsi les mouvements liés au féminin et au masculin viennent-ils nourrir nos réflexions, soulevant des prises de conscience sur nos postures, nos croyances, nos images.

Il y a quelques mois, un livre a été déposé entre nos mains, celui de Liv Strömquist, « Les sentiments du Prince Charles ». Sous la forme d’un roman graphique, avec ses dessins en noir et blanc, représentant des scènes de la vie quotidienne ou des personnages célèbres, Strömquist décrit, simplement, des situations, et en analyse les mécanismes, à l’aide de références bibliographiques solides et détaillées à la fin de l’ouvrage.

Découpé en sections thématiques, ce livre a résonné en nous, pas comme une réponse, mais comme un levier à des questions sur lesquelles on a bien aimé s’agiter les neurones avec Liv Strömquist, qui s’est penchée sur le sentiment amoureux, en s’appuyant sur les stéréotypes, et notamment celui du patriarcat.

Rappelons la définition du patriarcat « forme d'organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l'autorité par les hommes ». Strömquist nous explique comment tout est affaire de pouvoir. Comment les familles construisent leur identité et leurs caractéristiques, à partir de postures venues de très loin. Comment le féminin est devenu synonyme de la sphère intime, et le masculin celui de l’indépendance. Comment les sentiments sont devenus l’apanage du féminin, privant dramatiquement le masculin de cette expression. Comment les femmes en sont arrivées à développer leurs compétences relationnelles, n’ayant pas accès aux caractéristiques dites masculines telles que l’indépendance, qu’elles ne parviennent souvent à acquérir qu’à travers leur relation à l’homme : « Dans la société sexiste, la femme obtient l’estime d’elle-même à travers la séduction et le sentiment d’être aimée par un homme ». Un écosystème qui n’aboutit dans tous les cas qu’à un échec : « La femme essaie désespérément de créer une relation intime avec l’homme alors que ce n’est possible qu’avec ses enfants ou d’autres femmes ».

Si ce point constitue l’introduction de ce qui ressemble à un « essai » sur le sentiment amoureux, la majeure partie du bouquin s’intéresse donc aux ressorts de l’amour, avec un décorticage fouillé, et troublant (voire dérangeant, pour ceux qui croient à l’amour en tant que magie comme la « force » de Star wars), grattant du côté de la manipulation, la dépendance, les relations toxiques, pour terminer (ouf, un peu d’espoir…) sur le postulat suivant : « Si dans vos relations amoureuses vous ressentez à la fois de l’amour et son contraire : agressivité ou violence affective, il est probable que vous ayez confondu l’amour avec les liens de l’ego et la dépendance (…) » Or « pour ressentir de l’amour, il faut abandonner tout pouvoir, et abandonner son moi… ».

Entre livre de chevet et bible comportementale, il est donc salutaire de se plonger dans cette œuvre de déconstruction de nos schémas, sobre et sans parti pris, qui pose sans agressivité des questions fondamentales sur notre rapport à l’autre et à nous mêmes…

Un livre édité chez « Le signe noir » aux éditions Rackham. 19 €

En prime, un article de Libé sur l'auteure, ici

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