• et un clic là

Anne-Lise Broyer et Cathryn Boch au Domaine de Kerguéhennec

Isabelle Nivet pour le Domaine de Kerguéhennec - Juin 2020


Deux artistes très différentes sont exposées cet été à Kerguéhennec, à commencer par Anne-Lise Broyer, qui a réalisé une série d'oeuvres sacrément bluffantes, en face desquelles il faut se livrer à cette désormais familière petite danse dont on parle souvent, un pas de côté, un pas en arrière, pencher la tête pour regarder par en dessous ou par le travers, pour découvrir les secrets de leur conception et les facettes de leur rendu.


Anne-Lise Broyer, elle a photographié le parc du domaine, avec un parti-pris graphique, lignes de fuite, répétitions, dans une gamme de couleurs sombres et oniriques, des bruns de cendre et des bleus d'orage, des verts de forêt profonde, presque des gris. Sur certaines de ces photos, mais pas toutes, elle a créé un dessin entre le filtre et l'écran, à la mine graphite, redessinant les contours en contrastes de brillance.


Si les arbres sont très présents, ce sont ses bouquets, d'une grande beauté, qui nous ont épatée. Laissés à sécher dans des vases, leurs couleurs ont perdu leur vivacité, leurs tons ont fané, les tiges se pliant, les fleurs dodelinant de la tête, les feuilles se recroquevillant, et le dessin s'est emparé des photos que l'artiste en a fait, créant des "grisailles", cette technique de clair-obscur utilisée en peinture, notamment pour les esquisses préparatoires, mais aussi dans les arts décoratifs, motifs ou paysages, très en vogue au 19e siècle. Le trouble est total en face de ces images, parfois partiellement tatouées de gris, parfois intégralement recouvertes : plus on s'approche, plus ce qui paraissait une photographie devient du dessin, baladant le spectateur qui ne sait plus ce qu'il regarde, l'embarquant dans un monde un peu irréel fait de lumière et de brillance.


La seconde exposition, plus conceptuelle, nécessitera là encore une grande attention, mais peut-être une immersion plus longue, pour capter et saisir les intentions de l'artiste, mais aussi s'émerveiller de la masse de travail fournie sur chaque pièce, d'une minutie et d'une délicatesse infinie. Cathryn Boch est une ravaudeuse, pour employer un mot qui n'a plus vraiment cours de nos jours, car qui reprise encore ses chaussettes ? C'est avec ce point de reprise - des milliers de points - que l'artiste suture, assemble, en longues cicatrices, des pans de matières, tissus, papiers, pour créer des volumes, des formes, des courbes de niveau, appliqués sur des cartes. Les tracés se répondent sans être purement figuratifs, mais portent en eux la notion de territoire, un territoire devenu concret, nous embarquant dans des mondes imaginaires sur lesquels on a envie de passer les doigts pour en sentir les aspérités et le relief...


 

 

x