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Arthur Aillaud. Peintre

Noël 1997


Il n’est même pas cinq heures, les voitures sont à touche-touche autour de la zone commerciale, ça se précipite pour les dernières courses. Fontaine, Sassenage, quelques ronds-points de plus et c’est la route qui monte vers Lans-en-Vercors, tandis que Grenoble s’étale en pointillés lumineux et traînées de phares. On monte vers le blanc, le calme, dans une puissante sensation de soulagement et un regret de la ville, de la lumière, du mouvement. La nature nous reprend. La nuit nous absorbe.

Printemps 2001


A Aragnouet, il n’y a plus une trace de neige. Nous laissons la voiture pour monter à pied jusqu’au lac de l’Oule, rejoindre le col de Bastan. Peu à peu la neige apparaît par petites mottes dans les combes, se densifiant le long de la montée. Lorsque le chemin débouche sur le plateau, comme une surprise attendue, c’est une grande étendue de neige qui nous accueille. Nos chaussures font enfin crisser la neige, nos voix s’étouffent, l’odeur froide de la neige nous emplit et nous brûle.

Des souvenirs ?


Quelques-uns. Personnels ? Un peu. Ce n’était pas en 1997. Etait-ce le pic de Néouvielle ? Y-avait-il de la neige ce jour là ? Piocher dans ses souvenirs pour construire une histoire, accommoder la mémoire pour en faire une fiction, s’arranger avec la réalité pour partager des sensations, c’est ce que font les écrivains, et Arthur Aillaud beaucoup. En version 2.0 : « J’opère par montage. Je conserve beaucoup de photos, je glane une matière à peindre : des murs, des nuages, des ciels, des paysages montagnards ... J’assemble sur Photoshop, puis je peins une idée de paysages, faite de souvenirs d’enfance de la montagne. Je peins la production de lumière faite par la ville, l’inscription de l’homme dans le paysage. Ce sont mes sensations, mais aussi des paysages concrets partagés par tous, que l’on voit tous. ». Ces paysages de montagne – qui ne représentent pas tout l’univers d’Aillaud, mais ce qui nous a transportées, émues profondément – Aillaud les transpose dans des climats, des heures du jour particulières. Temps de neige comme un tulle blanc, tombée de la nuit comme une gélatine bleutée : « Souvent entre chien et loup, ce moment de transition. Ces climats donnent une forme de théâtralité ».

L’enfance de l’art


D’une patte très simple, touches de couleur d’un impressionnisme moderne, dans une facture très sèche et mate, Aillaud recrée un paysage imaginaire réaliste, d’une simplicité sans esbroufe, presque de la barbouille, vu de près, qui emballera ceux à qui la technique fait peur, qui ont peur de ne pas comprendre, qui n’osent pas aimer parce qu’ils ont peur de ne pas savoir dire pourquoi. Les toiles d’Aillaud donnent l’impression  que ça n’a pas l’air bien difficile, qu’il y a beaucoup d’intuition là-dedans, beaucoup de simplicité, de la confiance. Tout en étant bien conscient que ce jeu d’enfant là tient du prodige. Pour voir cela, on ne saurait trop conseiller de s’installer confortablement en face de ces immenses toiles, avec un thermos écossais et un plaid sur les genoux, pour faire le voyage à l’arrière de la voiture et regarder la vallée d’en haut…

ISABELLE NIVET
Février 2018
Rencontre le 10 janvier 2018

 

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