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Le dernier stade de la soif. Frederick Exley

Un livre culte que l’on peut lire en se prenant une cuite ou pas. Dans les deux cas, il vous retournera et vous fera tomber raide dingue d’Exley.
Ça se tente, non ?

PAR VIRGINIE SALLÉ

« Le freak, c’est chic ». Finalement, même si on l’imagine mal en combi paillettes tendance disco, Frederick Exley illustre assez bien les paroles du fameux tube de Chic, Le Freak, qui sortira en 1978, soit dix ans après la parution de ce premier roman. Freak out, c’est-à-dire délirer, se lâcher complètement, péter les plombs, Exley sait faire et nous le montre dans ce texte faussement fictif.

Bienvenue au royaume des déchus


C’est une multitude de petits riens tour à tour loufoques, tragiques et hilarants qui rend ce texte aussi profond et donne à tous les déchus de la terre la plus belle des noblesses, leur humanité. Comme dirait Martinet dans La Grande vie : «  On n’est pas heureux mais on se marre bien  ». Avec Exley, vous allez bien vous marrer, c’est sûr, mais pas seulement. Car en voulant écrire les mémoires d’un écrivain raté, Exley a raté son coup. Ici, on rit, on vibre, on réfléchit, on s’émeut. Par ses mots, il transforme sa dérive alcoolique en véritable épopée, avec humour mais aussi une lucidité rare et désarmante.

La dinguerie pour échapper à la folie


La littérature lui a permis d’échapper à la folie et à la tragédie de l’existence. A lui seul, il embrasse la vie comme peu ont le courage de le faire, à bras le corps, sans se cacher derrière un masque social et en affrontant seul ses propres démons. Comme ici, lorsqu’il s’amuse avec le plus grand sérieux à répondre aux offres d’emploi les plus absurdes qu’il trouve chaque matin dans le Times. Le résultat est pour le moins inspirant et tout le livre est à l’avenant.

Un fan des Giants


Mais ce qui tient Exley debout, ce sont les New-York Giants, et particulièrement Frank Gifford, dont il décrit les exploits avec force dévotion. En portant aux nues son héros croisé furtivement sur les bancs de l’Université, Exley nous montre les deux faces d’une même Amérique : celle à qui tout réussit et qui rayonne sous les feux des projecteurs, et celle qui échoue dans un bar miteux tout juste bon à étancher sa soif et à accueillir ses diatribes d’ivrogne désabusé. Entre le héros repu et l’assoiffé héroïque, on retrouve le même courage et la même force face à l’adversité. Mais ce qui sépare ces deux mondes, c’est la reconnaissance. Exley n’aura de cesse de la chercher sans jamais la trouver. Et en cela son A fan’s notes (titre original du livre), teinté de douleur flamboyante, révèle un memento mori de toute beauté.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt
Editions Toussaint Louverture
512 pages
13 €

 

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