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Leonor Canales. Le genou de Marylin

En France, on dit merde aux comédiens lorsqu’ils entrent en scène. Dans les pays anglo-saxons, on dit «Break a leg». Dans le film de Maïwenn, Mon roi, Emmanuelle Bercot se déchire le genou. Au centre de rééducation, on lui suggère qu’elle se soit aussi déchiré le « je – nous » du couple. A Tréboul — rupture des ligaments croisés — Leo passe un an à rééduquer son genou et à écrire dans son cahier :
« J’ai écrit sur les fractures physiques et les fractures intérieures. Les deux obligent à se positionner. Personne ne sort indemne de ça »

En résidence à Trégunc, Leonor s’est cassé la voix juste avant l’interview. Elle chuchote avec les mêmes intonations qu’à la normale, tape avec régularité sur mon épaule pour affirmer ce qu’elle dit, retape, pose sa main sur mon bras. Elle a créé le personnage de Marilou pour mettre un peu de distance entre elle et ce qu’elle raconte, même si elle revendique le fait d’écrire à partir d’elle-même : « On a transposé certaines de mes problématiques sur elle, mais sur scène, il y a Leonor et Marilou, différents points de vue, avec des apartés qui permettent de clarifier, faire des contrepoints, poser des questions». Marilou « galère, mais aime la vie. Elle a toujours voulu être Marylin. Et elle a quelque chose d’elle : à fleur de peau, sensuelle, c’est une fracassée de la vie. Marilou raconte le jour où tout a basculé, comment elle s’est retrouvée avec des gens plus fracassés qu’elle, et qui sont malgré tout dans la vie» Elle découvre soin, écoute, toucher, gentillesse « et ça, c’est un croisement avec ce que j’ai vécu. Des gens vont la regarder, lui ouvrir la porte, lui dire des choses comme : il faut t’approprier ton corps, il faut te choisir ». Marilou va apprendre à devenir ce qu’elle est à coup d’actes symboliques, croisant certaines préoccupations de Leonor :
« Etre. Pas avoir ou faire. Lâcher prise sur le désir d’être à un autre endroit, une autre place. J’ai une endurance et une hargne à être moi, à trouver la nudité »

Avec Guillaume Servely, qui l’accompagnait sur son premier solo Cosa sola, Leo se retrouve quinze ans plus tard. Son texte va, comme Marilou, se dépouiller de ses peaux, et la mise en scène aussi. Oubliés les objets transitionnels, mais l’outrance est toujours là, dans les costumes : robe à paillettes, tutu blanc, combinaison de super héros, perruques… « Les vêtements sont très Almodovar, le jeu est baroque, c’est très joyeux ! ». Leo a arrêté de chuchoter. Elle tape encore sur mon bras : « Ce spectacle c’est du théâtre de corps punk ! EXTREMEMENT masqué sans masque, EXTREMEMENT marionnettique sans marionnettes ! Très engagé physiquement. C’est du CORPS ! Je saute, je danse, je bouge. Pour Marilou et moi c’est un acte très fort. Se mettre debout et rebondir».

ISABELLE NIVET
Mai 2017

 

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