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Morgane Côme, peintre en lettres

« Rendre les gens heureux avec des formes inattendues et du graphisme de qualité »

On vous en parle souvent, parce qu’on est sensibles à l’esthétique urbaine, de ces deux peintres en lettres qui contribuent à rendre la ville plus belle :  Tristan Gesret, avec sa petite moustache et son look rétro, et Morgane Côme, la pionnière en Pays de Lorient. C’est cette dernière que nous avons rencontrée un matin de cet été, au pied d’un échafaudage avenue de la Perrière, devant la façade d’un nouveau restaurant, « Le Neptune ».
« J’ai à cœur de remettre de la beauté et de l’âme dans la rue »

Morgane, elle a relooké pas mal d’enseignes à Lorient, pour le bonheur de nos petits yeux sensibles à la couleur et la forme. Elle est graphiste, typographe, et elle aime les belles lettres, l’équilibre. Elle crée des chartes (comme ici pour « Le Neptune ») ou reprend celles de ses clients (comme pour la librairie « Fracas ») : « A Lorient, la mairie autorise les choix forts, en termes de couleurs, et l’avenue de la Perrière, notamment, a de grandes surfaces qui permettent de faire de grandes lettres. Le respect du bâti et l’intégration sur la façade sont des notions fondamentales ».

On lui doit donc, dans cette avenue mythique de Lorient, les enseignes de l’épicerie « Lucie au vrac » (fermée depuis lors), des restaurants « Dynamo » (la première), « Chez Tigre » (et son jaune pétard), plus le dernier en date, « Le Neptune » (12 m de long, deux bleu-vert et deux ors pour un effet 3D) mais encore de « La Colloc d’en face ». Et aussi dans Lorient, celles du « Sequoia » au Ter, du « Lincoln Barber Shop », rue de Liège, du « Café d’Orient » et ses symétries classiques, celle du restaurant « Brawcoli », réalisée avec l’illustrateur Romain Diguet, ou celle du café « Code 0 », qui avait à cœur de s’afficher via une pratique vertueuse, puisque contrairement aux adhésifs, qui génèrent beaucoup de déchets, la peinture, elle, ne nécessite qu’un nettoyage de pinceaux : « Avec les brosses, en plus, on peut garder le grain du revêtement de façade, et la peinture vieillit très bien, prend une jolie patine… »

  

Comment ça marche, la peinture en lettres ?


« On imprime le texte sur un « poncif » (un calque à petits trous) et on repasse les motifs avec une roulette à patron. Puis on le transfère en saupoudrant du talc ou du fusain. Ensuite on peint, avec des brosses à lettres. Par rapport à un pochoir, ça vibre, c’est plus vivant. On travaille à l’huile, avec un pinceau de martre – un matériau plus cher au kilo que l’or – graissé dans de l’huile de pied de bœuf : les pinceaux ne doivent jamais être secs. »

La cane de Morgane


Tous les peintres en lettres utilisent cet accessoire incontournable, qui permet de poser le poignet dessus, pour assurer la stabilité de la main et tracer sans trembler : « Un embout et une tige, qui permet d’être perpendiculaire au support. Le bras gauche fait levier et fait descendre le pinceau »

Des fournisseurs locaux


Morgane utilise une peinture émail à l’huile, très résistante, avec une belle pigmentation : « Jusque-là, j’utilisais des peintures venant des États-Unis, « One shot sign » mais je viens de trouver des peintures marines qui fonctionnent bien ». Et des pinceaux costarmoricains : « Des outils que j’achetais d’abord en Angleterre, mais maintenant que j’ai visité l’usine Léonard, à Saint-Brieuc, je les prends là-bas, ou chez Raphaël. »

Un parcours


Arrivée en Bretagne en 2016, d’abord à Pont-Scorff (la façade du Théâtre du Strapontin, c’est elle), Morgane est depuis quelques années installée à Quimperlé, au sein de l’atelier Monoro, en compagnie d’autres graphistes. Avant, il a fallu apprendre, et pas simple, car il n’y a plus d’écoles : « J’ai eu l’étincelle lors d’un voyage à New-York, et j’ai appris le métier à Londres – en Angleterre, les métiers d’art sont moins sous cloche qu’en France. Ma première enseigne, c’était celle d’un disquaire jamaïcain, à côté de chez moi : je lui ai proposé de reproduire des logos d’anciennes maisons de disques »

Les traces du passé


Passionnée par les « signes fantômes » ,les enseignes effacées, Morgane les cherche et les traque « On était forts, en France, d’abord avec les vitrines, puis sur les murs, avec de grands formats comme les publicités Dubonnet. J’ai une forme de militantisme vis-à-vis de ces traces de l’histoire, qui sont de bonne facture, et qui témoignent du passé »

Isabelle Nivet - Août 2021

> LE SITE DE MORGANE COME

 

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