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Propriété privée. Julia Deck



Chacun d'entre nous l'a ressenti, l'effet confinement : deux mois vécus à un autre rythme, qui pour beaucoup, ont bouleversé des façons de concevoir sa vie, sa manière de faire. A Sorties de secours, la liberté du support numérique nous a emmenées vers des formes de création et de parole peut-être plus proches d'un travail d'auteur·e que de journaliste. Morgane Thomas, notre chroniqueuse livres, s'est ainsi découvert l'envie de parler des livres autrement, sous la forme d'un carnet de voyage littéraire, où l'image vient raconter son expérience de lecture, mêlant l'intime et la chronique...

Le premier épisode de cette nouvelle rubrique nous emmène à la découverte de "Propriété privée", un livre de Julia Deck, aux éditions de minuit, 174 pages quand même pour seulement 16 €.

 


A la maison, tout est enfin revenu à la normale.
La poule bleue de Toto* peut à nouveau lire des couv de bouquins nœufs et vous propose au menu ce jour du Julia Deck*.
Pendant ce temps son pote Gilbert le dromadaire, s’interroge sur
une gravure « La métamorphose de Pinocchio ».



Saisi par cette image qui lui a laissé une eau-forte impression,
son regard stupéfait nous laisse à penser


a) qu’il croit avoir vu Jesus
b) qu’il vient de faire un petit AVC...
c) qu’il sort d’un confinement de trois mois durant lequel
il était la véritable Loana des apéros zoom.



A la maison tout est revenu à la normale.
Sortir masquée,
aller à la Dame Blanche,
m’enduire le corps de SHA*,
oublier de serrer très fort Domi dans mes bras.



Si Marcel* avait sa madeleine, Morgane aurait sa dame blanche.
L’odeur nappée de la librairie m’a immédiatement fait saliver. La caresse des peaux fraîches de nouveaux romans m’a instantanément saisie à même le poil.
Et c’est frissonnante que j’ai tenue dans ma main la délicieuse œuvre de Deck.
Mon savoureux plat à emporter, je l’ai dégusté avec délicatesse, ralentissant la lecture pour faire durer le plaisir...
Et là, vraiment, à la maison, tout est enfin revenu à la normale.


Bon ben, la chronique quand même…


Abandonner la ville anonyme pour posséder une maison écologique relèverait-il de l’aliénation? S’enchaîner, s’étrangler, s’attacher solidement au fil à la patte que serait la propriété privée pourrait peut-être bien mener à la folie meurtrière...



Avant c’était simple : on croyait en Dieu au diable, au bien au mal, au yin au yang. A un monde en noir et blanc. Depuis on a eu la tv couleur, le magnétoscope, le lecteur dvd blu-ray : un vrai théâtre d’objets. Selon les nouveaux standards, la mode nous indique de débarrasser le superflu afin de hisser un beau-beau drapeau écolo-épuré : blanc/bois/vert. Merveilleux monde où Julia Deck nous fait prendre conscience qu’un modèle idyllique ne règle pas tout. « Just a désillusion ».



« L’enfer c’est les autres », vous développez une Sartrite : les bruits des autres coulent dans votre conduit auditif.
Le rapport à l’accession au schéma d’une vie normale vous rassure maison/enfant/chien à l’image du dessin de votre enfance :
on dirait du Blanche Gardin*.
La pelouse parfaite se pavane nargue et irrite par son autorité verte.
Les proches vous démangent gentiment, alors ça gratte un peu. Mais quand la voisine aussi insidieuse qu’un moustique-tigresse moulé dans un miniwawa vient vous piquer : c’est un érythème fessier, une plaie exémateuse que vous développez.
L’herbe drue se hérisse toujours, elle nargue, elle attend patiemment la fêlure. Son œil de vert torve veille, big brother of neighbours is watching you, semble-t-elle hurler depuis sa couleur criarde.


Un roman qui commence par « J’ai pensé que ce serait une erreur de tuer le chat » sent à plein nez le poilitiquement incorrect. Julia Deck joue sur un monde idéal qui se fissure. Elle dribble avec des éco-quartiers qui perdent la boule pour atteindre le but ultime : l’explosion de fous rires. Et ça marche !
C’est absolument irriresistible !!!
Gros crush. A lire sur la plage statique de votre choix cet été...


 

Glossaire: 


Julia Deck : écrivaine née en 1974, a fait son lycée à Henri IV, et des études de lettres à la Sorbonne, ceci explique sans doute cela.
Propriété privée est son 5e ouvrage.


Toto : Artiste de la rive gauche du Scorff, peintre ultrasensible, sculpteur écorché. Créateur de poules, de zèbres, de cartes, et du célèbre cargo au port de Sainte-Catherine à Locmiquélic.


SHA : Solution-Hydro-Alcoolique, mais depuis march, cha tout le monde le chait.

Marcel : Proust évoque au coeur des 2400 pages de la Recherche, les réminiscences de ses premiers plaisirs à travers une madeleine qui convoque le souvenir charmant d’un dimanche matin à Combray.

Imagination : Groupe post-disco-électro-soul. Just an illusion cartonne en 82, il paraît que Mitterrand se déhanchait sur ce tube, mais mon info n’est pas vérifiée…


 

 

 

 

 

 

Blanche Gardin : Aïe, ça pique faites gaffe! Le dessin d’enfant apparait dans son spectacle réalisé avec Fab Caro, le mieux c’est de regarder et d’éloigner tout enfant de moins de 40 ans de la pièce.




 

 

 

 

 

 


Fabrice Thomas
: Artiste atteint par le virus CO-VIE de la métaphore d’une nature qui reprendrait ses droits.




 

 

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