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Violaine Fayolle. Gravure # épisode 1

Commencer par la base. A savoir que la technique de l’image imprimée repose sur l’évidement de la matière. Parmi les techniques, l’une d’elles s’appelle à bois perdu : sur une plaque de bois, on reporte le dessin à imprimer, et — comme pour créer un tampon avec une pomme de terre — on évide les parties qui devront rester blanches. On encre alors et on imprime le nombre d’exemplaires définitif, dans la première couleur. Puis on supprime tout ce qui a imprimé le premier passage, on crée les autres parties du dessin à la gouge, on encre avec une nouvelle couleur et on repasse les feuilles déjà imprimées afin que les deux couleurs se complètent. Le processus est reproduit autant de fois qu’il y a de couleurs, pour obtenir au final, si l’évidement et les calages ont été bien faits, une image en polychromie. A la fin du travail, la plaque de bois aura perdu la quasi totalité de son épaisseur et il sera impossible de refaire des tirages, d’où le nom « bois perdu ». On imagine bien alors la complexité de la mise en œuvre, puisqu’il faut à l’artiste penser en couches successives, à l’intérieur d’une même zone, pour obtenir un dessin complet. A moins que, comme Violaine Fayolle, il ne s’aventure dans la forêt…

La Forêt de Violaine, ce sont dix-huit gravures formant un storyboard de douze mètres de long, partant de l’obscurité pour arriver à la pleine lumière, réalisées à partir de plaques de bois de 89x63 cm. Contrairement à la méthode classique, le dessin que grave Violaine est évolutif, et se transforme subtilement de page en page. Une prouesse technique et intellectuelle, sachant que le dessin se déploie en diptyque, obligeant la gouge à repartir de la plaque qui a servi à imprimer le dessin précédent. A chaque étape, toute l’image se détruit après avoir été imprimée, mais les dessins s’enchainent comme dans un film d’animation. Un truc de dingue. Neuf diptyques oniriques allant du presque noir au presque blanc, qui racontent la levée du jour dans la forêt, l’apparition de la lumière, faisant apparaître des trouées, des ombres chinoises, des formes, jusqu’à ce que le plein soleil sature presque tout le paysage pour aller à l’effacement général, cramé par la surexposition.

Ce travail de Titan a pris naissance il y a deux ans…


Ce sont les arbres alentours, à Guemené sur Scorff, qu’a d’abord regardé Violaine, ceux des rives, se levant à cinq heures du matin pour traquer la lumière, saisir comment elle se pose sur leurs troncs à la naissance du jour. « Il fallait que je comprenne comment la lumière rentre, les contours, par où la lumière crée la forêt, les aplats des arbres, le découpage des feuilles sur le ciel comme une dentelle. Comprendre les proportions, les détails ». Puis ce seront les forêts de la Xaintrie blanche, en Limousin, qu’elle va parcourir, avec son petit équipement à l’inventaire poétique :

- 1 cahier Moleskine
- 1 flacon d’encre de Chine
- 1 stylo avec une plume en or
- 1 crayon et une gomme

ISABELLE NIVET
Mai 2017

 

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