Vous avez déjà glané ?
Votre loyer flambe, l’Ukraine aussi et le prix du sans plomb 98 atteint des niveaux atmosphériques ? Allez glaner ! Quoi, vous ne connaissez pas ? Figurez-vous que depuis très longtemps, vous pouvez récupérer dans les champs les légumes et les fruits après récolte. Sans même demander au proprio ! Pour certains, le glanage est devenu une éthique, voire même un principe de vie.
Je vous explique.Vous aimez glander ? Moi aussi ! Mais connaissez-vous le glanage ? Cette pratique moyenâgeuse permet de lutter contre le gaspillage alimentaire, priorité numéro un de la loi du 11 février 2016, qui implique « de responsabiliser et de mobiliser les producteurs, les transformateurs et les distributeurs de denrées alimentaires, les consommateurs et les associations ». Le glanage est un droit d’usage sur la production agricole, qui autorise, après la moisson, le ramassage de la paille et des grains tombés au sol. Il a même fait l’objet d’un édit royal du 2 novembre 1554. On ne peut pas glaner n’importe comment : sauf édit royal ou arrêté municipal contraire, il faut le faire au grand jour, sans outil, sur un terrain non clôturé. Attention, si vous cueillez des fruits sur des arbres après la récolte, vous ne glanez plus : vous grappillez. C’est mal. Et puni d’une contravention dans le code pénal. Même si vous pouvez entrer légalement dans un champ récupérer les melons laissés sur le sol après la récolte, le ministre de l’Agriculture, répondant à une question d’un député en 2017, conseillait, « afin d’éviter la naissance de conflit, de se rapprocher au préalable du propriétaire du terrain, notamment pour vérifier que la récolte est bien achevée ».
Par extension, le glanage consiste aussi, aujourd’hui, à ramasser des invendus sur un marché, ou à récupérer des denrées dans des poubelles déposées sur la voie publique. Plusieurs associations revendiquent le glanage dans leurs actions.
• A NANTES, Flavie Duprey et Anouk Chabert ont créé l’association Re-bon en s’inspirant du concept de Gleaning network, développé par Feedback, une ONG britannique. Avec des bénévoles, elles organisent des campagnes de glanage auprès de producteurs locaux, et déploient un réseau de distribution des matières recueillies au profit d’organisations caritatives ou d’événements, comme les Disco Soupes ou les banquets citoyens.
• A RENNES, Les Glaneurs rennais (300 followers depuis cette semaine !), nés en 2017, organisent des sessions de disco glanage auprès des commerçants du marché des Lices, tous les samedis, de 12h30 à 15h. « On se donne rendez-vous dans le bas de la place, où l’on bénéficie d’un local de stockage prêté par la mairie, me décrit Charlotte Boquet, co-présidente. On est entre 5 et 10 bénévoles, équipés d’un badge et de gants. Il y a souvent plus de quantités auprès des primeurs, mais de moindre qualité que chez les maraîchers. Puis à 14h débute la distribution, avec de la musique disco. C’est festif ! On a de plus en plus de monde, entre 80 et 100 personnes, principalement des jeunes. On donne sans conditions de ressources. On fait en sorte que chacun ait la même quantité. Et il y a une boîte à dons, pour ceux qui veulent nous soutenir. »
• A PAIMPOL, l’association Osez le Zéro Déchet, créée en 2021, propose régulièrement aux habitants de ramasser des fruits et des légumes non récoltés. Que ce soit auprès de particuliers, dans leur jardin, ou dans les champs des cultivateurs. Une cinquantaine de foyers sont inscrits pour participer à ces actions. Pas besoin d’adhérer, il suffit de répondre aux appels à glanage !
• A SAINT-MALO, Les Marteaux du jardin font à peu près la même chose mais proposent aux particuliers propriétaires de jardins délaissés un véritable contrat de répartition de la collecte. Généralement 20 % pour eux et 80 % pour l’association. Puis ils organisent des ateliers de cuisine dans leur local : gâteaux, compotes, confitures et jus permettent de valoriser les fruits glanés.
• Plus près de chez nous, à BELLE-ÎLE-EN-MER, le glanage prend une dimension plus économique tout en restant profondément éthique. Jim et Jeff, passionnés de gnôle, ont lancé en 2021 La distillerie du Ponant, à Sauzon. Signataires du manifeste pour la gnôle naturelle, ils glanent ou récupèrent leurs matières premières, et refusent d’acheter de l’alcool d’origine industrielle. « Nous récupérons les vins, marcs et bières distillés qui servent de base à nos eaux de vie chez des producteurs complices qui travaillent avec passion dans le respect de l’environnement », m’ont-ils expliqué, lors du dernier Salon du vin, à Port-Louis, en mai (et oui, je picole aussi). Les plantes utilisées pour élaborer les nombreux breuvages (ça va du gin au Dolce vita, à base de citron et de roquette sauvage, en passant par Le Jaune, leur interprétation du pastis et de l’absinthe) sont issues de l’agriculture biologique, ou glanées par les deux compères, « avec tout l’amour qu’on a trouvé sur place », insistent-ils.
Bon c’est pas tout ça, maintenant que vous avez glandé en lisant cette chronique, allez glaner près de chez vous. C’est la saison des pommes, des poires, et des courges !
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Raphaël Baldos. 26 octobre 2023
Depuis cet été, la rubrique « En transition » de Géraldine Berry, est passée entre les mains de Raphaël Baldos, journaliste membre de l’ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne splann! Un choix fait conjointement avec la Biocoop Les 7 épis, qui parraine la rubrique, dans l’intention d’aller voir un peu plus loin.
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