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Le Gouëfflec. Nouvel album « L’orage ». L’empire du sens

Depuis des mois, dans nos oreilles, il y a cet album d’Arnaud Le Gouëfflec, « L’orage », sorti le 15 mai, dont on écoute des petits bouts ici ou là, en se disant à chaque fois « Mais qu’est-ce que c’est bien ». 

La musique, pour nous, c’est pas là qu’on va vous en mettre plein la vue avec des décryptages techniques, des évocations de courants aux noms compliqués, des références à des artistes méconnus, un vocabulaire grondant et imagé à la manière des journalistes rock.

En revanche. On a des émotions. Et on peut les partager.

Et Le Gouëfflec, il nous en donne des émotions. D’abord parce que c’est un auteur. Un homme de mots. Ce gars-là se délecte des sens cachés, des double-sens, des sens-interdits. L’empire du sens.

Autant aller directement sur son site plutôt que recopier sa bio, à laquelle on vous conseille toutefois de ne pas vous limiter, car elle présente son univers sous un jour – une pénombre plutôt – (la liste des mots clefs sur son site est plutôt dark : alternative black metal, drone, experimental, french pop, indie rock, krautrock, poetry, post-rock poésie, étrange) qu’on trouve un peu réducteur. Certes, il y a des influences sombres, mais nous on voit ça plutôt lumineux, et tellement littéraire…

D’autant plus que musicalement, le climat fait pendant aux textes : on voyage, on s’envole, on tressaille, on tremble, on tressaute, on se tend, on embarque, on est porté. Une musique que nous, on ressent comme possible BO d’Adèle H (c’est notre période Truffaut) : ça souffle, il y a du vent, des landes et de la brume. Des instruments et des influences qui se mêlent : caisses claires de bagad, sons triturés, nappes électroniques, guitares rock – ah la la, Olivier Mellano, tes guitares, l’effet que ça me fait – un tempo lourd et grondant, impossible de rester de marbre.

Tout l’album est grand, beau, rock, puissant, littéraire, sensuel, attirant.

On ira même jusqu’à dire qu’on n’avait presque jamais entendu quelque chose d’aussi bon – même si on pense parfois à Miossec ou Dominique A – où les textes résonnent autant avec la musique, puisque Le Gouëfflec – un Brestois, mais oui – ne se contente pas d’écrire des chansons fabuleuses, il les habite, il les habille en perfecto, un blouson noir râpé et terriblement rock dans lequel elles sonnent et résonnent, à la fois par leur sens mais aussi leur son, qui viennent nous chercher : les mots charnels, physiques, leur musicalité, leur sens, et l’histoire qui se raconte. Les mots tombent et nous font frissonner comme un solo instrumental à la Jimi Hendrix.

Notre coup de cœur, il va au titre « Beau pêcheur » (à écouter ICI) : lascif, bourré de double-sens, on a pris la peine de le recopier pour partager la poésie et la beauté de son texte.

Isabelle Nivet. Septembre 2020

Ô Beau pêcheur, remets-moi dans la rivière
Beau pêcheur, tu m’as assez pêché

Ô Beau pêcheur, ton épuisette est fanée
Beau pêcheur, tu m’as épuisé

Tu t’es trop reposé, la cane au bord de l’eau
Mon prénom tu l’as oublié

Tu t’es trop regardé dans le miroir de l’eau
Par malheur tu t’es trouvé beau

Ô Beau pêcheur a éclusé la rivière
Beau pêcheur, ton cœur a(s)séché

Ô Beau pêcheur cache-toi dans ton filet
Beau pêcheur, à moi de pêcher

Jamais tu ne m’as vu, juste là sous ton nez
Tu ne vois rien tu n’entends plus

Jamais tu ne m’as vu, sauf lorsque j’étais nu
Dans l’escarcelle ou le casier

Ô Beau pêcheur Rejoins-moi dans la rivière
Beau pêcheur, tout est consommé

 

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