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Rencontre avec Guillaume Lambert.

Par Isabelle Nivet. 25 mai 2023

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L’été dernier, on avait découvert, au festival des Rias, un objet scénique étonnant, dont la singularité nous avait laissées sur le cul. Un cercle de bannières entre esprit médiéval et religieux, un récit entre intime et documentaire, un musicien comme un fantôme, la tombée de la nuit, l’humidité de la prairie, les arbres devenant mur sombre, à peine troué par les petites lumières de la scène, le public blotti dans des couvertures comme dans un nid…

 

Ce spectacle, c’est « L’île sans nom », de Guillaume Lambert, Compagnie « L’instant dissonant » (Rennes) et on a passé une petite heure en visio avec lui…

 

Le point de départ du projet, il est où ?
La réponse à un appel à projet de la DRAC, « L’atelier des ailleurs », proposant une résidence de création dans les Terres australes et antarctiques françaises. Un voyage de cinq mois, dont un de traversée, en direction de l’île Amsterdam. Un temps sur une base autonome, en compagnie de scientifiques, logisticiens, dans une réserve naturelle.

 

Comment on en arrive à envisager un projet comme celui-là ?
Au départ, j’ai une formation en sciences sociales et politiques… Et puis je suis rentré comme assistant à la dramaturgie et la documentation dans l’équipe de « Ça ira » de Joël Pommerat, que j’ai ensuite assisté à Arles dans son projet autour de la détention. A la suite, j’ai créé ma compagnie autour de l’écriture du récit, du rituel, avec un rapport au paysage très fort.

 

Comment s’est déroulée la phase d’écriture ?
Sur l’île, ça a été de la prise de notes. Comment raconter des histoires à partir du paysage, du vivant, de la disparition des espèces… J’ai travaillé avec les scientifiques, les assistant dans leurs taches quotidiennes comme la replantation, en écoutant leur récit : comment le traduire dans le mien, en y mêlant le conte, le mythe… Au retour j’ai commencé le travail de dramaturgie, la construction d’un fil narratif, scénarisé, le chapitrage du récit, puis la mise en scène, la musique : trouver mon langage artistique…

 

Le spectacle comporte trois temps, mais je n’ai pu en voir qu’un. Comment se compose-t’il ?
Comme un rituel, avec une première partie : le départ, avec un défilé des drapeaux, qui commence de jour, face à de grandes distances, très cinématographique, avec un jeu sur la profondeur et les éléments du paysage. La deuxième partie c’est le temps passé dans l’île : ça se passe au couchant, dans un dispositif circulaire, avec la ronde des étendards et des histoires, les noms de l’île, la toponymie, comme une galerie de personnages. C’est comme une veillée où on peut s’allonger et entrer dans des états de conscience différents. C’est là aussi qu’il y a des interactions avec le public, et l’activation de sensations comme le toucher, l’odorat… La troisième partie, à la nuit noire, c’est une déambulation avec des lumières, c’est le retour.

 

La partie textile est très forte, avec les bannières, comment est arrivée l’idée ?
Comment figurer des personnages invisibles ? Les bannières, d’inspiration héraldiques, figuraient des familles, des castes, des groupes. En Bretagne, lors des troménies, des pardons, ce sont les saints qui sont représentés. Je ne voulais pas utiliser de photos, plutôt faire appel à l’imagination, aux sensations. Aussi, les drapeaux prennent les reflets de la lumière, le vent. Pour la musique, c’est la même chose, c’est un personnage à part entière, qui me suit comme un miroir, comme un fantôme, le visage caché, comme venu d’un autre monde, comme un chamane du nord, tandis que moi, je joue des personnages, à partir de ce que j’ai vécu, mais aussi de la fiction. C’est du théâtre de récit, où je reste à la fois moi-même et en même temps je raconte. Je joue sur ce trouble.

 

A Pont-Scorff, comme partout, le spectacle se joue en extérieur. Comment les choix de lieux sont-ils faits ?
Les organisateurs font un premier choix, puis on fait des repérages ensemble, comme un casting ! Le paysage à un rôle à part entière. On crée les conditions d’une rencontre. On joue à la tombée de la nuit, avec un paysage changeant jusqu’à disparaître. Les écarts entre le lieu évoqué créent un décalage intéressant, entre réel et fiction…

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