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Débâcle. Lise Spit

Morgane Thomas. Mars 2020

Angèle, Arno, Stromae à la musique. Damiens, De France, Efira au cinéma. Mais hormis Nothomb, De Groot et Yourcenar, j’avoue, je reste dans une grande
ignorance du côté de la littérature belge.

La photographie de Frieke Janssens, sur la couverture de Débâcle, ne peut laisser de marbre. Une adorable petite blonde, aux vêtements vieux rose sur fond gris-vert, ferme les yeux. Son pendentif en forme de cœur semble complètement impuissant à protéger cette poupée, qui tient du bout des doigts une cigarette déjà presque consumée, qui manque à tout moment de « s’écendrer ».

Pour être un garçon dans un corps de fille, il faut faire ses preuves.

Mais le pire ne serait-il pas finalement d’être une fille dans un corps de fille? Ils ne sont que trois enfants à être nés, dans ce village, en 1988 : Laurens, le fils du boucher, Pim, le fils du fermier, et Eva la fille des alcooliques. Elle partage ses journées avec ses deux copains, mais, sous les jeux des chérubins, sont tapis en sous main, d’autres amusements qui n’ont rien d’innocent. L’enfance d’Eva est marquée par le Monopoly, la mort d’un ado et l’apparition de Windows 95. Ce
qui précède sa mère ce sont des relents d’alcool alors que son père trimballe après lui une vieille odeur de tabac froid. Un nœud coulant attend patiemment à la cave, que la dépression de la maison arrive à un certain aboutissement. Dans cette ambiance d’incurie, vivent aussi Jolan et Tessie : un grand frère acharné de sciences, une petite sœur décharnée, rongée par ses obsessions.

C’est dans les interstices que se nichent crasse et
vice, et dans tous les recoins que coule l’infamie.

Eva nous entraine dans son récit de manière enchevêtrée, elle revient aujourd’hui dans le village où elle a grandi, mais les souvenirs soudain se bousculent au rythme d’un été où sa vie bascule. Au début, elle nous perd tel Faulkner dans l’espace temps, mais rapidement les dates et les heures se font de plus en plus précises, tout comme un couteau qu’on aiguise. De même l’émotion des premiers chapitres est tout aussi déroutante qu’elle est complètement absente, et si l’on baigne dans une ambiance très pesante, ce n’est qu’à la fin du bouquin, qu’oppression et violence se précipitent, nous poussant délibérément vers des moments critiques. Suspendues à la luette, les phrases nous balancent jusqu’à l’écœurement. Ici, la nausée reste reine en ce palais.

Éditions Babel
564 pages
10,80 €

 

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