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Matthieu Bobin. Histoire d’un tournage

20 mars 2025. Isabelle Nivet

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Histoire d’un tournage

Matthieu et Nathalie Bobin sont Les Funambules. Une jolie petite galerie, juste en face de la halle aux poissons, à laquelle je pense que je rendais visite à chaque fois que j’allais à Vannes. J’avais fait un sujet il y a longtemps sur le travail de Matthieu, j’aimais aussi leur « tribu » d’artistes, choisis par Nathalie. J’avais souvent des coups de cœur sur le travail de Matthieu, en particulier pour ses fenêtres, à travers lesquelles j’aimais apercevoir ses silhouettes, dansant nonchalamment, un verre à la main, sous des boules de papier japonais mandarine.

Sans paroles, il ne s’agit d’ailleurs pas vraiment d’une histoire, mais davantage d’une série, une centaine de dessins et de toiles. Et le livre serait comme le catalogue d’une exposition qui n’a pas encore eu lieu. Dans l’atelier, toutes les images sont là, vivantes et encadrées. Le livre les résume, mais bien sûr, la réalité, la matière, le grain, parle plus haut, plus dense. « C’est l’équipe du film qui nous a poussés à faire le livre. Ils ont vécu quelque chose qui n’avait jamais été fait : la présence d’un artiste fixait leurs souvenirs »

 

« Embedded » sur le tournage du dernier film d’Anne Le Ny, « Dis-moi juste que tu m’aimes », tourné à Vannes, Matthieu s’est retrouvé observateur d’une équipe de cinéma installée chez lui :

« Le hasard. On a rencontré la personne qui s’occupait des repérages, qui a aimé notre maison. On a laissé les clefs à l’équipe pendant un mois ». Un mois pendant lequel le peintre n’a pas résisté à l’envie de se glisser dans sa maison, avec un appareil photo et un carnet de dessin. Pas comme un carnettiste, non, mais bien comme un peintre à la recherche de lumières, d’angles, de sujets d’inspiration : « Pour moi, ça a été l’opportunité de creuser un sujet, comme un voyage. J’ai fait beaucoup de croquis et de photos, mais j’ai principalement travaillé en atelier, après, le soir, pour garder l’émotion. Je n’allais pas forcément tout le temps là-bas. J’ai porté un regard de peintre sur le tournage. Un regard contemplatif, sans narration, sur le mouvement ».

Fasciné par les lumières crées par Laurent Dailland, célèbre directeur de la photographie (Place Vendôme, Le Goût des autres, Pars vite et reviens tard…), Matthieu choisit assez vite de reconstituer graphiquement ces tableaux créés par la lumière : « C’est vraiment son travail qui m’a nourri. J’avais envie d’être très fidèle aux lumières créées. Partout où on posait son regard sa lumière créait des tableaux : chaque photo rendait quelque chose ». Le reste, c’est bien la patte de Bobin que l’on retrouve, ses contrastes entre l’ombre et la lumière, ses silhouettes où ce sont plutôt les postures qui racontent une personne, davantage que les détails. Une peinture à la fois économe et très chargée en pigments. Sur la page des remerciements, on retrouve les noms de Felix Vallotton, sans surprise, ses noirs poreux qui créent une ombre dense ; le délicieux Henri Rivière qui a du si bien faire ressembler les côtes bretonnes au Japon ; le dessin précis de David Prudhomme et les magnifiques ambiances d’Emmanuel Guibert (promis, on ne va pas en profiter pour vous en faire l’apologie pour la 94e fois).

 

Si c’est le tournage plus que le film que l’on retrouve graphiquement, il y a aussi un effet de mix dans le résultat, dans le sens où souvent, ce ne sont pas les comédiens le sujet, mais les technicien·ne·s autour d’eux, dans une lumière destinée à d’autres qu’eux. On discerne des gens, tout le temps en groupe, souvent debout, actifs dans l’attente, attentifs à quelque chose en train de se faire, que l’on ne voit pas, nous. Des équipes, des silhouettes, fondues dans les halos de lumière créant les scènes, et l’obscurité tout autour. Surtout des micros, beaucoup de perches, pour le son. Et des bras tendus pour tenir les perches. C’est beau ces perches avec leur toupet de moumoute au bout, qui strient l’image. Et les projecteurs. Ces halos de lumière dans la nuit, ces perches tendues disent l’étrangeté de ce métier où tout un tas de gens se réunissent pour créer une idée de la réalité imaginée par d’autres. On sent vraiment bien ça dans ces images, et en même temps, quand on connait de travail de Bobin, c’est totalement lui, sa façon de restituer un regard de myope, flottant, attaché à l’ambiance plus qu’aux détails : « Je me suis parfois amusé à reconstruire des scènes, les composer moi-même à partir des lumières. » Pas de starisation. Ce que fait Matthieu n’est pas un reportage : « Je voulais être un témoin, pas un journaliste. C’est un travail d’auteur. Une inspiration. J’ai toujours travaillé avec des personnages inventés, là, je suis resté dans la silhouette, mais avec un souci de ressemblance »

 

  • Le livre (172 pages) est sorti le 27 janvier, édité à 500 exemplaires. Il est en vente à la Librairie A la ligne (Lorient), au Jardin des bulles et chez Cheminant (Vannes), et en ligne sur Ulule ICI
  • L’atelier de Matthieu Bobin est visitable sur rendez-vous.
  • Le film : « Dis-moi juste que tu m’aimes ». La bande annonce ICI.
  • www.lesfunambules.com
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