Nastasja Duthois. Le blob et le cyanotype
Par Isabelle Nivet. Juillet 2023
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Il y a l’univers. Il y a la terre. Il y a la France. Il y a la Bretagne. Il y a le Morbihan. Il y a Lorient. A Lorient il y a le jardin Chevassu. Dans les grands parcs romantiques, il y a plein de détours et de recoins qui laissent à penser que les lieux sont immenses. Mais au Jardin Chevassu non. Il y a plein de détours et de recoins mais derrière il n’y a rien. C’est tout petit mais c’est très joli. Comme un décor de théâtre. A la fois merveilleux et frustrant. Et romantique
Bâtie au milieu du jardin, il y a une maison, et dans la maison, deux ateliers, que la ville prête aux artistes, qui s’y succèdent au fil des années. Dans l’un de ces deux ateliers, des bocaux, des plantes, des branchages, des cercles à broder, des bobines de fil…
« Nasta », ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vue, longtemps qu’on ne vous en avait pas parlé. On l’avait rencontrée au moment où le collectif d’artistes Multi-prises, aujourd’hui dissout, infusait un art contemporain malin et pas prétentieux dans le Pays de Lorient. Nasta on la connait pour son emploi du fil et des aiguilles, chercheuse opiniâtre et adepte des expérimentations. Après une longue pause dans sa pratique, Nasta a repris le labo : « J’ai testé l’eau de javel et la broderie, mélangé du fil et des cheveux, intégré des images et des photographies dans du tissu, utilisé des techniques artisanales, une imprimante, essayé le transfert, et à force de chercher j’ai retrouvé le cyanotype, qui conserve la texture du tissu, contrairement au transfert qui écrase et lisse, puisqu’il demande d’utiliser un fer à repasser ».
> Broder des cheveux ?
Utilisé comme du fil, à l’unité, ou en cordon comme des dreads, le cheveu est arrivé dans l’univers de Nastasja tout autant via le sens que la forme : « Un travail sur la filiation, la féminité. J’ai une série en cours et je recherche des femmes reliées sur trois générations pour un travail avec leurs cheveux et leur image. ». Et c’est très beau, les cheveux brodés, ça fait sens, et surtout ça fait émotion.
> Le cyanotype ?
On mélange deux produits à base de fer, l’un photosensible, l’autre qui fixe l’image sur le papier en cuisant au soleil, sauf sur les parties cachées. Ainsi les plantes sont-elles idéales : posées sur un support, l’empreinte des feuilles ou des fleurs va apparaître comme par magie, en bleu pur : « Avec le cyanotype, on peut utiliser faire des découpes, dessiner des objets, et la teinte bleue unifie le tout »
> La rune ?
Nastasja Duthois signe ses œuvres d’une rune qui reprend ses initiales stylisées : « Le motif en forme de losange c’est la graine, et l’autre la création. Il y a une notion de fécondité »
> Et maintenant, le blob ?
En brodant d’or et de jaune les cyanotypes qu’elle réalise d’après des photos anciennes, Nasta s’inspire du blob, cet organisme unicellulaire jaune fluo qui fait le bonheur des salles de classe : « le blob fait le lien entre arbres et réseaux racinaires. Il est mystérieux et fascinant. On le laisse sécher, il se met en dormance et on le redémarre en lui fournissant obscurité et humidité… Pour l’instant, ma façon de dessiner le blob n’est pas réaliste, c’est plutôt une idée de colonisation ».
> Et le principe fonctionne plus que bien !
Le contraste, entre bleu du cyanotype et organismes tentaculaires dorés, crée une étrangeté, un mélange de culture et d’ambiance qui fait œuvre.
La technicité de la broderie, utilisée de manière contemporaine et presqu’abstraite, produit des objets singuliers et séduisants […]
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