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Géraldine en transition.

Aller plus haut. Le Réseau Solaris

Par Géraldine Berry. Juin 2022

réseau solaris sorties de secours

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Une rubrique soutenue par la Biocoop 7 épis

Il y a quelques temps, je vous parlais de low-tech, cet ensemble de technologies basse consommation qui permettent de consommer moins, et de réfléchir un peu plus à l’usage que nous faisons des machines. Une démarche technocritique, pour trouver le bon dosage du technologique dans nos vies. 

Déjà quand tu lis que les adeptes de low-tech renoncent au frigo, tu te dis qu’ils sont quand même un peu barrés. Mais ça c’était avant que je découvre le réseau Solaris. 

De Solaris, j’avais le vague souvenir d’un livre et d’un film qui m’avaient copieusement ennuyée. La science-fiction n’est pas mon truc, et il faut croire qu’à chaque fois que le mot Solaris est employé, il désigne quelque chose qui s’y apparente. Sauf que Solaris version 2021, ce n’est pas du cinéma mais l’idée de Frédéric Vidal, qui vit dans l’Aude. Difficile de présenter ce monsieur, pour vivre mieux, vivons sûrement cachés, en tous les cas les seules informations trouvées à son sujet sont justement la création du réseau Solaris à l’automne 2021.

Comment fera-t-on le jour où… ?
Comment fera-t-on le jour où les services publics ou privés ne seront plus en mesure de fonctionner ? Comment communiquerons-nous sans internet et électricité ? Comment trouverons-nous de l’entraide quand nos voitures ne rouleront plus ? Il est venu le temps de la solastalgie* et de l’effondrement ?  Science-fiction ? Ou pas.

Pénurie d’huile, de blé, de pétrole, de gaz, de matériaux de construction, de personnel soignant, de bras dans la restauration, de moutarde, d’eau… Le mot pénurie revient à toutes les sauces. On fait monter la mayo avec les économies d’énergie à réaliser et le dérèglement climatique : il semblerait que la fin d’un monde soit inexorable désormais. La science-fiction serait plutôt de considérer que la vie va continuer comme avant (du moins pour nous les Occidentaux plus ou moins nantis, car on peut déjà considérer que l’effondrement a commencé pour une bonne partie de l’humanité).

 

Penser à l’après
Frédéric Vidal le raconte : l’idée est venue comme ça. Celle d’un internet humain, vraiment low-tech pour le coup. Le réseau Solaris est un réseau qui repose sur la solidarité et la proximité. Dans ce chaos planétaire qui peut s’avérer stressant pour nombre d’entre nous (et nous reviendrons dans une prochaine chronique sur l’éco-anxiété, oui j’ai bagarré mais j’ai réussi à convaincre la rédac-chef de me laisser écrire à ce sujet) se ressent le besoin de se relier les uns aux autres concrètement, tout en se préparant mentalement individuellement à ce qui peut nous arriver dans des temps peut-être pas si lointains.

 

Les trois piliers du réseau
Le réseau Solaris se veut cette réponse. Le réseau repose sur trois piliers : créer un annuaire (papier) d’individus très local, regroupés en cellule. En cellule comme celle du corps humain, pas d’Alcatraz. Une cellule, c’est un village, un quartier, un canton. En adhérant au réseau Solaris, on donne ses coordonnées, ses compétences (je suis médecin, je sais faire pousser des carottes, je peux réparer un tracteur…), ses « possessions utiles au réseau » (j’ai trois vélos, une serre, une chambre libre à la maison…) et ainsi on constitue un carnet d’adresses pratiques. Cet annuaire est partagé par seulement trois coordinateurs (trois semblerait être le bon nombre pour qu’il y ait toujours quelqu’un qui réponde), l’annuaire étant confidentiel. En cas de souci, on appelle son coordinateur et il nous met en contact avec la bonne personne. Bien sûr, on se connait aussi au sein des cellules, en se regroupant régulièrement. Il ne s’agit évidemment pas d’une société secrète avec cooptation ! Tout le monde peut créer une cellule à son échelle, tout le monde peut adhérer gratuitement au réseau.

Les trois coordinateurs connaissent aussi les trois coordinateurs des cellules voisines, et c’est le second pilier. Un maillage partout, serré. Ainsi si les coordinateurs de la cellule à laquelle j’appartiens ne trouvent pas dans ma cellule locale une personne en mesure de m’aider, ils peuvent contacter les coordinateurs des cellules voisines qui eux-mêmes regarderont dans leur annuaire, et ainsi de suite… Les coordinateurs voisins se retrouvent régulièrement pour mieux se connaître. On parle bien d’un réseau In Real Life.

Et d’ailleurs, cette communication est le dernier pilier de Solaris : un réseau de communication indépendant. Parce que c’est bien joli mais si tout s’effondre, on n’aura pas forcément d’électricité pour recharger nos smartphones… Et c’est là qu’on redécouvre la technologie radio, la cibi (qui signifie Citizens Band d’ailleurs, ce n’est pas un hasard…) et le talkie-walkie. Ben oui mais comment on les charge ? Grâce à des kits solaires, Solaris ne vous abandonne pas comme ça, les tutos sont en ligne pour vous aider à jouer à Géo Trouvetou.

 

C’est quoi ce truc encore…
C’est vrai que raconté comme ça, c’est bizarre. Pas de chef, pas de hiérarchie, un réseau 100% horizontal, ouvert à tous. Une volonté de rompre l’isolement de celles et ceux qui se sentent seul·e·s dans le monde tel qu’il existe aujourd’hui. Un vrai partage : on n’est pas dans les SEL (système d’échange local) chez Solaris, tout est complètement gratuit et bénévole, sans troc. Du temps, des compétences, des terres, du matériel… ici on partage tout et on fait confiance aux gens qui annoncent avoir les compétences. Derrière tout cela, une idée forte et affirmée, celle de redonner à chacun·e sa souveraineté individuelle, à savoir que chacun·e soit seul·e responsable de ses actes. Et ce serait cette souveraineté individuelle qui ferait la force du collectif justement, un collectif dans lequel on entre de façon volontaire, loin de la société qui nous aliénerait, et nous volerait notre autonomie. Une injonction à s’émanciper individuellement et collectivement, comme le préconisaient des André Gorz ou des Ivan Illich.

 

Concrètement
Difficile aujourd’hui d’en dire plus sur ce tout jeune réseau et sur les personnes qui en font partie. Mais la curiosité est désormais titillée. Me voici donc dans le groupe Telegram (appli bien plus éthique que le WhatsApp de Meta-Facebook) Solaris Lorient. A l’heure où j’écris ces lignes, on devrait se rencontrer bientôt dans la vraie vie. A partir de là, je me ferai une véritable idée. Le réseau se développe à la vitesse grand V si l’on en croit les messages dans le canal Telegram de Solaris France qui compte environ 25 000 abonné·e·s : il y aurait 50 000 membres dans le réseau en France et 15 000 à l’étranger. La preuve que cela répond aux interrogations de nombre d’entre nous, et ça, ce n’est pas une simple fiction.

 

*synonyme d’éco-anxiété : mais on y reviendra bientôt !

 

Géraldine Berry. Juin 2022

IG @geraldineberry_lorient
Imparfaite, incomplète mais engagée, j’essaye de participer au jour le jour à une société plus verte, persuadée qu’une goutte d’eau dans la mer, c’est déjà ça.

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