• et un clic là

Géraldine en transition. Solastalgie ou éco-anxiété ?

 

Par Géraldine Berry. 28 Juillet 2022

PARTAGEZ

Une rubrique soutenue par la Biocoop 7 épis

« De grâce, de grâce, ne coupez pas mes fleurs… »

Photos ©les champs libres

Ahhhh, enfin… Voici le temps de la dernière chronique de la saison, juste avant la pause estivale. Ce moment où, ça y est, on se pose, on oublie tout, et à nous les vacances. C’était sans compter sur cette boule récente de plus en plus dense, grossissante, qui oppresse la poitrine, une sensation de lourdeur un peu désagréable. Ah mince, je crois que cet été, il va falloir que j’emmène dans mes valises mon éco-anxiété.

Discussion dominicale en famille :

Moi : Je dois écrire une chronique pour jeudi.

– Mon père : C’est sur quoi ?

Sur l’éco-anxiété.

L’éco quoi ?

L’éco-anxiété.

T’écris ça comment ?

Même après avoir épelé, il ne voyait pas.

M’enfin papa, tu penses à quoi quand tu entends é-c-o anxiété ?

Je ne sais pas ? L’anxiété liée à l’économie ?

Ok, bon, c’est donc un vrai sujet, où j’ai des chances de pouvoir apprendre quelques trucs à mes lecteur·rice·s.

En premier lieu, j’ai surmonté mon fou rire.

Ah ben oui papa, je suis super anxieuse de l’effondrement des taux d’intérêt des livrets d’épargne ou de ne pas pouvoir m’acheter un 4×4. T’as raison.

Lui de rétorquer :

Mais non, mais tu peux être anxieuse de manquer d’argent, de ne pas pouvoir nourrir tes enfants, ou de ne pas pouvoir rembourser ton prêt.

J’avais eu l’ironie un peu facile, car effectivement cette anxiété qui n’a pas (encore) de nom, ce ne sont ni plus ni moins les revendications des gilets jaunes. Comme quoi, il faut pouvoir surmonter les angoisses primaires de subvenir à nos besoins avant de pouvoir devenir éco-anxieux·se : un mal de riche, l’éco-anxiété ?

L’éco-anxiété est un concept plus si récent désormais, et tout simplement, selon le dictionnaire Robert, « l’anxiété provoquée par les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète. » C’est un mot créé en 1997 par Véronique Lapaige, enseignante-chercheuse canadienne et belge, constatant qu’individuellement ou collectivement, un nombre grandissant de personnes ressentaient un mal-être et souvent un besoin de se responsabiliser face au changement climatique et aux crises environnementales.

Eco-anxiété ou solastalgie ? Les deux mon capitaine !

On préfère parfois au mot éco-anxiété le terme de solastalgie. Il y a néanmoins une nuance entre les deux. Le concept de solastalgie a été créé en 2003 par le philosophe australien Glenn Albrecht. La solastalgie serait plutôt une forme de nostalgie, de mélancolie, qui nous envahit lorsque les champs de notre enfance sont désormais un Décathlon, lorsqu’il n’y a plus d’eau dans une rivière où nous avions l’habitude de nous baigner, lorsque les poissons ont fui, lorsque les oiseaux ne chantent plus. C’est le petit jardin de Jacques Dutronc au fond d’une cour à la Chaussée-d’Antin. L’éco-anxiété est plutôt tournée vers l’avenir, vers la fin du monde qu’on a connu, vers l’effondrement attendu. La fin des haricots. On peut donc très bien souffrir à la fois de solastalgie et d’éco-anxiété, c’est pas chouette ça ?

L’éco-anxiété n’est pas une maladie mentale mais bien une angoisse légitime. Selon Charline Schmerber, thérapeute spécialiste de la solastalgie : « Ces gens-là ne sont pas fous, au contraire, ils ont conscience que c’est le monde dans lequel ils vivent qui l’est. » Et ces “gens-là” sont de plus en plus nombreux.

En septembre 2021, une étude menée dans dix pays auprès de plus de 10 000 adolescent·e·s et jeunes adultes âgé·e·s de 16 à 25 ans a révélé que 84 % des répondant·e·s disaient être inquiet·e·s face à ce phénomène, et même 59 % très inquiet·e·s, et plus de la moitié se sentaient en colère, coupables ou impuissant·e·s.

Effectivement ce sont les jeunes qui sont les plus touché·e·s, puisque ce sont elles et eux qui vont avoir à vivre dans ce monde délabré. Ce sont donc eux qui ressentent aussi la plus grande colère devant l’inaction de leurs aîné·e·s qui ont les clés en main et qui n’ont rien fait depuis toutes ces années. Comme on en parlait plus haut, oui l’éco-anxiété est plutôt l’apanage des riches : après tout, ce sont elles et eux qui vont avoir le plus de changements à mettre en oeuvre dans leur vie. Parce que quand t’as jamais pris l’avion, ça ne te prive pas de ne plus le prendre.

Pour rappel, 47,6% des émissions de CO2 mondiales étaient émises par les 10% les plus riches de la planète en 2019. Pour autant, le monde change pour tout le monde, et aujourd’hui, pour certain·e·s déjà obligé·e·s de fuir leur pays en raison du réchauffement climatique, l’effondrement, il est déjà là.

D’après Théo Verdier, auteur d’une étude sur l’éco-anxiété pour la fondation Jean-Jaurès : « Plus le niveau de revenu augmente, plus on va être en mesure de se préoccuper du sujet climatique. La capacité à pouvoir à la fois agir, changer ses comportements et en même temps à s’en préoccuper est plus forte selon le niveau de revenu. C’est aussi vrai selon le parcours éducatif. Plus on est diplômé, plus on va être amené à prioriser des problématiques sur d’autres. »  Un vrai problème de riches donc : créé par les riches, et solutionnable par les riches.

Dans le concret
Ma rédac-chef va me dire : « Trop de bla-bla, je veux du pratique, je veux du concret, je veux de la solution ! Alors on dit quoi aux lecteur·rice·s éco-anxieux·se·s ? » Les remèdes à l’éco-anxiété sont multiples, tout comme les degrés ressentis de celle-ci. Dans les solutions donc, le psy, si vous commencez à avoir des symptômes physiques. Mais si cela vous semble encore “gérable”, il y a des choses plus simples à mettre en oeuvre. La même Charline Schmerber citée plus haut conseille de faire partie d’un collectif afin de trouver des personnes qui parlent le même langage, et ainsi se sentir moins seul·e, mais aussi à l’inverse, de faire partie de groupes où on fait autre chose, on pense à autre chose, pour retrouver légèreté et insouciance. De même, passer plus de temps dans la nature, abandonner les mauvaises nouvelles le temps d’aller mieux (ne plus écouter les infos par exemple), prendre conscience de ses propres limites sans culpabiliser, lâcher prise sans renoncer, et faire tous ces petits gestes, qui même s’ils ne servent fondamentalement à rien, donnent une impression d’agir. Bon et puis, ce qui est pris est pris, alors un petit geste, c’est toujours ça en terme de CO2. Sans compter que la passivité ne joue jamais positivement sur le moral. Donc changer de façon de se nourrir, de voyager, de consommer, tout ça, ben ça aide.

Alors, vous voulez savoir si vous êtes éco-anxieux·se ? Ça vaut ce que ça vaut mais on se sent moins seul·e en faisant le test (ils ont bien changé les tests des magazines féminins, finalement je préférais savoir si j’étais plus vergetures ou cellulite)

Bon ben de mon côté, sans surprise, la réponse est : « Il est temps de vous faire aider par un professionnel. » Je pense avoir quelques ressources en moi pour m’en sortir pour le moment sans consulter. Mais si vous voulez m’aider à me sentir mieux, s’il vous plait, merci de ne plus laver vos voitures en période de sécheresse. Passer devant L’éléphant bleu et voir les 4×4 en pleine thalassothérapie en cet été de canicule et d’incendies, c’est plus 10 points dans ma cagnotte éco-anxiété. Vous pouvez aussi boycotter la coupe du monde de foot au Qatar, ça me fera beaucoup de bien.

 

Géraldine Berry. Août 2022

IG @geraldineberry_lorient
Imparfaite, incomplète mais engagée, j’essaye de participer au jour le jour à une société plus verte, persuadée qu’une goutte d’eau dans la mer, c’est déjà ça.

POUR ALLER PLUS LOIN DANS CETTE THÉMATIQUE

 

x