ESSAI bandeau mag 2023

N° 360 - 8 juin 2023

article isa
Installation in situ. Oeuvre éphémère. Prendre place

Prendre place

Il y a comme ça des projets qui jouent avec de petites choses
 De l’humain – mĂȘme si l’humain c’est une grande chose. Des projets qui ne font pas beaucoup de bruit, mais qui font de l’effet Ă  ceux qui les traversent, les effleurent, les voient se dĂ©ployer. Viviane Rabaud et Tugdual de Bonviller font ce genre de projets dans des villes ou des quartiers. Souvent ils utilisent le fil, la laine, le ruban, pas comme une mĂ©taphore, non, mais pour se lier avec les gens, par l’intermĂ©diaire de pelotes, de pompons, de tissage. Le fil de la conversation devient un fil concret, qui se tend au moment de la rencontre.

Prendre place
C’est le nom du projet qui se fait Ă  Lorient, dans le quartier de Bois du chĂąteau, oĂč ce couple de plasticiens morbihannais a dĂ©barquĂ© un beau matin d’octobre, en poussant un mur, comme un voyageur sa malle. Sous le mur il y avait des roulettes, et 250 kilos, il fallait quand mĂȘme y aller, pour le faire avancer, mais petit Ă  petit, des gens sont venus les aider. Alors Viviane et Tug s’arrĂȘtaient, et ils demandaient : « Comment tu t’appelles ? ». Fabien, Sabrina, Gracia et les autres ont rĂ©pondu, ils ont racontĂ© leur histoire, ils ont Ă©crit leur nom sur le mur. « La question du prĂ©nom crĂ©e des discussions. Un des premiĂšres choses dites c’était : « C’est super, de parler de son prĂ©nom, on ne parle jamais de ça », et c’était parti ! ».
Cette arrivĂ©e d’artistes, en « rĂ©sidence de recherche et de crĂ©ation », a Ă©tĂ© voulue par la Direction de la culture de la Ville de Lorient : « On est lĂ  de maniĂšre libre, ce qui permet de laisser le contexte dĂ©cider de ce qui va faire avancer le travail. Le temps long (45 jours rĂ©partis sur un an) permet de revoir les gens, de crĂ©er un rĂ©seau informel ».

Faire Ɠuvre autrement
« C’est quelque chose qui se vit plus de l’intĂ©rieur que de l’extĂ©rieur. D’ailleurs ni les habitants ni nous ne parlons d’art ni d’Ɠuvres. C’est le moment qui se vit, puis se retranscrit et devient Ɠuvre quand c’est exposĂ© ». Des photos, des dessins, et des extraits de tĂ©moignages sont Ă  prĂ©sent affichĂ©s sur le gros cube blanc de l’espace Elsa Triolet, collĂ©s sur un fond qui redessine au bic la tapisserie d’un appartement du quartier « Le projet, c’est rendre sensible l’espace public, donner la parole Ă  des personnes qui ne l’ont pas, et mettre l’art dans la rue, Ă  des endroits oĂč on ne le voit jamais. Les gens viennent voir, et ça cause
 On part de l’individualitĂ© pour aller vers l’universalitĂ©. On parle de l’homme. »

Comment intensifier une rencontre
C’est le principe de ce couple qui fait de l’individu le cƓur de son travail. La prĂ©cieuse singularitĂ© de l’autre, son histoire et ses tourments, ses peurs et ses joies. La deuxiĂšme partie de la rĂ©sidence prĂ©voit la rĂ©apparition du mur, dans lequel une fenĂȘtre sera ouverte, pour chercher des rĂ©ponses Ă  la question « Qu’est-ce que tu vois de ta fenĂȘtre ? Qu’est-ce que tu sens, qu’est-ce que tu entends, qu’est-ce que tu aimerais voir ? ». En parallĂšle se fera un travail avec le textile : « On va utiliser du ruban de satin, que les gens enrouleront pendant qu’on discute ensemble. On joue avec les couleurs, les longueurs, pour faire comme une cotation de la conversation. Quand la parole passe Ă  quelqu’un d’autre, on coupe le fil et on met une Ă©tiquette avec l’heure et le nom de la personne
 »
Ainsi, l’on pourra dire que Marianne a parlĂ© 10 mĂštres de rose fuchsia, Mohammed 25 mĂštres de turquoise et ClĂ©ment deux mĂštres de jaune tournesol


ISABELLE NIVET POUR LA VILLE DE LORIENT


> Du 6 au 12 juin, 25 panneaux d’affichage municipal sont consacrĂ©s au projet, portant les tĂ©moignages d’habitants du quartier.
> Le site dédié : prendreplace.fr
coups coeur semaine

Ce week-end

an abhain

L'afterwork des studios

Une soirée pour découvrir deux groupes, An Abhain (photo) et 2 miles. C'est juste à la sortie du bureau, et c'est gratuit. Une biÚre, du son et des potes, le tour est joué.
> Ven 9 juin Ă  18h, Hydrophone, Lorient

Apéro-concert

MĂȘme principe que plus haut, la biĂšre mise Ă  part, avec Bako CombĂ©, musique africaine et Ă©lectro, on passe du contemplatif Ă  la danse effrĂ©nĂ©e. Et on peut dans la foulĂ©e aller boire un verre en terrasse Ă  LocmiquĂ©lic...
> Ven 9 juin Ă  19h30, MĂ©diathĂšque, Kervignac
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Théùtre

[Restitution atelier adultes - saison 22/23]
La promo 22/23 de l'atelier adultes présente "Cercles-Fictions", d'aprÚs la piÚce de Joël Pommerat. Une adaptation et mise en scÚne de Julien Chavrial.
> Samedi 10 juin à 16h et 19h. Le Studio, Grand théùtre, Lorient. Entrée libre sur réservation


🟡 Au passage, on en profite pour vous montrer la nouvelle identitĂ© visuelle du ThĂ©Ăątre de Lorient, qui a perdu son accent circonflexe, mais gagnĂ© une mouette... La crĂ©ation est signĂ©e du studio Cosmogama, qui rĂ©alise pas mal de graphisme pour des structures culturelles, comme la ComĂ©die de BĂ©thune, Le Monfort, ou Le ThĂ©Ăątre du Peuple, Ă  Bussang, prĂ©cĂ©dent poste du nouveau directeur du ThĂ©Ăątre de Lorient, Simon DelĂ©tang.
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Les Muts font leur cinéma

Quatorze meufs qui chantent des chansons extraites de films connus ou moins. Les Muts font leur cinéma, sur les images du Lauréat, Good morning Vietnam ou La Cité de la peur...
> Jeudi 8 juin Ă  19h30, L'Entrepote, Lorient. Gratuit.
Photomatron

Les 25 ans du Strapontin

Les fĂȘtes du Strapontin sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©ussies, conviviales et dansantes.
Nous on aime bien. On vous file le programme ?

‱ De 16h Ă  18h : visites dĂ©calĂ©es du thĂ©Ăątre et ses coulisses par Erwan David, cie Le Grand Tout.
‱ 18h30 : Danse avec Tsef Zon(e) de la compagnie C'hoari (On ne vous refait plus l’article, hin ?)
‱ À partir de 20h : KaraokĂ© de marionnettes + boum avec Lucie Hanoy de la Big Up Compagnie, alias Dj Lulu Knet, ambianceuse folle de soirĂ©es.
‱ Le dessinateur de BD lorientais Florent Grouazel (sĂ©rie RĂ©volution) croquera le portrait des visiteurs dans son Photomatron, pour repartir avec un petit souvenir.
‱ Chapiteaux, food-trucks et bar, animations surprises

> Sam 10 juin. Parvis du Strapontin, Pont-Scorff. Gratuit. Résa vivement conseillée(jauge limitée).
livr

Livr'Ă  Vannes

Le grand rendez-vous des livres et des auteurs à Vannes, pendant trois jours, avec un programme long comme le bras. On vous laisse faire votre marché ICI
> Ven 9 juin de 14h Ă  19h, sam 10 juin de 9h30 Ă  19h, dim 11 juin de 9h30 Ă  17h30, Vannes
agenda
ON SAUTE DANS LA twingo
banksy-modeste-collection

Waou Waou !

300 oeuvres de Banksy à découvrir à Brest, aux Capuçins, du 10 au 25 juin !
Ouverture de 11h à 19h. Nocturnes les samedis 10 et 24 juin jusqu’à 22h.
En savoir +
nomadanse

Festival Nomadanse

Tout le long du canal de Nantes à Brest, un programme de danse à ne pas manquer. Organisé par "Danse à tous les étages", le calendrier est bien foutu, on vous laisse le consulter ICI
> Du 1er au 18 juin, Baud, Brest, Rennes, Carhaix...
joie et docilité

Avec joie et docilité. Johanna Sinisalo

LA CHRONIQUE LIVRES DE MORGANE THOMAS

Il y a plusieurs maniĂšres de tuer la femme. La premiĂšre serait de la faire disparaitre, la seconde serait de l’annihiler. Une sociĂ©tĂ© entiĂšre pourrait mĂȘme envisager une solution : celle de laisser penser aux femmes qu’elle ne reprĂ©sentent, au sein de la communautĂ©, qu’un objet qu’on pourrait utiliser ou jeter. Cet Ă©tat pourrait Ă©dicter des lois, crĂ©er des institutions qui auraient pour mission d’abĂȘtir la gent fĂ©minine. Ainsi deviendrait-elle docilement une simple image de teint sans fond. Ce monde de non tolĂ©rance se nicherait jusqu’à priver toute demoiselle de son prĂ©nom. On leur interdirait la lettre « R » comme suffocation supplĂ©mentaire.


Vera, renommĂ©e Vanna, se cale un peu de came dans le vagin pour ne pas se laisser engloutir par la Cave. La Cave est l’endroit oĂč elle peut sombrer Ă  tout moment lorsqu’elle pense Ă  sa soeur disparue. La Cave serait une vue de l’esprit qui la dĂ©vore goulĂ»ment. Un lieu oĂč sa souffrance se couvre d’une bile noire. Le piment aussi illĂ©gal que puissant la repĂȘche dans ce puits sans fond. La drogue ainsi prise vient draguer ses idĂ©es envasĂ©es ; elle parvient Ă  sauver un temps la quintessence de son Ăąme liquĂ©fiĂ©e.


La RĂ©publique de Finlande aurait dĂ©finitivement virĂ© de bord dans le courant du XXe siĂšcle pour laisser dans son sillage une modification de l’espĂšce. Les thĂ©ories hygiĂ©nistes s’offrent une large place, l’on y prĂŽne la stĂ©rilisation des dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es. Un Ă©tat qui considĂšre que ses Ăąmes ne savent pas rĂ©ellement ce qui est bon pour leur santĂ©. Un Ă©tat oĂč l’alcool, le tabac, et autres addictions comme les tĂ©lĂ©phones portables ont complĂštement disparu. Seul le sexe est Ă©rigĂ© comme l’étendard de la renaissance d’un monde nouveau.


La domestication de la femme est ainsi validĂ©e par de nouvelles lois sociales et l’histoire est rĂ©interprĂ©tĂ©e. Des comptines aux bĂ©bĂ©s sont fredonnĂ©es, des QCM d’amĂ©nitĂ© aux fillettes sont posĂ©s avant d’intĂ©grer le lycĂ©e mĂ©nager et de recevoir un ordre d’incorporation sur le marchĂ© de l’accouplement
 Dans cet univers dystopique, il semble difficile de prĂ©server une libertĂ© de penser, pourtant dans la discrĂ©tion d’un bruissement sourd se soulĂšve la rĂ©sistance. La puissance du piment saisissant dans un premier temps le bout de la langue, c’est un roman qui s’engloutit pourtant avec une certaine voracitĂ©.

PS : Quelques clins d’oeil Ă  la SF, se sont immiscĂ©s entre ces feuilles


Johana Sinisalo : écrivaine et scénariste finlandaise, a été reconnue dans son pays en 2000 pour son roman "Jamais avant le coucher du soleil" (paru chez Actes Sud en 2003). Elle écrit des scénarios pour la radio et la TV, mais aussi pour la BD. "Avec joie et docilité" est son 7e roman, il a reçu le prix Prometheus en 2017.

Editions Babel, 365 pages, 9,40 €

RAPHael baldos sorties de secours

Sorties de secours et la Biocoop continuent leur partenariat avec l'objectif de parler environnement et solutions pour une planÚte qui prend son futur en main. AprÚs 3 ans en compagnie de Géraldine Berry, blogueuse engagée, c'est Raphaël Baldos, journaliste spécialisé en environnement et développement durable - et membre du collectif de journalistes d'investigations splann ! - qui prend le relais dans nos colonnes avec un angle journalisme de solution.

On le retrouve le 15 juin dans nos colonnes avec un premier article sur l'association "La courte Ă©chelle".

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