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N° 223 - SEMAINE DU 27 AOÛT AU 2 SEPTEMBRE 2020

photo bruno martins
Parmi nos lecteurs, certains nous ont écrit pour nous signaler qu'ils ne recevaient plus le magazine. Branle bas de combat, vérification des journaux d'envois, de la base d'abonnés, rien. Tout était normal. Appel à notre prestataire informatique, rien de son côté. Parmi les hypothèses avancées, peut-être des filtres anti spams trop rigoureux chez vous, des barrières de sécurité pointues, ou... Ou bien, dans les objets que nous écrivons avec un style Stendhalien (n'ayons pas peur des références) depuis quelques mois, peut-être un peu trop d'accents, de trémas et caetera...

Alors à partir aujourd'hui, on va tester des objets sans accents ni cédille ou guillemets.
Pour nous qui démarrons systématiquement par "où", ça commence bien.

Dans ce numéro, on parle de quoi ?

  • Tsef Zon(e). Un spectacle de la compagnie C'hoari, à voir à l'Abbaye Saint-Maurice
  • Découverte. F4ST LABEL, électro pop folk
  • Arts de rue. La beauté du monde, par Qualité street
  • Le dessin de Dominique Richard : Le moulin Saint-Yves, à Pont-Scorff
  • Géraldine en transition. Dépasser c'est dépassé

"Tsef Zon(e)". On l'a vu, vous allez adorer. C'est de la danse

Compagnie Choari Tsef zone
Cet été on a assisté à beaucoup moins de spectacles qu’à l’accoutumée, mais parmi eux, il y en avait un qui a fait boum : « Tsef Zon(e) », de la compagnie C’hoari. Ce duo nous avait accroché l’œil, une photo ici, un bout de vidéo là, on avait croisé Pauline Sonnic, jeune danseuse lorientaise, dans un studio de répétition ici, au festival de Kerhervy là, et on a découvert sa binôme, Nolwenn Ferry, qu’elle a rencontré lors de sa formation au CNDC d’Angers. Le CNDC étant un centre national de danse contemporaine.

Et là on a pris une bonne claque. Une claque de fraîcheur, une claque d’énergie, une claque de créativité, de culot, d’envie, de nouveauté, de travail, de sens, de justesse, d’écriture, de complicité, d’alignement. Et ça faisait longtemps, en danse, qu’on avait pas vu une identité aussi définie qu’ici, dans une jeune compagnie. Sonnic et Ferry se sont trouvées, et bien trouvées, comme les deux moitiés d’une même orange : à la fois semblables et différentes, leurs visages, leurs corps, leurs énergies, leurs cheveux même, se répondent sans se recopier. C’est comme ça, mais pas seulement. Parce que les deux danseuses ont visiblement senti tout de suite que ce serait leur atout, mais qu’il fallait le transformer, en jouer, et ce travail de différenciation subtile dans une écriture commune est l’un des choses les plus réussies de leur duo. Habillées dans des vêtements qu’on sent mûrement choisis par elles, des couleurs et un style habités créent des personnages inédits, et pourtant simplissimes : un kilt, des bretelles, des godillots, les voilà prêtes à marteler le bitume, affichant clairement une appétence pour la rue. Et ça bien sûr ça nous plait, ce sans chichis, cette vraie connexion avec la ville, ce côté brut, sans décor, sans lumière, juste les corps.

L’air de rien, dans les marches, bonds, sursauts, souffles et transes inspirés de la danse bretonne, elles incarnent une modernité urbaine, soutenues par la tradition et le passé. Pas question d’appeler ce qu’elles font « réinvention », non, c’est de la danse contemporaine, faite par des filles qui connaissent bien l’an dro et la gavotte, mais aussi les temps et rythmes, qu’elles emballent à leur sauce, dans une énergie retenue, très dense, sur elles. Une écriture au millimètre, qui éclate et séduit, comme un retour aux fondamentaux de la danse après des générations d’improvisateurs dont on commence à se lasser un peu. Ces filles tiennent leur propos et leur fil comme les rênes d’un cheval à Saumur. Une danse comme une variation de Bach, une danse comme une écriture littéraire, faite de répétitions et de respirations. Et c’est pas tout. Même si le truc fait partie des premières choses que l’on apprend en danse contemporaine, quand même, il est là, il est tendu à bloc comme un fil entre elles – en breton, « c’hoari », ça veut dire « jeu » - c’est le regard, droit, planté, connecté avec confiance, s’accrochant entre elles comme entre deux trapézistes, c’est beau, c’est vrai, c’est sincère, et ouaip, on a assisté à un truc, une naissance, on l’espère, d’une compagnie qui ira loin.

Isabelle Nivet. Août 2020

> Dimanche 30 août à l'Abbaye de Saint-Maurice, Clohars-Carnoët
Panique au plateau

Découverte. F4ST Label. Electro pop folk

F4ST
On aime bien découvrir des trucs vraiment nouveaux, et là, juste après le confinement, voilà que nous est arrivé un lien bien accrocheur. Un album autoproduit par trois ptit·e·s breton·ne·s – un collectif, disent-ils, et pas un groupe - qui fait roudoudou(x) dans l’oreille. Une meuf et deux gars, pas bien vieux, dont la chouette Juliette, qu’on entend chanter de ci de là de l’autre côté de Lorient, blonde ultraradienne à la voix joliment rauque et aux intonations boudeuses, qui s’habille ici d’un pseudo mi-gnon mi-pop : Poissontendresse. A ses côtés deux musiciens de Locmiquélic, ces trois-là font de la musique depuis le collège, Jules Petit et Juliette Thomas traficotent de la folk en duo guitare voix et Hector Choisnel vient glisser sa patte électro pop – voire techno, dans ce fruit jusque-là un peu sage, créant une identité vraiment gourmande, sucré-salée, sucre candy beaucoup moins candide qu’il n’y parait, avec des textes parfois empreints d’une tristesse désabusée. C’est donc vraiment joli et tenu, cérébral et langoureux, nous on a une franche et très nette préférence pour les chansons en français, où le phrasé de Juliette prend son envol et sa couleur, devient elle et pas un poisson clone. Juliette fait ses études à Paris, Jules à Marseille et Hector à Avignon, chacun enregistre de son côté, et le tout est mixé ensuite, et voilà un album à écouter ICI. (Nous on a eu un crush sur le titre « Vraie maison »)

arts de rue

Qualité street. La beauté du monde
La beauté du monde. Qualité street


La compagnie Qualité street, on vous en a déjà parlé. Deux spectacles culte, fleurons des festivals d’art de rue : « Les champions du bien », en 1999, qui a tourné dix-huit ans avec notre hilarant héros fétiche « Boule de poils », et « La fleur au fusil », en 2004, treize ans de tournée et un public qui ne s’en lasse pas. Arrivée en Morbihan cette année, la compagnie s’est recentrée sur son auteur, Gildas Puget, qui joue deux spectacles qui tournent eux aussi beaucoup, « La lumière de nos rêves » et « La beauté du monde », qui mettent en scène des personnages fantasques et délirants. C’est ce dernier qui sera donné ce soir à Hennebont, l’occasion de faire enfin connaissance avec la compagnie : "Il a d'importantes révélations à vous faire. Il va bouleverser votre conscience du monde. Personne ne se rappelle de rien. Il se rappelle de tout."

agenda

le dessin de la semaine

Dominique Richard. Moulin Saint-Yves
Le moulin Saint-Yves, à Pont-Scorff, croqué par Dominique Richard

Géraldine en transition

pierre noire
"Pierre noire, pierre blanche". Photo ©Géraldine Berry

Dépasser, c'est dépassé

Ce 22 août 2020, j’étais tranquille, j’étais peinarde, accoudée au comptoir, le masque posé à côté de ma bière bio, locale, artisanale, à savourer mes vacances, elles aussi - Covid oblige - locales. L’info est tombée, venant troubler ma torpeur estivale. Cette date à marquer d’une pierre noire est celle du dépassement 2020 de la terre. Impossible de tout oublier, même sous le soleil de Sauzon.

Le « jour du dépassement de la terre » est ce moment de l’année où la pression humaine sur la planète n’est plus compensée par le pouvoir auto-régénérant de la terre. En gros, on a consommé toutes nos ressources pour l’année, on commence à être dans le rouge.

Pour bien comprendre, la terre produit des ressources. Exemple : les arbres poussent. Mais on les coupe plus vite qu'ils ne poussent. Autre exemple : les plantes absorbent naturellement le CO2, mais nous les humain·e·s, on en produit plus que les plantes ne peuvent absorber. Donc il est rejeté dans l'atmosphère et c'est le réchauffement climatique.

Quand ta rédac-chef n’a toujours pas l’air de comprendre, tu commences à prendre des exemples vraiment concréto-pratiques : « Imagine, Isabelle, tu as 1 litre d'eau à boire pour ta journée de 24 h. A midi tu as déjà bu ta bouteille, enfin ta gourde, de 1 litre. Bon ben il te faudrait le contenu de 2 gourdes pour tenir ta journée quoi. Et bien tu prends dans ta réserve de demain parce que tu as encore soif entre midi et minuit. Au bout du compte, tu mourras assoiffée parce que tu n'auras plus de stock à un moment donné, et tu tiendras 10 ans au lieu de 20… ».

Piocher dans ses réserves, c’est ce que fait l’humanité à la planète depuis quelque temps* et cette empreinte écologique est un indicateur parlant, visuel, pour comprendre les conséquences de notre présence terrestre. Cette empreinte est calculée chaque année par l’ONG Global Footprint Network en s’appuyant sur trois millions de données statistiques venant de 200 pays.

Alors on apprend quoi ? Et bien se dire qu’au mois d’août, on est déjà dans le dépassement, ça fait un peu flipper parce qu’on n’a pas encore rallumé le chauffage. En 2019, le jour de dépassement était le 29 juillet et il nous fallait 1,75 terre à l’échelle mondiale pour assumer notre consommation (avec des disparités nationales). Le jour du dépassement du Qatar était le 22 février, celui de l’Indonésie le 18 décembre. Nous, Français·e·s, on utilise 2,7 terres. Gloups. Moins pire que les Américain·e·s (5 terres) ou que les Allemand·e·s (3 terres) certes mais bien pire que les Chinois·e·s (2,2 terres)…

Si vous avez été des lecteur·rice·s attentif·ve·s, vous aurez remarqué qu’en 2020, le jour du dépassement a reculé par rapport à 2019. Enfin une bonne nouvelle ! Ce recul a l’avantage de nous montrer que c’est réversible. Alors, que s’est-il passé en 2020 qui a pu faire reculer notre impact ? Une prise de conscience écologique, de l’action politique ? Non, un « accident » qui a rendu cette année inédite, un virus qui a permis notamment la diminution de la récolte de bois et des émissions de CO2 provenant de la combustion fossile. Il y a donc fort à parier que, sans préméditation, ce retournement de situation n’est que provisoire. N’empêche que maintenant, on sait que c’est possible. Et si ça changeait tout ?

Ce que je retiens.
On a tendance à « regarder ailleurs ». Couper l’eau en se lavant les dents et avoir une gourde, c’est bien. Mais notre petit week-end à Porto, il fait mal à notre empreinte.

Le bon outil.
Le calculateur d’empreinte carbone de Global Footprint Network
En changeant les données, on voit apparaître les endroits où on pêche. Par exemple, avec ma vie en immeuble, mon électricité verte, mon alimentation bio mais pas toujours locale, le peu de kilomètres en voiture (Diesel) que je parcoure par semaine et une moyenne de 8 heures d’avion par an entre autres données, je consomme 1,4 planète. J’enlève l’avion, et me voilà à 1,2 planète. Ça marche aussi pour le shopping, l’électronique, la consommation de viande… À chacun·e de trouver son point faible et de voir où il·elle peut s’améliorer.

* Le jour du dépassement de mon année de naissance était le 12 novembre. C’est dire à quel point ça va vite ;-).

Parce que la coopérative Biocoop Les 7 épis est une entreprise engagée et militante, elle qui finance cette chronique et nous permet d'offrir une rubrique orientée solutions, dans l'objectif de donner des clefs pour agir...

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