• et un clic là

Muriel Bordier. Photo

RENCONTRE. 8 MARS 2018

Espaces muséaux

Notre préférée. Bien sûr. Parce qu’on ne fait pas mieux que les autres, on adore les nouveaux musées. On part en vacances pour ça. Un week-end à Bâle, une semaine à Bilbao, trois jours à Marseille, un saut à Metz, une escapade à Lille, mais oui, Roubaix, surtout. Comme tout le monde on s’extasie sur ces espaces, ces lignes, ces courbes, et la vue… Les reflets. Les ombres. Les lumières. Et l’attention portée aux détails. Et les pictos ? La signalétique ! Le res-tau-rant ! La terrasse… Mais cette rénovation, la refonte des espaces ! Et la librairie, c’est carrément l’hallu. Les expos ? Ah. L’expo temporaire était terminée. Ou pas commencée. Muriel Bordier semble avoir vécu tout ça. Elle en fait des photos, brocardant avec humour les commissaires d’exposition en proie aux affres de l’accrochage, les visiteurs quasiment seuls, les vues sublimes qui comptent plus que les œuvres accrochées, dans des mises en scènes fines, qui ne sont pas sans rappeler les dessins de Voutch, de Sempé, ou encore les piques que lance Jean-Philippe Delhomme à l’art contemporain. Ces architectures absurdes et magnifiques, elle les construit elle-même, en fragiles maquettes de carton-plume, ou en modélisation 3D. Elle pense ses saynètes, et photographie ses modèles sur fond blanc avant de les incruster dans une mise en scène de démiurge facétieux. « Je suis toujours menée par l’idiotie, le non sens, les grosses machineries où l’homme est face à un système qu’il a créé et qu’il subit. Les décors changent mais il y a toujours une aberration ».

Open Space

On rigole moins. Si les deux autres séries sont blanches, Open Space est noire, très noire. La Défense. Plateaux de bureaux absurdement démesurés, des salles de réunion qui pourraient abriter 1000 personnes pour dix pelés, des enfilades de tables et de chaises. On pense à Trepalium, la série d’Arte, à Metropolis de Fritz Lang, à Brazil, de Terry Gilliam, mais heureusement, Bordier nous rajoute toujours un type qui a l’air de se demander ce qu’il fout là, une plante verte à la main. N’empêche, c’est pas drôle. Ou plutôt c’est très drôle, même si tout ça renvoie bien sûr à la deshumanisation du monde du travail, et à son absurdité.

Les Thermes

Plouf. La plus rigolote, et la moins « chargée » de sens, mais aussi la plus esthétique. Des espaces comme des aérogares futuristes, absolument blancs, et partout de petits personnages qui font penser – mais oui ! – à la pub Kodak de Mondino, et là encore à des wagons de films de SF, à commencer par 2001, l’odyssée de l’espace, à Oblivion, semi-nanar à l’esthétique parfaite et
immaculée avec Tom Cruise, à Bienvenue à Gataca, au Meilleur des mondes, à Wall-E…. Des piscines sans eau, des plongeoirs au ras du plafond, des cohortes de baigneurs suspendus sur des rails, c’est un régal de se perdre dans l’examen minutieux de ces photos et de découvrir les surprises qu’y sèment la photographe, dans un gigantesque «Let’s find Momo».

ISABELLE NIVET
Avril 2018

 

x