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Cédric Wachthausen. L’appel du lièvre

Il a choisi d’angler sa sélection à partir d’une rencontre. Sur la route des baleines, le long du Saint-Laurent, dans le Nord-Est canadien, Cédric roule dans un pick-up qu’on lui a prêté pour trois semaines. Il s’arrête, monte son campement pour la nuit. Se lève au matin, avale une tasse de café, démonte sa tente. Se fige. Un lièvre est là, aussi immobile que lui : « Mon matos était
encore dans la tente. En plus je travaille à l’argentique, il n’y avait aucune chance que j’ai le temps de prendre la photo ». Il laisse tomber, profite juste de l’instant. Mais l’animal tient la pose.
Cédric se contorsionne, finit par attraper son boitier, shoote. Il attrape la détente des pattes arrière, le corps tendu vers le trou entre les arbres, la fuite. C’est presque mieux. Cette disparition sonne le début de la solitude, le dernier être vivant apparu avant l’histoire qui va se raconter entre l’homme et la nature, dans une série de photos extraites d’une autre grande série «Loin d’ici », qui date de 2010. « Cette sélection, je l’ai composée comme une histoire différente, avec le collectif In Visu, dont je fais partie. J’avais énormément de photos de routes et finalement j’ai gardé l’à côté, les torrents, les pierres, les arbres, la nature sauvage, dense, opaque, brute, violente ». Cette connexion avec la nature, elle vient chercher le spectateur, presqu’à se sentir aspergé de l’eau des cascades, à vérifier ses pieds trempés, à renifler l’humus, les feuilles pourrissantes, l’âcreté des écorces. Wachtausen l’explique par la « relation entre le visiteur et la photo, que je travaille beaucoup. Mon travail est introspectif, j’essaye de faire partager un sentiment ». Ces sensations de voyage nous impactent directement « Je me suis fait hypnotiser par la route. J’étais dans un état un peu second. Ces photos sont issues de ça, de cet état d’hypersensibilité. J’ai joué sur la narration, avec une histoire que je me fais d’après des sensations. Ce n’est pas un documentaire, c’est une collection de sensations, comme des galets. Pour recomposer cette histoire, il a fallu que je revienne sur la personne que j’étais au moment où j’ai pris ces photos ».

Le CV de CW

Originaire de Vannes, Wachthausen a bourlingué à l’étranger, gagnant sa vie en faisant de la photo et de la cuisine. En 2008 il rentre en France et devient photographe pour Le mensuel du golfe. Aujourd’hui indépendant, il travaille avec des festivals, monte des expos, s’épanouit dans la transmission auprès de publics atypiques (détenus, boxers, sans papiers…), et fait partie du comité artistique qui gère la Galerie Les Bigotes, à Vannes.

ISABELLE NIVET
Mai 2017

 

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