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Echappées photographiques bretonnes. Le choc des regards

Photo © Yvon Kervinio Kervinio – Pardon de Kerroc’h en Ploemeur – 1988

Faites l’expérience : demandez autour de vous le nom d’un photographe de la Bretagne. Neuf personnes sur dix citeront Michel Thersiquel, non seulement parce que son fonds regroupe plus de 70000 photos, mais aussi parce que de nombreuses expositions lui ont été consacrées pendant des années. Pourtant, des photographes du quotidien en Bretagne, il en existe bien d’autres, et notamment deux hommes, que « Le carton voyageur » a choisi de mettre en avant dans une exposition baptisée « Echappées photographiques bretonnes », Yvon Kervinio et Jean Eveno.

Deux parcours qui se tissent comme les trajectoires hélicoïdales d’une spirale ADN, se répondant, se complétant, avec en point commun un regard amoureux sur les autres. Un regard sur les gens du quotidien, de la rue, des fêtes populaires, la ruralité : des instantanés de vie. Une bienveillance, pour employer ce mot à la mode, qui prend ici tout son sens. L’un comme l’autre ancré dans cette vie de tous les jours, dans les regards d’hommes et de femmes qui sont offerts à leurs objectifs, évident que ces deux-là savaient non pas se faire oublier, mais mieux encore, qu’ils appartenaient aux communautés qu’ils ont photographiées. La complicité, le lien, la tendresse, l’amitié, se lisent dans les regards de leurs « sujets », stupéfiants de confiance, bouleversant le visiteur, comme s’ils s’adressaient directement à lui.

Ces regards croisés se répondent dans l’exposition, qui place côte à côte des sujets communs, des correspondances dans la « couverture » d’évènements du quotidien dans les villes et villages de la Bretagne des années 60 à 80, une époque pas si lointaine, que l’on a moins l’habitude de voir en photo, qui fait écho aux souvenirs d’enfance de certain.e.s, mais qui, pour Christelle Lamour, directrice du lieu montrent aussi « des changements, sur la place de la femme dans la société, dans le monde animal, dans l’ancrage de la religion, mais aussi sur le droit à l’image : aujourd’hui, on ne pourrait plus prendre des photos des gens comme ça ».

Ces croisements, pourtant, jamais ils n’ont eu lieu dans leur vie. Yvon Kervinio et Jean Eveno ne se connaissaient pas, même s’ils ont parfois été au même moment au même endroit. Le second, à partir des années 60, était correspondant local de presse pour L’Ouest-Eclair, ancêtre de Ouest-France, et avait un studio photo dans la ville de Baud : à son actif plus de 10000 photos, évoluant au fil du temps du simple témoignage à un travail de photoreporter et de portraitiste sensible. Sa vision du quotidien, est aujourd’hui à la fois documentaire, ethnologique, sociale, mais aussi artistique, par son instinct du moment où déclencher, de la capture des regards, et de l’humanité qui se dégage d’une scène.

Yvon Kervinio, lui, a un tout autre parcours. Morbihannais lui aussi, prof de lettres et d’histoire-géo, la photo est son hobby. Mais un loisir dévorant, puisqu’il a sillonné toute la Bretagne à partir des années 70, pour en faire un l’inventaire. Des milliers de clichés du quotidien, faits à la fois avec le désir de montrer les lieux, mais aussi les gens, comme des mini reportages. Christelle Lamour pointe la singularité dans cette démarche : « Au début du 20e siècle, les éditeurs ont eu à cœur dans leurs cartes postales de représenter tous les bourgs. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. L’association créée par Yvon Kervinio, « L’aventure carto » dans les années 70, a produit un fonds exceptionnel, de 1800 images de la Bretagne, dont nous sommes aujourd’hui dépositaires. Ces photos ont été éditées en cartes postales, tirées à quelques centaines d’exemplaires ». Peut-être un peu plus classique dans sa photographie, Kervinio approche le reportage sans doute davantage comme une trace historique alors qu’Eveno, par son ancrage dans la presse, se colle davantage à l’actualité. A eux deux, il nous ouvre une fenêtre sur la vie de nos parents, nos grand-parents…

Isabelle Nivet pour Le Carton Voyageur, octobre 2021

 

> Si vous êtes déjà allé au Carton Voyageur, vous pouvez y revenir sans crainte d’une redite, le parcours permanent est mis à jour chaque année.

> Si vous n’y êtes jamais allé, vous découvrirez un bâtiment contemporain d’une architecture séduisante, une muséographie maline et créative, et un fond de cartes postales passionnant.

> Jusqu’au 20 mars 2022, du mardi au dimanche de 14h à 18h.  Baud est à une trentaine de minutes de Lorient et de Vannes par la voie express.

Témoignages : nous publions sur notre site plusieurs photos sur lesquelles le Carton Voyageur serait preneur d’informations. Si vous connaissez, reconnaissez quelqu’un, ou avez des anecdotes sur les lieux photographiés, écrivez-nous sur cestparla@sortiesdesecours.com, abonnez-vous au compte Facebook du musée, qui publie chaque semaine une photo afin que les internautes documentent les noms, les lieux ou les dates, ou encore sur la base de données en ligne du musée.

Photo © Yvon Kervinio Kervinio – Marché d’Hennebont – 1984

Photo © Yvon Kervinio Kervinio – Port de Kerroc’h en Ploemeur- 1980

Photo © Yvon Kervinio Kervinio – Port de Kerroc’h en Ploemeur- 1982

Photo © Yvon Kervinio Kervinio – Port de Lorient

 

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