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Jean-Pierre et le loup

Un spectacle vu en filage par Isabelle Nivet en février 2021

On suivait « Jean-Pierre et le loup » depuis plusieurs mois, on vous en avait parlé, et le résultat presque final est excellent. Encore quelques petits calages et on aura un spectacle formidable, dans lequel on est entrée sans réserve.

Jean Quiclet, comédien, et Stéphane Le Tallec, musicien, jouent ensemble depuis la première création de la compagnie, « Le petit Phil rouge », avec Catherine Pouplain, puis « Souvent la poésie m’emmerde », en duo. Ancré dans son rôle de guitariste, Le Tallec n’avait jusque-là jamais fait de pas de côté, c’est chose faite avec ce rôle formidable de chef d’orchestre échevelé, teuton et autoritaire, où il ressemble furieusement à Philippe Caubère.

C’est en tout premier lieu la bonne découverte du spectacle, l’éclosion d’une identité, mais aussi la synergie entre deux artistes, qui les fait grandir ensemble.

Quiclet se révèle, ça se confirme, dans la sensibilité, faisant évoluer son clown dans des contrées plus fragiles, plus oniriques, plus fines, et la complicité fait exister des personnages forts et bien dessinés, qui se complètent et s’enrichissent. Nous avons donc d’un côté deux clowns, un Auguste au nez de moins en moins rouge et un clown blanc, chef d’orchestre irascible, entre Karajan et Angus Young, dont la redingote dissimule des encoches à baguettes, dont il use et abuse au cours du spectacle. La narration fait alterner leur duo avec l’apparition de personnages joués par Quiclet, quatre résidents qui font l’Ehpad buissonnière. C’est là que nous avons décollé : avec rien – à part quelques effets lumière et son très simples – Quiclet nous embarque à la suite du vieux Jean-Pierre dans son escapade, et c’est tendre, joyeux, libre, et pas plombant du tout, pour nous qui avons d’habitude un peu de mal avec les spectacles sur la vieillesse.

On « voit » dans notre tête les tribulations de Jean-Pierre, Miss Cat, Bernard Mullard et Edith Pinson, juste par l’incarnation du clown, qui compose des figures de vieux très chouettes.

La scéno, elle, vient emballer cette histoire qui pourrait très bien exister sans rien, mais lui donne du caractère, grâce à une esthétique marquée, très visuelle, entre esprit opéra et steam-punk, avec un magnifique orchestre de tourne-disques en rouge et noir, et une machine à faire les vinyles, digne de la Ligue des Gentleman extraordinaires, signée BRUTALUX. Toute une panoplie de trouvailles – dont deux paires de chaussons Rivalin  ! – vient ponctuer le spectacle, souvent très réjouissantes, saupoudrées avec humour et fantaisie grâce à l’intervention de Nathalie Le Flanchec, qui œuvre avec talent au sein du Bouffou Théâtre, à Hennebont. Autre collaboration locale, celle avec Fritz Bol, graphiste lanesterien, qui signe l’affiche.

Enfin, résonne la baseline prémonitoire de l’établissement, – car écrite bien avant le confinement – la « Grande maison La retraite dorée » : « Etre enfermé, c’est être protégé. Et être protégé, c’est notre métier »

 

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