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La fille qu’on appelle. Tanguy Viel

Une chronique de Morgane Thomas, 6 octobre 2021
Bon, soyons clair, dès que je commence à parler de Tanguy Viel, je manque cruellement d’objectivité. Depuis la sortie de « Paris-Brest », je suis tombée amoureuse de son écriture.
« Article 353 du code pénal » reste pour le moment le livre que j’ai le plus offert et prêté. D’ailleurs mon exemplaire a, aujourd’hui, l’allure d’un vieux doudou élimé, qu’on a traîné un peu partout. Me voilà presque jalouse des gens qui découvrent l’auteur par sa nomination au Goncourt, et qui vont se plonger pour la première fois dans son encre.
Croyez-moi, si l’éroto-écrito-manie existe, il faudrait sans doute, ne pas tarder à me traiter…
Le Bars, maire d’une ville bretonne, fait sa tambouille avec comme principal ingrédient : Laura une jeune fille qui a besoin de trouver un logement… Lui, excelle dans l’art culinaire.
La recette est à priori simple : Tremper une fille dans une ville emmurée qui la regarde en contre plongée. Cerner d’une mer frémissante, pour un début de cuisson à l’étouffée.
Quand le maître queux  (du latin cocus : cuisiner, faire cuire), décide de saisir la viande fraîche, il n’y va pas avec le dos de la cuiller. Il opère avec une grande dextérité, lorsqu’il s’agit de barder de lard et de bien ficeler le morceau délicat. L’œil étudie la chair sur toutes ses coutures, toutes ses subtilités pour ne rien laisser au hasard. Se formant de manière empirique, à même la peau, pour en cerner les contours. Il a une approche très calculée de la chose, il pèse précisément ses mots, ses gestes, au gramme près, pour donner au plat la saveur exigée.
Si ce livre nous laisse, sans nul doute, le goût de l’amère, il nous offre par moment des pépites de douceurs. Notamment dans le personnage du père de Laura, ex-boxeur au pied d’argile, reconverti en chauffeur de maire. On perçoit chez lui un amour paternel indicible, un amour qui secoue les corps, et nous touche délicatement.
Par ce roman, Tanguuy Viel ose poser un regard masculin sur l’abus de pouvoir d’un homme mûr sur une jeune-fille encore à l’aube de sa vie de femme. Cela fera peut-être changer quelques regards gras, qui nous font nous sentir, encore parfois, comme des « côtes de boeuf *»…
Editions de Minuit, 173 pages, 16 euros
* « Côte de boeuf » : expression empruntée, à ma copine, pur produit local, labellisée AOC, elle a testé pour vous la touffeur des hommes. 
Tanguy Viel : OK j’avoue, côté, neutralité c’est rude, aussi, parce que même exilé, il reste de Brest quand même.
1998 : les Editions de Minuit édite « le black note », depuis Tanguy Viel, s’applique régulièrement, à nous couvrir de sa plume.

 

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