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Michel Thamin. Une écriture de pierre

L’œuvre de Michel Thamin me fait penser à cette comptine que me racontait ma grand-mère en jouant avec mes doigts, les refermant au fur à mesure de l’histoire, comme si elle me confiait un secret à garder au creux de la paume. Michel Thamin, lui, passe son temps à nous transmettre des secrets, que nous ne savons pas forcément interpréter, mais qui font œuvre de viatique. Une transmission de messages codés, d’un alphabet sans équivalences, une pierre de rosette sans sens et pourtant offerte comme un mantra. Son jeu est de cacher, le nôtre de deviner, inventer, ou juste prendre comme ça vient. Les symboles de Michel Thamin sont simples, des stries, des traits, des cercles, c’est son écriture, son vocabulaire, qui se retrouve partout dans son univers, qu’il soit de pierre ou de papier.

On doit être épaté par la technique de Thamin : il fend, perce, découpe, strie, meule le granit dans un rapport hyper physique à la matière. Le reste, c’est de la poésie, que chacun va trouver en ouvrant les couvercles de ses boîtes de pierre, qu’on soulève pour y lire un de ses symboles, qu’on repose sans avoir compris, à la fois déçu et charmé. Pas de réponse évidente, pas de révélation, voilà la leçon, l’art et le Da Vinci Code, c’est pas la même chose.

Pourtant, quand Thamin se met à dessiner, il y a comme des pistes qui se mettent à émerger, surtout lorsqu’il utilise acrylique et graphite dans une série où, bien sûr, c’est évident, il y a l’influence de ses boîtes et totems de pierre, mais transformée par la douceur du papier, auquel il n’est pas nécessaire de s’attaquer avec une meuleuse. Dans cette grande série, la lorientaise que je suis voit comme un inventaire architectural des années 50, et un écho au cadre de la galerie, lignes graphiques de la ville se confondant avec celles du dessin. La cinéphile, elle, retrouve le vocabulaire de Tati dans Mon oncle : oculus et pas japonais, colonnades ou carreaux de verres, alors que pourtant ici rien n’est figuratif, toujours la même astreinte de l’artiste : une variation au bord de l’obsession. Des variations, des correspondances, des surprises, des découvertes : il faut vraiment prendre le temps, avec Thamin, oublier le pas de charge, oublier les regards jetés à l’oblique, non, il faut se poser, juste comme ça, debout, et laisser venir. Et ça viendra.

Isabelle Nivet. Juillet 2020

 

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