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Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? Marionnettes

• Vu au CDDB-Théâtre de Lorient, le 15 février 2018 •

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Il y a ce texte de Sylvain Levey. Formidable. Vraiment. Récit haché, porté par des voix multiples, on devrait dire des modes multiples, ceux des réseaux sociaux et des outils de communication actuels. Pas un vrai dialogue mais des échanges sur WhatsApp, Facebook, Twitter, Snapchat, ou de simples textos, dits comme des lignes de texte :

Michelle – Pull noir ou sweat rose ?
Kim – Sweat rose.
Michelle – Tu prends le tien ?
Angèle – Oui.
Michelle – Angèle prend le sien.
Kim – Yes !
Michelle – Sweat rose dans la valise ! Prête les filles ?
Kim – J’aime.
Angèle – émoji girly.
Abel – J’aime.
Angèle – T’es pas une fille Abel.
Sélim – J’aime le t’es pas une fille Abel d’Angèle.
Abel – Qu’est-ce que t’en sais ?
Michelle – Smiley.
Angèle – J’aime ton smiley Michelle.
Sélim – J’aime le qu’est-ce que t’en sais d’Abel

Un mode de communication systématisé dans le spectacle sans jamais être lourd, car traversé de passages plus graves, parfois profonds, parfois poétiques. On plonge de manière très réaliste — et en même temps littéraire — dans l’univers des ados, on suit ce voyage scolaire à Auschwitz lors duquel Michelle se prendra en selfie (rappelons-le, la pièce est inspirée d’un fait divers réel) et subira par la suite un « shaming » terrible sur les réseaux sociaux pour avoir été aussi « stupide » d’avoir tweeté sa photo tout sourire à l’entrée d’un camp de la mort…

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Là où on est un peu moins convaincues, c’est sur les voix, jouées par Anaïs Cloarec — qu’on aime pourtant beaucoup — et Antonin Lebrun, qui ont choisi une composition un peu gnan-gnan pour interpréter ces ados, avec des dissonances à la manière des dessins animés, choix un peu caricatural et un poil agaçant, qui vient contrer le plaisir que l’on a à entendre le texte, même si la mise en scène est vraiment scotchante, et là encore très inventive, protéiforme, proposant différentes visions d’un monde numérique en relief.

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Trois modes d’expression marionnettique ont été créés pour « jouer » les différents moments du récit. Les amis de Michelle, sont tour à tour en grandeur nature, stupéfiants de réalisme, figés dans une posture typique : nuque cassée, cheveux tombants, main en coupe sur leur smartphone. Ensuite il y a les avatars des personnages (Michelle a pour pseudo « uneviedechat ») des figurines en mousse, et enfin leurs icônes, petits objets stylisés, graphiques et colorés, très réussis.

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Même bémol que sur les voix, la manipulation est un peu caricaturale, les objets déplacés comme des poupées par des enfants, tressautant comme dans un castelet de Guignol. Bof.

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Le « mur » de Michelle est très intelligemment composé de tableaux et non de photos, neuf toiles carrées très belles qui résument ce voyage au bout de la honte, sauvé par une toute petite phrase de Sélim « Faut pas croire, Madame, on était tristes, pendant la visite… »

ISABELLE NIVET
Mars 2018

 

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