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Mireille Semré. Un atelier de peintre à Locmiquélic

On aime bien aller à la rencontre des artistes chez eux, dans leur atelier. Découvrir un lieu de travail tout autant qu’une oeuvre. Parce que ces endroits si particuliers disent des choses sur les artistes qui y vivent… 

C’est grâce à une exposition qui n’a pas eu lieu que nous sommes là, ce matin, à Locmiquélic. Une exposition de cent portraits à la Maison de l’agglo de Lorient, en avril, annulée, comme tant d’autres ce printemps… Mais l’évocation nous intrigue, cent portraits, tout de même, c’est pas rien. Mireille Semre nous en montre les photos, en tout petit, la maquette de cette fresque de 16 mètres qui donne le tournis, des visages à la même échelle, reliés par une palette de bleu gris, de mandarine passé, des visages fondus d’où émergent des regards, des esquisses de sourire, des traces d’expression. « C’est une série qui parle d’inclusion / exclusion. Est-ce que traités différemment plastiquement, la série se tiendrait ou pas ? Comme socialement, est-ce que ce ne sont pas les différences qui font la cohésion de groupe ? ». Ces portraits, exposés à la Grande Poudrière de Port-Louis en juillet dernier, « avaient créé l’émotion », mais dans cet atelier où nous sommes « ça ne marche pas, c’est une salle d’exposition, il faut un lieu où les visiteurs puissent s’inclure au groupe, un abri ». Alors avis aux détenteurs de « lieux », Mireille Semre cherche « l’abri idéal » pour ses portraits.

Pour l’heure, en son atelier minahouet, Mireille Semre fait tourner tout l’été ses toiles, recomposant l’espace par séries, où sa patte bien particulière se retrouve : récurrence d’une forme au trait comme de charbon : « ma lauze ! au départ un jeu de contours avec mon fils, lors de vacances dans le Massif central, qui a fini par s’insérer partout comme un visage ». Présence des mots, griffonnés, vrillés, tourbillonnés, gommés, se transformant en presque matière.

A la frontière entre abstraction et figuration, ce qui vient me chercher, moi, chez Semre, ce sont ces amorces de trait, d’un dessin qu’on pressent puissant mais qui ne va pas au bout de la figuration. Avec une énergie qui n’est pas sans rappeler celle de certains dessins de Delacroix. Car même si ce dernier n’est pas cité, l’influence des grands de l’histoire de l’art est bien revendiquée, un jeu plus qu’une inspiration, que l’on pourra découvrir dès le 7 août dans la série « Juste au corps » où l’artiste a joué avec talent et réussite à réinventer des Manet et des Velasquez. Ni plagiat ni hommage, c’est dans les regards que Semre va se servir, avec une grande finesse et une belle économie de moyens, redessinant à sa façon et pourtant retrouvant l’inquiétude, l’interrogation, l’effronterie d’une menine, d’un pape, d’une Olympia ou d’une Victorine Meurent, la belle dénudée du « Déjeuner sur l’herbe » (le même modèle pour les deux tableaux, au passage).

On ne saurait donc que conseiller d’aller faire un tour à Locmiquélic à la rencontre de ces regards, mais aussi à celle d’un lieu, immense atelier aux plafonds et aux fenêtres démesurées, ouvert sur un jardin de sauge et de lavande, de verveine et de figuier. Ancien restaurant ouvrier, plancher de bois, luminaires seventies et meubles de brocante, on resterait volontiers là tout l’après-midi à bouquiner, et profiter de cet espace…

Isabelle Nivet. 2020

(contact : http://mireille-semre.over-blog.com)

 

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