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Niki de saint phalle

Niki de Saint Phalle et Gomme. Rock & Painting #9

 « Rock & Painting, c’est une série née sur Facebook en octobre 2019 dans laquelle j’associe chaque jour une toile et un morceau de rock. Dans laquelle j’associe mon amour de la peinture et du rock ». Catherine Pouplain

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Cette semaine, nous parlons d’une souffrance exprimée à travers une œuvre, une thérapie, un symbole fort utilisé par l’artiste pour dire à quel point elle a mal. L’artiste c’est Niki de Saint Phalle, une artiste à la fois très connue mais totalement méconnue. Très connue parce que certaines de ses œuvres sont plus célèbres qu’elle, en particulier la série qu’on appelle Les Nanas, ces immenses statues de personnages féminins, toutes rondes, multi colorées, dansantes, que tout le monde a déjà vues. Ces nanas dont les rondeurs sont inspirées de la grossesse de ses amies et que Niki de Saint Phalle conçoit immenses pour échapper au diktat des galeries qui veulent des œuvres aux contours bien précis afin de satisfaire leur clientèle exigeante et fortunée.

On est dans les années 50/60. Niki de Saint Phalle est elle-même une héritière aristo, franco-américaine, qui connaît bien le monde contre lequel elle lutte dans son œuvre. Elle naît en 1930 à Neuilly sur Seine mais grandit à New York où elle se marie très jeune et connaît une petite carrière de mannequinat. Elle fait une grave dépression au début des années 50 et est internée. C’est là qu’explose son travail artistique influencé, entre autres, par le plasticien Jean Dubuffet et toute la recherche sur les liens entre l’art et la psychiatrie, qui donne le mouvement de l’art brut, cette forme d’art sortie des limbes intimes de gens sans aucune formation ni culture artistique. Et dont les caractéristiques sont une inspiration et une facture souvent impressionnantes de liberté désinhibée, sans aucun conditionnement social ou culturel extérieur.

L’œuvre du jour en est un exemple frappant. Elle s’appelle La Mort du Patriarche. Explicite. On est en 1972. Niki de Saint Phalle vient d’épouser Jean Tinguely, son second mari, un artiste peintre et sculpteur suisse. Leur collaboration la plus célèbre est la fontaine Stravinsky construite en 1983 juste à côté de Beaubourg avec ses statuettes et structures mobiles de toutes les couleurs. A cette époque, Niki de Saint Phalle monte une expo à Paris qu’elle nomme Les funérailles de papa. Parmi les œuvres exposées, il y en a une, à la fois sculpture, peinture, installation, assemblage d’objets, représentant un personnage assez énorme avec une toute petite tête. L’œuvre est verticale, et recouverte de tirs de peinture à l’endroit du cœur et du sexe.

Les tirs de peinture, c’est tout un pan de l’œuvre de Niki de Saint Phalle, qui date essentiellement du début des années 60. Cela consiste en des tirs au fusil de chasse sur des poches de peinture réparties sur des œuvres. Ces tirs font souvent l’objet de performances publiques et symbolisent la rage de l’artiste contre pas mal de choses dont, essentiellement, le pouvoir masculin, au cœur de ses colères. Et c’est bien ça qui est l’objet de La Mort du patriarche. C’est même pire que ça puisque pour Niki, le patriarche, son père, est celui qui la viole quand elle a 11 ans,, ce qu’elle confie la première fois officiellement dans le livre Mon secret paru en 1994.

Musicalement, Il fallait quelque chose d’aussi fort. J’ai d’abord choisi le titre You don’t own me (Je ne t’appartiens pas) chanté en 1963 par Lesley Gore, une chanteuse de 17 ans, une gamine qui dans la chanson, dit à son amant qu’elle ne lui appartient pas. C’est déjà assez inédit. Mais j’ai opté pour un autre titre très récent et très punk d’un groupe de trois filles, le groupe Gomme, basé à Paris, une Américaine, une Autrichienne et une Française. Le titre, c’est Rape and Run, en gros « viole et tire-toi », écrit après une affaire, à l’université de Stanford aux États-Unis, dans laquelle la justice a été très clémente avec un étudiant accusé de viol. Comme quoi le patriarche n’est pas encore tout à fait mort…

En savoir + sur Gomme

Chronique diffusée dans La Confidienne de Radio Balises le 20 avril 2020. https://radiobalises.com/

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