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Retour sur les Rias 2021

Alors, Les Rias, c’était comment ?

Isabelle Nivet – Septembre 2021

Bon, on va un peu vous raconter notre notre vie de journaliste au Festival Les Rias, et probablement, vous allez vous dire qu’elle n’est pas très différente de la vôtre. Sauf que nous on bosse. Enfin, pas tout le temps. Parfois ça dérape. 

Commençons par l’impression générale de cette version pandémique : afin de limiter l’affluence, chaque soir, le festival s’éclatait en minimum quatre villes, et ça, c’était carrément une bonne idée. Fini d’arriver avec une demi-heure d’avance pour trouver une place, on a retrouvé le bonheur de se pointer comme une fleur et de s’asseoir sans faire déplacer vingt-cinq personnes (c’était comme ça avant que les Rias deviennent une grosse machine).

Côté artistique, plusieurs spectacles portent les stigmates du confinement : comme une obligation de rajouter du burlesque, comme si il fallait absolument faire rire le public, et ça c’est un peu gênant. Et – est-ce un effet de nos errances psychologiques ? – des spectacles qui peinent souvent à se resserrer, à couper les longueurs, faire des choix, aller à l’essentiel, tenir une ligne…

Petit débriefing de cette édition 2021

Bruissements de pelle – Cie Furinkaï (Paris). Comme on l’avait déjà vu, on est allées découvrir leur second spectacle, « Mind the gap« , qui tout particulièrement, souffre de cette difficulté des artistes à dégraisser leurs créations. Alors que « Mind the gap » est un vrai beau truc, fait de corps et d’images très réussies, épurées, plastiques, très signifiantes, le spectacle s’étire en longueur, répétant ad nauseam les mêmes formes, jusqu’à l’ennui. Et on le sait, rien de plus désolant pour un spectateur que de s’ennuyer lors d’un spectacle qui l’a de prime abord emballé. 

Croûtes – Cie Mycelium (Alençon). LA grosse déception. Brouillon, papillonnant dans toutes les directions, sans ligne directrice, un grand n’importe quoi qui laisse le spectateur hébété, cherchant désespérément à quoi il pourrait se raccrocher, avec une fois de plus ce truc exaspérant du « un peu rigolo », comme si faire un spectacle pas marrant en 2021 était inenvisageable.

More Aura – Véronique Tuaillon (Livernon). Ahhhhh… Là, voila ! Là, on s’est pas trompées, et c’est la joie. La joie de découvrir une artiste, une clown ancrée dans la vie d’aujourd’hui, dans une vie de femme, dans un corps de femme, et quel corps ! Une bombe, 2m12 de jambes perchées sur des chaussures à talons magnifiques, en mini short ultra sexy. Véronique Tuaillon fait rire avec son cul – en vert -, qu’elle montre autant que son nez – en rouge. Babord et tribord, cette fille tient le cap de son personnage aussi touchant que drôle, quand elle soulève un frigo à bout de bras ou quand elle raconte comment son personnage – Christine – se démerde avec le cancer de son petit garçon, Esteban. On adore son langage corporel, comment elle traverse le public à grandes enjambées, martelant le sol de ses talons hauts, comment elle s’assoit pour voir une bière – oui, le frigo, il sert à ça – comment elle en fait juste assez pour ne pas en faire trop, et surtout comment elle tient le fil – et ça, franchement c’est balaise – entre le rire et l’émotion, parce que quand-même, arriver à rire d’un spectacle qui parle de la mort d’un enfant, on n’aurait jamais cru ça possible. Véronique Tuaillon est donc LA révélation de ce festival, LA clown de l’année, n’oubliez pas son nom…

Le grand débarras – Cie Opus (Niort). Alors voila qu’on est un p’tit peu embêtées, avec ce truc là… Indiscutablement, le dispositif est pro, complet, bien gaulé : un vrai vide-greniers au sein duquel s’insèrent de faux stands de marchands de vins, de voiturettes tunées, de peau tatouée, de matériel de magie… On se balade, et on se laisse embarquer par les comédiens et leur baratin déjanté, souvent drôle, toujours décalé, ou alors on s’arrête sur des stands présentant des châteaux de cartes (postales), des plaques vachardes de pierres tombales, des canevas animés, des villages en allumettes, accompagnés d’explications loufoques, comme un petit musée. Tout l’univers d’Opus est là, les histoires de retraités de Menétreux, le kitsch, la bricole, les années 70, les objets chinés, et même une radio, Rosalie FM, qui commente en direct. C’est parfait. Alors pourquoi est-ce qu’on est un peu molle du genou sur l’enthousiasme ? Alors que plein de choses sont vraiment marrantes, y aurait-il un peu de poussière là dedans ? Est-ce qu’à force de plonger ses personnages dans l’univers d’un EHPAD des Deux-Sèvres, de les attabler sur une toile cirée à carreaux devant des verres Duralex, Pascal Rome, l’homme de la compagnie, aurait fini par leur ressembler ? Ou est-ce la forme ? Le principe du vide-greniers, où on picore, on regarde de loin, et on ne s’immerge autant que dans un spectacle ? Au final, on sort de ce débarras en s’époussetant les bras, avant de se laver les mains et de presqu’oublier ce qu’on y a vu… Zut.

Heavy motors – Société Protectrice de Petites Idées (Trégueux). On a loupé ce spectacle-là, mais vu leur création précédente, « Cow Love », qui mériterait là aussi, de se poser la question du nécessaire, même si les interprètes sont excellents et plutôt drôles, et malgré quelques trouvailles sympas, on a un peu l’impression d’être dans un catalogue des effets kitschs du moment, plus l’inévitable motte de terre que, décidément, on retrouve autant en salle qu’en rue… Et-on-en-a-marre-des-mottes-de-terre.

Corason – Les rustines de l’ange (Aouste sur Sye). Les rustines de l’ange ont réchauffé nos coeurs et nos corps. Sept (ou huit ?) accordéonistes, qui chantent et jouent en choeur, en canon, en décalé, créant une formidable polyrythmie de souffle, nous immergeant dans le son, jusqu’à littéralement entourer le public, s’y faufilant, créant la connexion, nous apportant l’énergie de la musique et du son pur. Exactement ce dont nous avons besoin en ce moment, la rencontre avec la beauté.

 

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