Par Samantha Caprari. Mars 2021
Depuis le 1er confinement, les réseaux sociaux locaux sont envahis de visuels étranges d’un homme à la tête de chien. Associés à un clip, à un refrain entêtant et dansant, qui parle de vivre ensemble.
Rencontre avec l’homme derrière le masque et derrière les mots, le maître des machines, Robot Sapiens alias Bring’s. Où l’on parle de musique bien sûr, de mots, de silences, de besoin, d’envie et de « Métamorphose », le premier album de son projet Robot Sapiens, actuellement en financement participatif.
Sa métamorphose, parce que ce nouveau projet électro-pop est bien différent du rock-punk de Freedom for King Kong, du rap de Monkey B, du Cercle et de tout ce qu’il a fait avant ou en parallèle (dont Soul Béton, projet jeune public en collaboration avec Fanch Jouannic, qui rentre en résidence cette semaine pour finaliser leur 3e spectacle). Ce projet solo s’est imposé à lui comme un besoin irrépressible un soir de juillet 2019 :
Il faut que je sorte un morceau en mai, que je m’autorise à y mettre tout ce qui me plait, sans tenir compte de genres musicaux, de catégories.
Ce morceau, c’est & « Vrai Semblant », qui sort au 1er trimestre 2020. Pendant le 1er confinement, les choses bougent, il crée un label, ou plutôt « une maison d’artiste », « Emmène-moi Prod » avec son ami Phil R. L’envie d’un clip se concrétise, ce sera avec Yannick Derennes, un vidéaste quimperois. Une histoire de maître, de chien, de solitude aussi. Les idées, les images collent au texte et à la musique. L’ensemble est coloré, dansant, et tombe parfaitement avec ce début d’été 2020 si particulier
Très vite, un EP cinq titres est produit par Emprod et distribué par PIAS sur toutes les plateformes. Mais l’envie de créer, encore plus présente, le pousse à chercher plus de crédibilité, et un véritable album s’impose. Des chansons sont déjà là, d’autres arrivent au fur et à mesure.
Cette période de ralentissement, d’arrêt, lors des confinements, m’a été bénéfique pour la création. Le temps est mon plus grand besoin, cela m’a permis d’élever le niveau. Dans mes textes, j’ai beaucoup travaillé les phonèmes, à partir d’une phrase, d’une expression. De bavard, je suis devenu beaucoup plus synthétique. Le silence est un élément majeur dans la musicalité des mots, il leur donne du relief. Et l’assemblage, le découpage, le phrasé, deviennent un travail d’orfèvrerie.
Robot Sapiens crée à partir du quotidien, le sien aussi. Il observe, vit et décrit cette poésie urbaine, avec une plume tantôt acérée tantôt douce. Les idées, les mélodies surgissent à tout moment. Il les assemble, installé derrière ses machines. Car l’informatique et les machines lui permettent de réaliser sons et instruments. La majeure partie musicale de l’album sort de son studio, seules quelques guitares seront ajoutées. Comme il le dit en rigolant :
Robot Sapiens est le meilleur ami des machines, c’est notre dernière évolution.
Cet album est un concentré d’influences musicales en tous genres, sans distinctions ni classifications. Il le présente comme pop électronique, mais lors du mixage, reconnait qu’il y retrouve bien plus, une énergie pop, rock et électro et un coté plus froid, plus new-wave. Pour mener à bien ce projet, Robot Sapiens a fait appel à une plate-forme de crowfunding, sur Ulule (accessible jusqu’au 3 avril). C’est une expérience nouvelle pour lui, il n’en avait pas mesuré l’impact social et humain. Financer un album, pour beaucoup, ce n’est pas juste acheter de la musique, c’est aussi soutenir un artiste – qui plus est local – c’est une certaine idée de la culture et du partage.
Pas d’écoute possible des neuf titres non encore sortis (Vrai-Semblant et L’amour aux trousses étant sur l’EP) donc, juste son retour sur le travail de mastering en cours, au studio Near Deaf Experience, une ébauche de visuel, confié au graphiste Olivier Roussel, qu’il me dévoile timidement, et une confidence sur son moment le plus fort de cet album, quand il est enfin venu à bout de la forme du titre « Un héros », qui parle de sa fille et lui. Pour le reste, ce sera une découverte-surprise, quand je recevrai ma contrepartie, l’objet, le CD ou le vinyle. Il y aura le plaisir d’avoir participé à ce projet 100 % local et à la concrétisation d’un rêve de l’existence physique de cet objet musical, que je pourrai toucher, regarder, renifler même. Et puis l’écouter, aimer, adorer ou pas, peu importe après tout, cela reste personnel, l’essentiel étant de ressentir, de partager ce que l’artiste y a mis de lui, de nous.
Le mot de la fin revient à Robot Sapiens, ses rêves pour la suite :
Des concerts ? Oh oui, je rêve de scènes, de public bien sûr, et de musiciens avec moi, deux ou trois. J’espère début 2022. Et pour la sortie de l’album en septembre, une écoute publique dans un bar avec des rires, des accolades, des embrassades.
Je ne sais pas vous mais moi aussi cela me fait rêver.
La page Robot Sapiens sur facebook
Le beau travail de Yannick Derennes
Mon écoute de L’EP
Comme « Métamorphose » n’est pas encore sorti de mastering, j’ai dû me contenter de ces cinq titres de l’EP pour vous donner un avis, personnel et subjectif (n’étant pas critique musicale, ni spécialement fan de musique électronique ou de pop francophone, je laisse surtout parler mes sens, cherche les vibrations communes, ce qui me touche ou non).
Robot Sapiens
Le plus inaccessible pour moi, trop d’électro pour mon petit cerveau pas habitué, un brutal retour aux musiques synthétiques des années 80 que je ne comprenais pas trop, manque d’humain sûrement. Par contre, le texte et la forme collent parfaitement au nom du projet, en guise de présentation.
Vrai Semblant
Le plus dansant et joyeux de l’EP. Déjà les chalalalas suaves du début m’attirent, je visualise une plage, du soleil, des gens un cocktail à la main. Puis changement, la montée graduelle du rythme m’accroche au morceau, les mots et le message finissent de m’y entraîner, ça y est, je chantonne et me trémousse au milieu du salon. Je monte le son pour la deuxième écoute. Et je peste le soir dans mon lit d’avoir encore ce refrain en tête.
Lettre d’automne
Le rythme de la mélancolie, de la nostalgie de nos 20 ans, l’été qui finit. Un quarantenaire qui s’écrit à lui-même jeune, et nous replonge dans nos souvenirs avec un arrière-goût doux-amer et répétitif, comme la chanson. Les variations et la profondeur vocale entre les refrains viennent soutenir la poésie des mots, et j’aime ce « la vie reste suave pour qui la reconnait »
L’amour aux trousses
A nouveau, le rythme me renvoie dans les années 80, jusqu’à ce que la voix, enveloppante, chaleureuse, sensuelle vienne appuyer la poésie et la musicalité des mots. Une chanson que j’aimerais ré-entendre et voir en live, parce que souvent la présence du chanteur renforce cette imprégnation vocale. A suivre …
Une femme qui danse
Un coup de cœur, sûrement parce que je suis une femme, qui aime voir une femme qui danse (et que cela me manque tant, comme à vous). Début très calme et mélancolique, accompagné d’un piano, la voix se déplie, se délie, tout en muscle et en légèreté comme la danseuse que le texte décrit. Et cette petite ritournelle qui apparaît me fait penser à la boîte à musique de ma grand-mère, où la ballerine se déployait et tournait à l’ouverture, les débuts de la musique électronique en fait. Quand le son m’amène tant d’images agréables, je ne peux que fermer les yeux et me laisser transporter.