• et un clic là

Un spectacle qui fait boum. Tsef Zon(e), par la compagnie C’hoari

Ce duo nous avait accroché l’œil, une photo ici, un bout de vidéo là, on avait croisé Pauline Sonnic, jeune danseuse lorientaise, dans un studio de répétition ici, au festival de Kerhervy là, et on a découvert sa binôme, Nolwenn Ferry, qu’elle a rencontré lors de sa formation au CNDC d’Angers (centre national de danse contemporaine).

Et là on a pris une bonne claque. Une claque de fraîcheur, une claque d’énergie, une claque de créativité, de culot, d’envie, de nouveauté, de travail, de sens, de justesse, d’écriture, de complicité, d’alignement. Et ça faisait longtemps, en danse, qu’on avait pas vu une identité aussi définie qu’ici, dans une jeune compagnie. Sonnic et Ferry se sont trouvées, et bien trouvées, comme les deux moitiés d’une même orange : à la fois semblables et différentes, leurs visages, leurs corps, leurs énergies, leurs cheveux même, se répondent sans se recopier. C’est comme ça, mais pas seulement. Parce que les deux danseuses ont visiblement senti tout de suite que ce serait leur atout, mais qu’il fallait le transformer, en jouer, et ce travail de différenciation subtile dans une écriture commune est l’un des choses les plus réussies de leur duo. Habillées dans des vêtements qu’on sent mûrement choisis par elles, des couleurs et un style habités créent des personnages inédits, et pourtant simplissimes : un kilt, des bretelles, des godillots, les voilà prêtes à marteler le bitume, affichant clairement une appétence pour la rue. Et ça bien sûr ça nous plait, ce sans chichis, cette vraie connexion avec la ville, ce côté brut, sans décor, sans lumière, juste les corps.

L’air de rien, dans les marches, bonds, sursauts, souffles et transes inspirés de la danse bretonne, elles incarnent une modernité urbaine, soutenues par la tradition et le passé. Pas question d’appeler ce qu’elles font « réinvention », non, c’est de la danse contemporaine, faite par des filles qui connaissent bien l’an dro et la gavotte, mais aussi les temps et rythmes, qu’elles emballent à leur sauce, dans une énergie retenue, très dense, sur elles. Une écriture au millimètre, qui éclate et séduit, comme un retour aux fondamentaux de la danse après des générations d’improvisateurs dont on commence à se lasser un peu. Ces filles tiennent leur propos et leur fil comme les rênes d’un cheval à Saumur. Une danse comme une variation de Bach, une danse comme une écriture littéraire, faite de répétitions et de respirations. Et c’est pas tout. Même si le truc fait partie des premières choses que l’on apprend en danse contemporaine, quand même, il est là, il est tendu à bloc comme un fil entre elles – en breton, « c’hoari », ça veut dire « jeu » – c’est le regard, droit, planté, connecté avec confiance, s’accrochant entre elles comme entre deux trapézistes, c’est beau, c’est vrai, c’est sincère, et ouaip, on a assisté à un truc, une naissance, on l’espère, d’une compagnie qui ira loin.

Isabelle Nivet. Août 2020

 

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