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Yves Grouazel. Peindre au bord du paysage

On n’a pas tout de suite compris son travail, à Yves Grouazel, et il nous a fallu du temps pour accepter à la fois de ne pas aimer son traitement de matière – pourtant sans faux pas, technique, efficace, mais voila c’est comme ça, nous on aime les coups de pinceaux et la facture classique, alors que Grouazel, lui, il teste les réactions, les produits, les effets – et en même temps de partir totalement et inconditionnellement dans la proposition de voyage immobile qu’il nous fait.

Pour qui connait l’homme, ses tableaux lui ressemblent : calmes, taiseux, méditatifs, dans l’instant. S’arrêter devant une toile de Grouazel c’est comme s’arrêter au bord d’un paysage et se fondre dedans, dans ce temps qui se fige, quand le regard part au loin, très au loin, et que nous devenons le paysage, quand le corps devient un amer, un repère, un point autour duquel le paysage s’articule, composé de matière, de lumière, de reflets, de couleurs, quand notre oeil se fait son panoramique perso et unique. Dans son accrochage très juste, Marianne Thalamot, chez Improbable Jardin, a joué de ces paysages pour s’en faire des fenêtres et son immense mur blanc semble troué de meurtrières carrées donnant sur la mer. Alors pourtant que les vues ici montrées sont celles des Scilly ou de la Corse, on jugerait avoir fenêtre sur Kerguelen. L’été est là, dans les chaumes coupés en brosse, dans le bleu presque blanc de l’océan, dans les masses sombres des pins, on en a presque les yeux qui se plissent tant la lumière y est intense. Comme les variations Goldberg, les paysages Grouazel se ressemblent tous, semblant être la suite l’un de l’autre comme un panoramique sans fin, mais non, il n’en est rien, chacun est différent, chacun est un moment, avec d’infimes variations dans la lumière, la couleur, l’heure, mais toujours l’horizon à la même hauteur, parfaitement juste. 

Isabelle Nivet. Juillet 2020

Le site de l’artiste ICI

 

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