• et un clic là

La Villa Gregam

Isabelle Nivet. Janvier 2019

À Grand-champ, territoire rural, champion du litrage de lait, une formidable initiative vient de sortir de terre, La Villa Gregam, lieu de culture éphémère, fabrique artistique et QG de rencontres. Dans la veine des tiers lieux qui fleurissent un peu partout, La Villa fait figure d’exception par sa sincérité, son authenticité et sa fraîcheur. Une belle utopie qui ne demande qu’à pousser et s’épanouir.

À 15 kilomètres de Vannes, Grand-Champ, 5235 habitants, 6600 hectares dont 4400 de terres agricoles et 66 exploitations, produit 18 millions de litres de lait par an. In lactis veritas, dans ce royaume de l’agriculture, arrive en 2016 un « chargé de mission de jeunesse et innovation sociale », Tristan Gesret, qui va nous assassiner à la lecture de cet article, parce qu’il ne veut vraiment pas tirer la couverture à lui, mais nous, après deux heures passées en sa compagnie, on a bien vu que si La Villa Gregam a la gueule qu’elle a, c’est beaucoup grâce à lui. Mais pas que. Volonté politique, enthousiasme des locaux, le projet a grandi sur un bon terreau. À son arrivée, le jeune homme (28 balais seulement) fédère les énergies, et fait fleurir les envies. Une boîte à idées numérique est installée et bim bam boum, c’est parti : création d’un jardin partagé, montage d’une association géniale « L’outil en main » (grosso modo, de vieux artisans à la retraite apprennent à des enfants leur métier, de la plomberie à la menuiserie… On adore l’idée), ouverture de murs au graff. Lors du premier évènement « La session champêtre», le constat émerge : c’est bien tout ça, mais à Grand-Champ, y a pas de lieu, y a pas de soutien pour les initiatives locales. Une idée jaillit alors comme le lait du pis d’une vache : reprendre une langue de bâtiments promis à la déconstruction pour en faire un centre culturel éphémère avec des espaces de création : trois grosses maisons en plein centre, à un jet de bouse de l’église, feraient parfaitement l’affaire. Un collectif est créé, le maire dit banco, un financement du fonds européen LEADER (Liaison Entre Action de Développement de l’Economie Rurale) tombe comme une pomme sur la tête de Newton. La Villa installe dans La maison des bonnes sœurs des logements d’artistes et un atelier partagé ; dans L’ a n c i e n n e menuiserie un accueil, un préau atelier, un appartement, un studio d’enregistrement et un atelier de sérigraphie. Le troisième bâtiment, L’ancienne pharmacie, est en projet de rachat, mais la Villa a déjà pris sa place, avec son chouette fronton de garage, ses 5000 m2 de jardins défrichés pour les barbecues, son bar de bric et de broc, ses micro scènes pour les concerts et ses murs d’expression (ou de projections, La Villa aime le ciné…).

On a plus ou moins cinq ans avant la démolition, prévue pour laisser la place à un programme immobilier.

Cinq ans, c’est plus que DéDalE à Vannes, qui devrait n’en avoir que deux pour sa galerie du graff sur le port, et les projets sont déjà bien partis. Inaugurée en septembre 2018 après un an de réhab, La Villa Gregam (la traduction en breton de Grand-Champ) aura pour mission de

faciliter l’accès à la culture et développer l’offre culturelle. Un triple bénéfice. Pour la commune, éviter une friche en cœur de bourg, pour les artistes, bénéficier d’un lieu où développer leurs activités et se faire connaître, pour les habitants, disposer d’une offre culturelle variée, expositions, initiations, ateliers, projections, concerts.

Chaque saison de résidence artistique aura lieu de juin à décembre, et une première salve a déjà fusé, avec cinq artistes plutôt bretons. Deux peintres : Stéphane Greky et Pierre-Antoine Rio, deux sculpteurs : Olivier Courty et Franck Lesueur, et une autrice, Maryam Fareed. Logement et atelier sont fournis, en échange
d’une expo et d’un atelier d’initiation à destination des Gregamistes (c’est le nom des habitants). La deuxième salve reconduit les mêmes peintres et sculpteurs, rejoints cette fois par une sérigraphe-photographe, une couturière et un DJ. Côté animations, le programme n’est pas encore arrêté, mais celui du premier trimestre était bien emballant – rien de foncièrement original, mais tout avec une petite touche de fraîcheur et de décalage qui nous, nous met la truffe aux aguets : un barbecue sonore, la diffusion du film Les Dents de la mer à la piscine municipale, des expos avec des artistes émergents, le goût du graff (La
Villa est pote avec DéDalE, bien sûr), des projections en plein air… Avec une ouverture et une simplicité qui ne joue pas sur l’entre-soi, La Villa augure d’un avenir de partage et de découverte qui devrait – même si, oui, les visiteurs viennent pour beaucoup des villes alentour – permettre aux locaux de trouver leur
place dans le jardin, autour du bar ou devant les écrans, sans crainte du récurent « c’est pas pour moi ». En tout cas, nous on y croit.

> Compléter la lecture avec des images qui bougent, sur le site de nos copains de KuB, webmédia breton…

 

x