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N° 303 - DU 14 AU 20 AVRIL 2022

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Exposition Vivian Maier

« Le parcours de Vivian Maier (1926 – 2009) est atypique mais c’est pourtant celui d’une des plus grandes photographes du XXe siècle. Gouvernante d’enfants pendant quarante ans, elle passa totalement inaperçue jusqu’à la découverte en 2007 d’un incroyable corpus photographique.
• Les scènes de rue de New York puis de Chicago sont à découvrir au Musée des Beaux-Arts de Quimper.
• Au Musée de Pont-Aven, l’autoportrait est à l’honneur. Se dédoublant, elle mêle subtilement jeux d’ombres et de miroirs, maniant avec habileté les angles, les détails, la lumière et les cadrages. »
> Jusqu'au 29 mai, Quimper et Pont-Aven

Dans ce numéro

SORTIR. Notre sélection de la semaine

CONCERTS. Blues en rade

CONCERTS. Vaudou Game

CONCERTS. Jacques

DANSE. Mackenzy Bergile

VU. ÄKÄ Free voices of forest. Par Jean-Louis Le Vallégant

ROCK. La chronique d'Olivier Dalesme. Mendelson

SERIE. En thérapie. Saison 2

titre agenda
Blues en rade port louis locmiquelic riantec sorties de secours
Festival Blues en rade
Dans les bistrots, mais pas seulement, dans trois communes, Locmiquélic, Port-Louis, Riantec, du Blues à gogo, ce week-end, on a le blues, ne pas confondre avec le seum, bien que...
> Du 15 au 17 avril, outre rade de Lorient
vaudou game sorties de secours echonova
Vaudou game
On a bien envie de vous inciter à aller vous mettre en transe pour évacuer ce que vous avez à évacuer. Afrobeat, funk, soul, Rythm'Blues, ça secoue et ça envoûte, dansons, dansons, ça groove grave... (En première partie, David Le Deunff, ancien de Hocus Pocus, qui a aussi collaboré avec un groupe qu'on a beaucoup aimé, "Le cercle".)
> Vendredi 15 avril 20h30, L'Echonova, Saint-Avé
jacques sorties de secours hydrophone
Jacques
Vous avez déjà entendu - impossible de passer à côté - le titre "(Regarde un peu tout ce qu'on faire) Dans la radio", entêtante ritournelle où on pouvait presque confondre sa voix avec celle d'Albin de la Simone. Une pop, very, very special, presque techno, faussement naïve, avec plein de bruitages "Jacques fait de la « techno transversale ». Au programme : des portes qui claquent, des oiseaux qui chantent ou des bruits de verres qu’il sample en boucle pour y débusquer des heureux accidents sonores, des rythmes ou des mélodies au croisement de la techno et de la musique concrète." Un programme qui nous parait très bien pour un samedi soir de printemps.
> Samedi 16 avril, 20h30, Hydrophone
Mackenzy Bergile sorties de secours
Si j'avais une minute avant de disparaitre, quelle serait ma danse ?
On a tellement écrit sur lui que pour une fois, on va relayer sa parole : "Mackenzy Bergile s’adonne à une danse et à une musique totalement révélatrice, radicale et expressionniste venant sculpter et écrire dans l’espace un tableau visuel et sonore en mouvement, à l’intérieur duquel ne peut se mouvoir que sincérité et sensibilité, prônant l’exigence à danser l’essentiel comme si il ne restait qu’une minute avant de disparaitre."
> Samedi 16 avril, 19h, Lorient
Adresser nom prénom ville à : espace.mauriciobergile@gmail.com, lieu et détails vous seront communiqués après envoi.
aka  leila martial l'estran le vallégant sorties de secours

ÄKÄ Free voices of forest.
Vu par Jean-Louis Le Vallégant

Sur scène prennent successivement place trois trios. Trois danseuses-chanteuses Pygmées du peuple ÄKÄ du Congo Brazzaville. Trois percussionnistes dont deux ÄKÄ et un Bantou, Sorel Eta, le couteau Suisse du projet : ambassadeur, conférencier, manager, musicien, pédagogue, vendeur de CD et interface entre Européens et ÄKÄ... Une posture somme toute originale pour un Bantou lorsque l’on connait les liens d’asservissement entre ces communautés : les ÄKÄ sont le plus souvent asservis aux Bantous. Ces deux trios constituent le groupe Ndima. Trois européens entrent alors en scène et là : j’ai peur. Craignant l’opportunisme d'un énième collage alibi, genre deux samples (échantillons de voix) et l’affaire est dans la boîte.

Comme un jugement avant l'heure,
j'anticipe, je juge en sortant le carton rouge d’entrée, en somme. Et puis la joueuse de mignonnettes remplies d’eau en guise de flûte de pan dégaine un chorus/contrechamp, gonflée. Ses deux collègues, body percussionniste pour l’un (il « instrumentise » son corps, le baffe, le clappe, le tape, le frotte, souffle et siffle), batteur singulier et voix de basse amplifiée pour l’autre, m’alpaguent les tympans. Le menton à deux mains, j’avance alors sur le bord du confortable siège. C'est pointu et ça sonne terrible.

Attendons la suite... ce sera passionnant.
Dans une scénographie simple, façon place de village, ces trios exposent et s’exposent pour ensemble donner naissance à une œuvre originale commune, « Au service d’un son de vie, collectif » comme le présente Leila Martial. C’est la chanteuse blanche, Leila, vocaliste, Victoire du jazz « artiste vocal » 2020. La connaissance du yoddle contrepointique, elle la doit à son papa. Elle, « complètement timbrée » dès l’enfance, joue de sa voix comme d’autres du ballon, et lorsque son Papa, méticuleusement, accompagne le saphir sur le vinyl « connaissance du peuple ÄKÄ » chez Ocora, Leila déclare : quand j'serai grande, j'chanterai pygmée.

Plusieurs instants me chavirent. Cette bourrée du Quercy en trio (...)
Depuis le début de Sorties de secours en numérique, l'envie d'accueillir des auteur·e·s, artistes, passionné·e·s, militant·e·s. Les relire, les orienter, les publier. Au delà du plaisir de se voir édité, écrire pour un média n'est pas anodin : il faut regarder, écouter différemment, de manière plus analytique. Vous êtes 3500 à nous lire, ce n'est pas rien...

Jean-Louis Le Vallégant est musicien et il a vu ce concert à L'Estran de Guidel la semaine dernière.
TWINGO
fete du livre becherel sorties de secours

La fête du livre à Bécherel

Un grand classique du printemps, le plaisir de flâner dans la cité du livre, avec tout plein d'évènements. On vous le mentionne juste au cas où vous auriez oublié la date...
olivier dalesme critique rock sorties de secours
54 minutes et 24 secondes. C’est une expérience limite. Ça s’appelle "Les heures". Un trip ultime. C’est un morceau de musique, on n’ose pas dire une chanson, tant le format est démesuré et la forme différente de ce que vous connaissez sous ce nom. Ça parle de dépression. Littéralement "personne" n’a jamais écouté cet objet sonore particulier. C’est construit sur une musique sombre, lente et angoissante, un lacis de guitares saturées et de sons électroniques abrupts et stridents. 4416 écoutes sur Spotify au 11 avril 2022, autant dire que dalle pour un titre d’un album sorti en 2013. C’est écrit à la deuxième personne, du point de vue intérieur du narrateur, qui se parle à lui-même et qui ressasse et ratiocine sur son mal être. De toute façon, il est à peu près certain que la plupart des quelques personnes qui ont commencé à écouter "Les heures" ont vite abandonné devant l’ampleur de l’investissement auditif nécessaire et ne sont pas allés jusqu’au bout. Le locuteur ne chante pas, il décrit d’une voix blanche et lente son état et les pensées mortifères qui envahissent sa tête. Le morceau est inséré sur le disque central d’un triple album très "exigeant" d’une durée totale de 2h20 et qui ne prend même pas la peine de porter un titre. Juste le nom du groupe : Mendelson. Le texte est dense et long, très littéraire. Un immense monologue, qui décrit de manière parfois extrêmement détaillée des sensations violentes et qui part souvent dans des considérations complaisantes, à la limite du délire. Je ne connais rien qui puisse s’approcher un tant soit peu de cette chose dans la chanson française, rien non plus dans la musique actuelle, le rock ou d’autres chapelles. Il faut bien comprendre qu’à l’écoute des "heures", on se retrouve projeté dans un univers violent, étouffant, probablement une des descriptions les plus complètes et précises de ce qu’est la dépression profonde.
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Mendelson vient récemment de se saborder, à l’automne 2021, en publiant un septième album, pertinemment nommé : "Le dernier album". Le groupe existait depuis 25 ans. Il n’a jamais rencontré le succès, malgré les qualités évidentes de la musique et surtout des textes, écrits par son leader, Pascal Bouaziz. Dans la première chanson, "Le dernier disque", Bouaziz décrit lui-même, avec un humour consommé, le statut de son groupe au sein de la scène rock indépendante française : « Mendelson, groupe obscur, inconnu, mythique, culte … mon cul ». Signés au mitan des années 90 sur le label Lithium, à la suite de Dominique A. et de Diabologum, sous une forme de duo, ils sortent en 1997 un album étrange et intimiste, aux tonalités folk, au titre en forme de lieu commun : "L’avenir est devant". A l’époque, Mendelson est promu dans la presse rock indépendante comme un des groupes les plus prometteurs du moment. L’album ne se vendra qu’à quelques milliers d’exemplaires. Par la suite, Bouaziz sortira des albums d’un autre genre, un rock abrasif basé sur les guitares, et des textes centrés sur la vie médiocre des petites gens, sur la banlieue, oscillant entre misanthropie, humour cynique et description réaliste, sociologiquement affutée, du monde réel. Trois albums de plus en plus longs verront le jour entre 2000 et 2008, pour aboutir finalement à ce 5e album, où Bouaziz poussera sa logique d’écriture au bout. (...)

STOP ME IF YOU'VE HEARD THIS ONE BEFORE
est un cadeau rock écrit par Olivier Dalesme pour Isabelle Nivet et Sorties de secours.

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En thérapie. saison 2

Bon, difficile de passer à côté, les affiches sont partout, c’est le retour de « En thérapie ». La série d’arte dont on a binge-watché, pendant le confinement, les 35 épisodes accompagnés de la BO de Yuksek en ritournelle, une première fois le temps d’un week-end, puis une seconde quand nos voisins ont enchainé. Une drôle de mise en abyme : une première saison regardée pendant le confinement, une deuxième saison qui parle du confinement. Dans cette saison 2, on retrouve l’extraordinaire Frédéric Pierrot, dont les problèmes personnels viennent se conjuguer à ceux de ses patients, cinq nouveaux personnages. Jacques Weber est un chef d’entreprise anxieux. Aliocha Delmotte joue le rôle du fils de Pio Marmaï et Clémence Poésy, présents dans la saison 1, et que l’on retrouve par petites touches. Charlotte Gainsbourg, très éthérée, prend, elle, la place de Carole Bouquet pour recueillir les troubles du Docteur Dayan. Enfin, trois comédiennes emportent le morceau, Agnès Jaoui, de plus en plus magnifique dans la fragilité, Suzanne Lindon (la fille de Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain) totalement émouvante, avec sa dérision dans la souffrance, et enfin Eye Haïdara, que les Lorientais connaissent bien pour avoir fait partie de L’académie de jeunes comédiens créée par Eric Vigner lorsqu’il était à la tête du Centre Dramatique. Chaque personnage est traité par un réalisateur ou une réalisatrice différent·e·s, Emmanuelle Bercot, Agnès Jaoui, Arnaud Desplechin et Emmanuel Finkiel, qui ont, chacun, visiblement, mis beaucoup d'émotion et d'empathie dans leur caméra.


Le principe pour cette saison 2 reste le même - quoique plus appuyé : montrer le processus analytique d’une thérapie auprès d’un professionnel. Un principe toujours accrocheur et plaisant à suivre, même si, plus encore que dans la saison 1, la démonstration se fait moins légère. Pour le besoin de la série, les révélations et déclics, rarement spectaculaires dans la vraie vie, sont ici marqués, lisibles, accompagnés d’une musique destinée à nous faire comprendre que là, il se passe quelque chose. On a des cliffhangers, des points d’orgues, pour décrire un processus qui se déroule, généralement, plutôt dans le brouillard, le déni et le doute... Et cette fois, passée la découverte de la première saison, on trouve la mariée un peu trop belle, et les épisodes parfois un peu trop longs. Reste malgré tout le plaisir toujours vif des regards, sourires, étonnements et inquiétudes du visage de Frédéric Pierrot, qu’on adore lire comme un livre sur l’empathie…