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Le juste prix

Hum, ce fameux moment de ce janvier ! La petite pointe d’excitation qui monte, les pourcentages qui clignotent, les newsletters qui tombent dans les boîtes mail, les encarts publicitaires à droite, à gauche, en haut, en bas de l’écran, les textos, les imprimés dans la boite aux lettres (comment, vous n’avez pas de Stop Pub ?)… Etant donné la situation sanitaire, on parle peut-être moins de ruée dans les magasins, mais le shopping se fait très bien sur canapé. Bon, vous avez bien compris de quoi je veux parler… Les soldes, quoi, le grand rendez-vous semestriel de la consommation.

Il fut un temps…
Il fut un temps, un temps que l’on situe dans la première partie du XIXe siècle, où les soldes ont été créés. L’idée de Simon Mannoury, qui tient alors une boutique de confection à Paris, était aussi simple que révolutionnaire : « Et si je bradais des articles pour vider mon magasin et faire de la place pour des nouveaux produits, est-ce que je ne vendrais pas plus ? ». Un concept qui fait tilt dans la tête du jeune Aristide Boucicaut, vendeur chez Mannoury, qui va reproduire la méthode en beaucoup, beaucoup plus grand, quelques années plus tard, au sein du Bon Marché dont il devient propriétaire. Un visionnaire, dirons-nous, qui inspire le personnage d’Octave Mouret dans l’épisode « Au Bonheur des Dames » d’Émile Zola (à binge-reader de toute urgence si ce n’est pas déjà fait). C’est la grande époque des grands magasins parisiens, et ça tombe bien, c’est aussi l’époque où on produit en grande quantité.

Ce qui a pu sembler une bonne affaire à une certaine époque l’est-il toujours ?
Quand on y réfléchit, acheter à prix réduit un manteau pour le petit dernier en prévision de l’hiver prochain peut avoir un certain sens, surtout lorsqu’il affiche un beau -40%. Ou pourquoi choisir entre deux couleurs alors qu’un tee-shirt vaut à peine quelques euros ? A ce prix-là, pourquoi se priver ?

L’industrie de la mode, l’avènement de la fast-fashion, le seconde-main avec des sites comme Vinted, le recyclage, les filières de don… beaucoup de choses ont changé notre façon de voir notre garde-robe. D’ailleurs, quelques données chiffrées sur l’industrie textile mériteraient de donner lieu à une prochaine chronique, dédiée uniquement à dresser le bilan de ce que représente le textile pour notre planète. Rien qui nous force à être passif : il y a aussi des solutions pour acheter bien, cela méritera d’y revenir.

Soldes, vraiment ?
Mois du blanc, Black Friday, promotions, déstockage, ventes privées, pré-soldes, outlet… les prix cassés existent toute l’année. Que signifient donc les soldes en 2021 ? Les soldes sont encadrés en France et permettent ce qu’on appelle la vente à perte, durant une période donnée. A priori une bonne opportunité pour les consommateur·rice·s que nous sommes. Sauf que derrière l’étiquette, ce sont surtout des pratiques commerciales pas très jojo qui se cachent.

L’édifiant documentaire de Rémi Delescluse Soldes, tout doit disparaître donne pas mal de clés de compréhension (à visionner ici). Entrecoupé de beaucoup de pubs – pas pour les vêtements, ouf -, c’est le prix à payer. Le réalisateur dénonce de nombreuses pratiques que nous ne soupçonnons pas et qui nous font mordre à l’hameçon : prix du vêtement augmenté juste avant les soldes pour nous faire croire à un rabais, collections à bas prix créées spécialement pour les soldes, vêtements de collections passées… Mais ça, à la limite, le problème c’est de se faire arnaquer. On a envie de dire tant pis. Pour ça, il existe la répression des fraudes.

Victimes de la mode
Le problème est plutôt celui de notre responsabilité personnelle, celle de participer à un système, où, au nom de la rentabilité, les pires pratiques sont acceptées. Salaires de misère à l’autre bout du monde, cadences infernales, hausse des salaires des ouvrier·e·s à condition d’augmenter le nombre de pièces cousues à l’heure, chantage des marques qui menacent de changer d’usine si les coûts de fabrication augmentent… Comme le dénonce l’association Ethique sur l’étiquette dans ce film, ce sont avant tous les ouvrières qui sont soldées. Il y a une phrase que je trouve toujours juste et que j’aime à me répéter quand je suis en train de succomber au chant des sirènes de la petite robe noire : « Quand tu ne payes pas cher, c’est que quelqu’un paye pour toi ». En l’occurrence, ce peut être cette ouvrière au Bangladesh qui est payée l’équivalent de 51 euros par mois quand il lui en faudrait 289 pour avoir un revenu décent.

Alors ce n’est pas de notre faute finalement. Le marketing nous a fait perdre nos repères, nous ne connaissons plus la valeur des choses, nous ne savons pas ce que cela coûte, nous n’avons aucune idée du temps nécessaire à la réalisation d’un vêtement dans de bonnes conditions et nous ne connaissons pas les matériaux.  Le site du collectif Ethique sur l’étiquette donne de nombreuses ressources sur le sujet, comme ce quizz normalement destiné aux ados, mais qui peut être utile au plus grand nombre.

Et puis le site donne aussi des clés pour consommer autrement . La bonne nouvelle, c’est qu’on fait, encore une fois, appel à notre cerveau. Et comme disait Coluche : « Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas ! ». Allez hop, je remets en rayon ces deux pantalons, je raccroche cette jupe, je repose ce pull. D’ailleurs, je ne rentrerai plus jamais dans ce magasin. C’est cool, je ne vais pas à avoir à faire de la place dans mes placards pour ranger tout ça.

A lire aussi la très bien faite bande-dessinée de l’autrice morbihannaise Elise Rousseau : « Mais pourquoi j’ai acheté tout ça ? », une prise de conscience de la spirale infernale de la consommation dans laquelle nous sommes embarqués, à notre insu.

Géraldine Berry. Janvier 2021
IG @geraldineberry_lorient
Imparfaite, incomplète mais engagée, j’essaye de participer au jour le jour à une société plus verte, persuadée qu’une goutte d’eau dans la mer, c’est déjà ça.

Parce que la coopérative Biocoop Les 7 épis est une entreprise engagée et militante, elle finance cette chronique et nous permet d’offrir une rubrique orientée solutions, dans l’objectif de donner des clefs pour agir…

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